Surprise que personne ne la congédie, Amalia passa les doigts dans ses cheveux courts et souffla un merci hésitant.
« Je pense donc qu'il ne faut pas accéder à leur requête, reprit-elle, une fois le calme retombé sur l'assemblée. La raison est simple. L'Ordre veut mettre la main sur les côtes.
— Pourtant, selon l'entente...
— L'entente veut que la Fédération reste dans les Terres quand les Congrégations conservent l'usage du littoral, oui. Mais je ne parle pas de la Fédération. L'Ordre est un groupe que l'on pourrait qualifier de paramilitaire. Ils sont très implantés, très actifs et violents. En particulier envers les communautés humaines. »
Une main se leva dans l'assemblée. Elle fronça les sourcils et, d'un signe de la tête, donna la parole à l'adolescent qui la demandait. Amalia était toujours surprise de constater que les jeunes s'avéraient plus enclins à l'écouter que leurs aînés.
« Ceux de l'Ordre ne font pas partie de la Fédération ? Ils parlent Fédéral pourtant... C'est quoi la différence entre l'Ordre et un soldat de l'armée ? Eux aussi sont un groupe paramilitaire, non ? »
Si quelques vieux levèrent les yeux au ciel, car ils connaissaient la situation, d'autres tournèrent un visage intéressé vers la sorcière. Ce n'était pas vraiment le sujet et elle n'avait pas prévu d'en parler, mais elle ne pouvait pas passer à côté de la chance qu'ils lui donnaient. Leur apporter des réponses, c'était les aider concrètement.
« Je vais vous expliquer d'où ils viennent et qui ils sont, commença-t-elle. L'Ordre est une organisation qui a été fondée par Leuthar, il y a onze ans. Quand il a monté son groupe, avec l'accord de la Fédération, ce ne devait être que l'équivalent d'un parti politique. Depuis les Cataclysmes, c'est vrai, les sorciers ont du mal à faire confiance aux humains, Leuthar s'est servi de ce ressenti pour fédérer son mouvement. »
Amalia se détendit, elle avait leur attention, enfin. Elle but une gorgée d'eau, puis reprit :
« Il y a cinq ans, il a placé une personne politique, Pétra Perm, à la botte d'un de nos trois Présidents. Et non, anticipa Amalia, je ne parlerai pas du système politique fédéral aujourd'hui, ou du moins pas maintenant. Mais on en reparle plus tard avec plaisir. »
L'adolescent hocha la tête et sourit.
« En cinq ans, ils ont passé bon nombre de lois anti-humaines. Tous les postes non-sorciers ont été supprimés du gouvernement, comme celui du père de Wil. Mais personne ne disait rien, tout le monde fermait les yeux. Ça résolvait nos problèmes de cohabitations. Ils ont déporté des centaines d'humains vers les côtes, mais personne ne disait rien, parce que tout le monde était d'accord. Certains sorciers ont essayé de protester. Au début, ils se sont contentés de les discréditer. Aujourd'hui... Aujourd'hui, élever la voix contre l'Ordre, c'est risquer sa vie. »
Elle s'arrêta là, ils avaient compris le principe.
Ils étaient tendus. Entendre une sorcière raconter cela, sans s'encombrer des discours politiques habituels, c'était rare. Même si leur rage ne la visait pas, ils serraient les dents. Amalia le sentait, mais elle était trop loin dans son explication pour s'arrêter. Son cœur battait plus vite. Elle déglutit et reprit :
« L'Ordre a commencé, il y a deux ou trois ans, à montrer sa force de frappe colossale. Leuthar est... incroyablement fort. Et quand je dis incroyablement fort... »
Elle frissonna. Les pouvoirs maîtrisés par cet homme dépassaient l'entendement.
« J'ai du mal à vous donner une échelle. Aux dernières estimations, il possédait plus de magie qu'un dixième de la Fédération des Enchanteurs réunie. C'est un véritable monstre de puissance. Il s'est entouré de mages redoutables. Il y a un problème avec nous autres, sorciers. Nous pouvons toujours devenir plus forts, toujours plus puissants. Ce n'est qu'une question de volonté, de persévérance. Si on le veut, on peut. Et Leuthar le veut plus que tout. Il est extrêmement fort et son pouvoir croît de jour en jour. Il y a 3 ans, on aurait pu l'arrêter, grâce à l'armée. Mais pour quoi faire ? Les sorciers n'étaient même pas au courant du nombre d'humains qu'il tuait sur les côtes. Il ne s'en prenait pas encore à ses concitoyens. »
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La Sorcière d'Aon
FantasiaChère Consoeur, Par la présente, je sollicite l'accord officiel de la Confrérie quant aux démarches que je souhaite mettre en oeuvre concernant Amalia Elfric. Née Hohenhoff le 13 septembre 1875 du calendrier Merlinique, elle présente une capacité in...