Vie en jeu

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Ce n'est juste qu'un petit jeu de "et si".
Un jeu de ce qui n'arrivera jamais mais que l'on se plaît à imaginer pour montrer à quel point on a réussi ou rater notre existence.
Voir tout ce que l'on a gagné et perdu.
Ce que l'on a su préserver et détruire.

Une autre vie.
Ou jamais je n'aurais écrit ces lignes car ridicules.
Ou jamais je n'aurais réfléchi à une autre vie car la mienne déjà parfaite.

Me voilà, entrant dans les études supérieures pour accomplir un destin grandiose.
Aller dans des domaines dignes d'intérêts dans lesquels pourtant je n'ai jamais trouvé tout l'épanouissement que je cherchais.
Me voilà, dans ces études que j'échouerai pitoyablement.
Parce que je n'aurai pas travaillé.
Parce qu'on m'aurait dit que j'étais douée naturellement.
Que je bossais largement assez.
Une vie où je l'aurais écouté lui.

Puis je partirai après cette année lamentable.
J'irai autre part.
Un milieu simple, ne demandant aucune qualification particulière, avec beaucoup d'emplois.
J'irai dans la facilité.
Mais si j'irai là bas ce ne serait pas de ma faute.
Jamais.
Seul ce modèle éducatif désuet sera responsable.
Et cette discrimination à mon égard.
Car ils sont jaloux, évidement.
N'est-ce pas ?

Je ferai des rencontres.
Les impressionnerai au premier abord par mes superbes connaissances de quelques lignes.
Je les choisirai bien.
Car pas tout le monde ne mérite pas ma compagnie.
Et les amis...
Pourquoi faire ?
Tant que j'ai des connaissances qui peuvent m'être utile sur le moment.
Pas besoin d'amis, cela demande trop de temps et d'investissement pour rien.

Au bout d'un certain temps je me trouverai un compagnon.
Un type discret, dans mon ombre, mais avec une jolie façade.
Encore une fois le choix doit être bien fait.
Méthodiquement.
Il devra m'être utile sans pour autant briller à ma place.
Mais il faut également que lui ai des sentiments.
Ou qu'il sache bien jouer.
Car nous jouerons.
Un beau couple, c'est toujours vendeur, je suis sûre que cela pourra m'aider.
Mais pas d'enfant.
Pas le temps.
Pas d'argent à dépenser inutilement.
Et ce sentiment ridicule qu'ont les mères.
Comment s'attacher à la vie d'un autre humain plus qu'à la sienne ?
C'est vrai quoi, c'est ridicule.
Mais ça je ne devrai pas le dire non plus, les enfants ont la côte.
Juste éviter la question lorsqu'elle sera posée.

Il me quittera un jour.
Parce qu'il aura compris que je ne compte que sur moi.
Que tout est pour moi.
Il me dira que je suis égoïste.
Manipulatrice.
Sans cœur.
C'est faux, j'aurai un cœur.
Pour moi.
Puis une fois qu'il sera parti je me retrouverai seule.
J'aurai bien ma famille.
Obligé de la voir une fois toute les deux semaines pour faire bonne figure.
Mes vagues connaissances à qui je n'aime pas parler.
Mais je n'en aurai rien à faire.
Je serai seule.
Heureuse.
Car personne ne me complaît plus que moi même.
Et je finirai ainsi.
Seule.
Dans ma propre crasse.

La voilà la vie que j'ai évité.
Voilà sa vie.
Si je n'avais écouté que lui.
Si sa voix n'avait été que le seul fondement de mon caractère.

J'aime jouer à ce jeu.
Et si j'avais été comme lui.
S'il avait été ma seule éducation, mon seul héritage.
Pour voir la vie que j'ai réussi à éviter.
Et chaque fois que je rejoue, je me l'imagine avec plus de précisions encore.

Et chaque fois je me rends compte que cela ressemble tellement à ton misérable appartement.
À toi.
Que la vie est plus douce ainsi.
Loin de toi.

CrisesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant