Crises

Acier

Et rien ne te sied mieux que la douleur.
Lorsque souffrante, meurtrie, tu continues à faire semblant.
Pire, lorsque tu affiches ton visage le plus resplendissant.
Confiance, détermination, froideur...
Un masque d'acier entre toi et le monde que l'on ne peut qu'admirer.
On s'incline, effrayés.
On ne comprend pas, que trop tard.

Des paroles tranchantes, affûtées.
Révélant un cri sourd, brisé.
Une attitude inflexible, impassible, impossible à déchiffrer.
Pour empêcher le rouge de teinter ton armure, l'eau salée de l'oxyder.

Car à l'intérieur rien n'est beau.
C'est moche, visqueux, saturé.
C'est contenu par des barrages si fragiles.
Une simple vague, juste là, à l'intérieur.
Et les gonds lâchent.
Et ton visage resplendissant se retrouve trempé.
Encore plus effrayant, étrangement.

Il ne faudrait qu'un souvenir de ta part pour tout emporter.
Quand l'acier n'avait pas été forgé.
Quand tu étais nue, vulnérable.
Chaque coup te touchais.
Mais il y en avait si peu.
Souviens toi de quand tu ne souffrais pas.

Et maintenant ?
Tu le vois.
Tu n'es plus la même.
Tu souffres tellement, tu es si blessée.
On pourrait croire que tu es morte.
On dirait que tu es morte, déshydratée.
Le cœur asséché.
Terriblement sèche.

Ton armure fuit, depuis une éternité.
Peut être même depuis que tu l'as forgée.
Tout ce qui était protégé, coincé à l'intérieur s'est échappé.
Il n'y a plus rien.
Mais cela aussi on ne le voit pas.
On ne voit que le métal froid, brillant.
Et c'est la seule chose qui compte.
Car qui aurait l'audace de regarder en dessous ?

Rien ne te sied mieux que la douleur.
Lorsqu'il n'y a plus rien à protéger à part du vide mais que tu continues à faire semblant.
Mieux, lorsque tu te sers de ce vide pour solidifier ton armure.
Détachement, indifférence, insensibilité...
Une plaque de métal froid érigée autour de toi, impossible à franchir.
Alors on s'éloigne, terrifiés.
On comprend pas, jamais.

Et rien ne te sied mieux que la douleur.