Père / fils

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MICHAEL


« T'es tellement une putain de dictatrice ! »

Michael lâcha un profond soupir, soudain en proie à une lassitude prononcée. Il s'empara de ses écouteurs blancs, du verre de limonade au citron qu'il venait de se préparer, mit ses lunettes de soleil sur ses yeux et ouvrit grand la porte-fenêtre du salon pour se rendre sur la terrasse de sa villa. Il perçut encore, plus éloignés, les cris de sa femme et de sa fille qui se disputaient comme deux harpies :

« Et pourquoi non ? » insista Tracey, en maillot de bain bleu, qui faisait insolemment face à sa mère.

Amanda, encore en tenue de sport blanche et violette, tapa furieusement du plat de la main sur l'îlot de la cuisine.

« Il ne reste pas cette nuit ! décréta-t-elle, intraitable. C'est un clochard !

- Et alors ?!

- Je ne vois même pas ce que tu fais avec ce minable.

- Tu te fous de moi ? Il a nulle part où aller !

- Je m'en fous.

- Tu m'énerves !

- Tu m'as entendue ? Je m'en fous.

- Merde ! T'as pas le droit, putain ! C'est pas juste !

- Ne te mêle pas de mes affaires ! Et surveille ton langage ! Je vais appeler ton père et tu vas t'en prendre une !

- J'espère que quelqu'un va te saboter les freins ! Pauvre conne...

- Je le jure devant Dieu, tu es insupportable. Insupportable... »

Michael s'allongea sur l'un des transats au bord de sa piscine, sous les rayons dorés du soleil de midi. Il s'alluma un cigare, mit ses écouteurs et se reposa tranquillement, I Don't Care Anymore de Phil Collins dans les oreilles, en sirotant paisiblement son verre.

Étendu là, quelques minutes, il se réfugia dans la musique, dans la chaleur sur sa peau et dans son impression éphémère de solitude et de bien-être. Il partit dans son monde, loin de tout cet ennui qui le rongeait chaque fois qu'il avait affaire à sa famille. Il les aimait, oh oui, de tout son cœur. Mais à certains moments – et souvent, ces temps-ci – il ne savait plus quoi faire avec eux. Que ce soit Amanda, Jimmy ou Tracey, il les sentait lui échapper, les uns comme les autres, et désespérait de savoir un jour comment réparer les choses.

Mais là, il ne désirait qu'oublier tout quelques instants, s'offrir une parenthèse, un sursis court mais bienvenu. Son coup de sang de la veille appartenait déjà au passé, mais lorsqu'il se remémorait la sensation de son sang battant à ses tempes en frappant sans retenue cet arnaqueur de Simeon Yetarian, il admettait s'être senti vraiment vivant, pour la première fois depuis ce qui lui semblait des lustres. Il pensa brusquement au Dr Friedlander. Peut-être devrait-il lui en toucher deux mots, lors de sa prochaine consultation.

Si seulement sa vie pouvait être aussi simple que cette chanson...

Derrière le voile sombre de ses lunettes, il regardait les rayons du soleil qui le baignaient de sa chaleur, le palmier dans le coin de la terrasse balancer son feuillage au gré du vent frais... et une silhouette massive jeter une ombre sur son moment de détente, qui lui fit un signe de la main en remuant les lèvres dans un salut muet.

Interloqué, Michael déposa son verre et releva ses lunettes sur son front, pour mieux voir l'importun. En t-shirt de motard et sweat à capuche gris, le jeune homme lui revint immédiatement, mais il ne comprit pas pourquoi il était revenu le voir. Le quadragénaire l'avait déjà grassement payé pour sa coopération...

𝐺𝑟𝑎𝑛𝑑 𝑇ℎ𝑒𝑓𝑡 𝐴𝑢𝑡𝑜 𝑉Où les histoires vivent. Découvrez maintenant