Intervention

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Amalia haussa un sourcil. Ainsi la signature magique du Confrère permettait également d'ouvrir sa chambre... Irritant.

« Bonjour, quelle surprise, entrez, ne restez pas à la porte, ironisa-t-elle.

— Est-ce que tu sais que toutes les informations qui circulent par ces ordinateurs sont publiques et que, dans ton cas, elles ne sont pas anonymes ? », répondit Maître Kentigern sans faire attention à l'irascibilité de la jeune femme.

La sorcière croisa les bras. Non, elle ne le savait pas.

« Qu'est-ce que j'en ai à faire... souffla-t-elle.

— Nos échanges peuvent être consultés par n'importe quel citoyen des Cités Arabes. »

Amy écarquilla les yeux et Kentigern marcha jusqu'à la vitre pour éteindre l'intelligence artificielle. Kurt les salua très poliment. Sa lumière orangée s'effaça.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé pour que tu te renseignes sur la sécurité de la ville ?

— N'importe quel citoyen des Cités Arabes, répéta la sorcière pour ne pas répondre. Vous êtes du coin ?

— La Confrérie garde un œil partout. »

Indifférent à leurs échanges, un service à thé s'était matérialisé devant la table basse et versait le liquide fumant dans deux tasses en porcelaine fine. Kentigern prit place dans un fauteuil dont les motifs en flocon de neige rouge n'étaient pas sans rappeler le mobilier du chalet. Résignée, Amalia s'installa en face de lui.

« Tu n'as pas dormi ici... où est-ce que tu as été trainer ?

— J'ai trouvé un bar sympa, puis un gars sympa », répondit-elle succinctement.

Kentigern devait sans doute s'attendre à plus de précisions, mais elle ne comptait pas lui donner satisfaction. Il lui avait certes très certainement évité quelques désagréments avec la police locale, mais puisqu'il se permettait d'entrer comme ça dans sa chambre... qu'il n'espère pas tirer quoique ce soit d'elle après coup. Elle aurait pu être accompagnée et occupée.

L'image d'Okoro nu lui revint en tête... Exactement le genre de situation où elle ne voulait pas être dérangée... Sans le breton et sa colère, ce début de journée aurait pu être parfait. À la réflexion, elle s'abstiendrait d'en parler à Kentigern. Après tout, sa Confrérie avait tout intérêt à l'éloigner de ses racines...

« Une Hohenhoff vient de Stuttgart. Je ne pense pas que l'on puisse considérer la Bretagne comme tes racines. »

La sorcière sursauta et dévisagea son interlocuteur, interdite. Elle se releva d'un coup et s'écarta, partagée entre l'effroi et la colère. Il lisait dans son esprit et elle ne l'avait pas même senti effleurer sa conscience ! La baie vitrée arrêta ses pas. Amalia se figea, concentrée pour monter ses défenses mentales.

« Il va falloir t'habituer à penser moins fort, grimaça Kentigern. Ces défenses sont bonnes, mais insuffisantes contre un mentaliste entraîné...

— Vous avez forcé mon esprit ! s'exclama-t-elle en se tournant vers lui, outrée. Selon le droit Fédéral, vous...

— Le droit ne me concerne pas et nous ne sommes pas en territoire fédéral, l'interrompit-il dans un calme parfait. Apprendre à fermer ton esprit est fondamental. Tu m'as jeté tes pensées au visage. »

Amalia croisa les bras, déstabilisée de le trouver si léger sur un sujet aussi grave. Sa dernière remarque oscillait entre la boutade et le reproche. Debout contre la vitre, avec l'immensité urbaine dans le dos et un mage qu'elle découvrait toujours plus puissant devant elle, la jeune femme se sentait prise au piège, acculée. En apprendre plus sur la Confrérie, envisager de la rejoindre... plus le temps passait, plus le danger qu'ils représentaient pour elle devenait palpable. Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Elle pouvait refuser, exiger de rentrer chez elle... ou accepter d'entrer dans leur jeu, de suivre leurs règles, leur coutumes. Amalia hésitait. À ce qu'elle sache, les mentalistes n'usaient pas de leurs pouvoirs pour les tranches de vie aussi triviales. Le Confrère accompagna sa réflexion en douceur :

La Sorcière d'AonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant