L'écart de température entre la douceur de ses draps, le corps chaud de Lucas blotti contre elle, et la glace piquante de la banquise sembla d'une violence inouïe à Amalia. Son amant, lui-même, clignait des yeux, ébloui par le soleil.
Ils s'étaient levés vingt minutes plus tôt, paniqués à l'idée de manquer le départ de cette nouvelle expédition. Enfin, surtout Lucas qui risquait d'être en retard à son propre examen final.
Debout en arc de cercle autour de Kentigern, les six apprentis écoutaient avec attention les instructions du Maître.
« Je me suis personnellement occupé de vos indices, expliquait-il. Je surveillerais de loin la mission, mais je n'interviendrais pas. »
Il disparut et livra à eux-mêmes, quatre capes rouges et une bleue perdues dans l'immensité blanche.
« Rabattez vos capuches », leur intima Âryni.
Après les avoir laissés au blizzard, la Confrérie s'était arrangée pour choisir le jour le plus lumineux qu'il soit. La réfraction du soleil sur la glace brûlait leurs yeux et l'air sec irritait leurs poumons. Remonter la cape sur leur tête résolut les deux problèmes et présenta également l'avantage de dissimuler la nouvelle cicatrice sur le menton d'Âryni, une courte coupure de deux centimètres qui pulsait d'un bleu électrique. Sa punition pour l'avoir frappée au foyer, supposa Amalia qui n'en était plus à s'étonner de découvrir ce genre de pratique. Le regard meurtrier que lui adressa la gamine confirma l'hypothèse.
« On reprend le quadrillage », ordonna Lucas.
Les six apprentis acquiescèrent, puis s'éparpillèrent sur la glace, sans formation particulière. Amalia prit soin de se placer la plus éloignée possible d'Âryni, qui fut tout aussi prompte à l'ignorer.
Au bout d'une trentaine de minutes, Usem poussa un cri de satisfaction et brandit une enveloppe estampillée du sceau confrère au-dessus de sa tête. Pour décacheter l'indice, ils durent tous lier leur magie dans un sortilège de signature commune. Coopératifs, ils avaient dit.
Le pli contenait six morceaux de papier. Amalia récupéra le sien et fronça les sourcils. Lucas brisa leur silence circonspect d'un rire nerveux.
« Je dois rechercher neuf pièces de monnaies de pays différents, cachés à trois endroits, sous la glace, avec interdiction d'utiliser un maléfice de détection de métaux. Rassurez-moi, vos instructions sont du même type ? »
Ils l'étaient. De toute évidence, Kentigern s'était amusé à dissimuler différents objets insolites. Une chasse au trésor incongrue à la place d'un blizzard, tous s'accordèrent à dire qu'ils avaient gagné au change. Amalia se gratta le bout du nez, perplexe. Elle devait dénicher une carotte cachée dans une congère, puis construire un abri pour attendre le retour de Lucas.
« La porte apparaîtra lorsque j'aurai tous les objets sur moi, conclut ce dernier. Bon, hé bien, au travail ! »
Ils s'éloignèrent vers les directions indiquées par leur papier, à l'opposé des uns et des autres. Amalia devait commencer à trouver de la neige, car, pour l'instant, tout n'était que glace.
Elle marcha une vingtaine de minutes pour de tomber sur une zone de poudreuse qui lui sembla très artificielle. Un charme de détection des végétaux lui fit froncer les sourcils : le sol tout entier, sous la couche gelée, était couvert de gazon. Elle resta perplexe plusieurs secondes avant de comprendre : afin d'éviter un terrain inconnu alors qu'on voulait lui mettre des bâtons dans les roues, Kentigern s'était arrangé pour recréer une fausse banquise dans un lieu qu'ils pouvaient maîtriser. Avec une telle flore enfouie, trouver sa carotte ne serait pas si simple. Elle changea de tactique et lança un enchantement traceur, appris une dizaine de jours plus tôt, pour faire apparaître les pas de ceux et celles qui étaient passés ici dans les heures précédentes.
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La Sorcière d'Aon
FantasyChère Consoeur, Par la présente, je sollicite l'accord officiel de la Confrérie quant aux démarches que je souhaite mettre en oeuvre concernant Amalia Elfric. Née Hohenhoff le 13 septembre 1875 du calendrier Merlinique, elle présente une capacité in...