Capital de départ

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ROBYN


Tenant son volant d'une main, les yeux braqués sur la route comme si sa vie en dépendait, Robyn s'empara de son portable de l'autre, y jeta à peine un coup d'œil le temps de sélectionner Trevor en bas de sa liste de contacts, et porta l'iFruit mauve à son oreille, son cœur pulsant comme un dératé tout au fond de sa poitrine.

Plusieurs sonneries s'enchaînèrent, bien trop longues, et elle se demanda si le psychopathe irait jusqu'à l'ignorer délibérément. Ce serait de bonne guerre... et elle le mériterait. Mais elle ne désespérait pas de pouvoir encore rattraper les choses en cours de route. Elle distinguait toujours le Bodhi rouge grenat qui slalomait au loin, fonçant sur Vespucci Boulevard en ne ralentissement sous aucun prétexte. En poussant sa Ruiner dans ses derniers retranchements – et avec l'aide d'un soupçon de chance – elle parviendrait peut-être à rattraper le sociopathe.

Finalement, il décrocha.

« Trevor, laisse-moi te parler, lui demanda-t-elle d'entrée de jeu.

- Espèce de fausse... traîtresse... hypocrite ! lui hurla-t-il à travers le portable. Tu m'as menti ! Pendant des putains d'années, tu m'as menti !... Je te faisais confiance ! Je te faisais confiance, putain !...

- Trev, s'il te plaît ! On peut pas se quitter comme ça. On doit discuter.

- Oh, discuter de quoi, hein ? De la façon dont t'es venue chier sur mon business en faisant passer ça pour de l'amour ?! Ça me branche pas du tout... !

- J'ai jamais voulu te mener en bateau ! lui soutint-elle avec fermeté. Ni te reléguer au second plan, ni quoi que ce soit. Essaie de comprendre : t'aurais réagi comment, si j'étais venue te dire que j'avais peut-être retrouvé ton meilleur ami mort depuis dix ans ? J'avais aucune preuve ! Aucune certitude...

- Les vrais amis se mentent pas. J'ai toujours été droit, avec toi ! Je t'ai toujours tout dit ! Mon père, ma mère, et rrrr... ce putain de Michael ! T'as TOUJOURS tout su !... »

Robyn entendit un coup de klaxon strident juste à côté d'elle, porta un regard sur la gauche et, de justesse dans un réflexe qui sauva sa Ruiner et probablement sa vie, elle esquiva un véhicule dont elle avait coupé la route à toute allure au carrefour. Refus de priorité dû à la déconcentration. Ses pneus crissèrent violemment sur l'asphalte pendant qu'elle dérapait à toute vitesse sur la droite, et faisait un tête-à-queue pour se retrouver à la hauteur du trottoir opposé, le souffle court, le pouls emballé, dans un concert de klaxons et de grincements de pneus.

Robyn expira un bon coup, resserrant son volant des deux mains pour faire passer son instant de frayeur. Ç'avait été moins une. Elle apaisa doucement le rythme fou de sa respiration, pendant que Trevor, dans le combiné de son smartphone, hurlait toujours à pleins poumons.

« Pourquoi tu m'as rien dit ? Comment t'as pu me cacher ça ?!... Je le savais, je savais que j'aurais dû te tuer, le jour où t'as ramené ta face d'ange sur mon territoire !... »

Puis, sur ces mots vénéneux, il raccrocha. Merde ! jura furieusement Robyn en pensées, jetant son portable sur le siège passager, avant de manœuvrer pour se remettre sur la route. La situation était profondément délicate. Après six ans passés à le fréquenter, elle connaissait Trevor Philips presque aussi bien qu'elle-même. Et elle savait que le seul moyen de l'empêcher de se livrer à ses instincts les plus bestiaux, c'était de se faire violence et lui ouvrir son cœur, en espérant pouvoir atteindre le sien.

𝐺𝑟𝑎𝑛𝑑 𝑇ℎ𝑒𝑓𝑡 𝐴𝑢𝑡𝑜 𝑉Où les histoires vivent. Découvrez maintenant