Prologue

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Alors, par quoi commencer ?

Bonjour, peut-être ?

En tout cas, soyez les bienvenus dans mon histoire. Puisque vous êtes là, dites-moi... Non. Pour bien démarrer et que nous nous comprenions, j'ai d'abord besoin que vous fassiez preuve d'un peu d'imagination. Ne prétendez pas que vous en manquez, l'exercice ici présent est particulièrement simple. Il vous suffit de fermer les yeux. Ouais. Non. Oubliez cette idée. Si vous le faites alors vous n'allez plus pouvoir lire la suite. Je dis souvent n'importe quoi, vous allez vous y habituer je pense. J'espère en tout cas !

Bref.

Pensez à une porte. Oui oui, une porte. Inutile d'être surpris, c'est un peu le titre du livre après tout. Cela peut-être n'importe laquelle. En bois, métal, plastique – si ça vous fait plaisir – même si c'est un matériau que je préfère éviter. Là, c'est ma fibre écologique qui parle. Développement durable et tout et tout. Néanmoins, aucun jugement quoi que vous décidiez ! Nous ne sommes guère là pour ça ! Enfin, évitez de me parler de peau de bébé phoque tout de même !

Bon. Trêve de plaisanterie.

Vous avez votre porte à l'esprit, ça y est ? De quelle couleur est-elle ? A-t-elle déjà une poignée ? Si ce n'est pas encore le cas, ajoutez-la. Choisissez la forme vous faisant plaisir.

C'est ok ?

Alors placez-vous face à elle, préparez-vous à l'ouvrir, toutefois attendez un instant et réfléchissez. Que pensez-vous voir derrière ? En réalité, nous ne sommes jamais sûrs de ce que nous allons trouver de l'autre côté de la porte, n'est-ce pas ? La vôtre va-t-elle vous mener vers l'intérieur ou l'extérieur ? Est-ce celle d'une maison, d'un appartement, de votre bureau ? Vous permet-elle d'accéder à une cuisine, un salon, une salle de bain ou un magasin ? Votre restaurant préféré peut-être ?

Personnellement je raffole de la nourriture asiatique, sauf que ce n'est nullement le sujet.

Peut-être vous attendez-vous à ce qu'il y ait des gens qui soient là. Des enfants, des amis, vos parents, un conjoint ou un amant ? Un chat, un chien, un lapin.

Dans le cas où c'est un serpent, abstenez-vous de m'en informer, merci !

Si vous allez vers l'intérieur, de quelle teinte seront les murs ? Sont-ils en papier peint ou recouvert d'une simple couche de peinture ? D'un enduit, éventuellement ? Ça peut être ce que vous voulez. Ce dont vous avez le plus envie. Imaginez qu'un architecte a réalisé votre rêve... tout est possible sans limitation aucune. À l'inverse, avez-vous décidé que votre porte donne sur un jardin à la campagne, le couloir d'un immeuble ou une rue passante ? Dans quel pays ?

Univers même, soyons fou !

Allez, nous avons assez attendu. Poussez-la, puis passez le seuil. Tirez-la si c'est ce que vous avez en tête.

Alors ? Est-ce tel que vous l'aviez imaginé ?

Probablement. Et certainement que nous avons tous pensé à quelque chose de différent. Ce n'est en rien important, au fond.

Pourquoi vous ai-je demandé de faire ça ?

Je n'en suis plus très sûre, en réalité. Potentiellement afin de retarder l'échéance avant d'être obligée de vous parler de ma porte. Ou plutôt, de ce que j'ai trouvé lorsque je l'ai ouverte. J'y pense tout spécifiquement aujourd'hui, mon réveil venant de sonner. Il est sept heures du matin, nous sommes à New York. C'était il y a tout juste deux ans. Mon ami Joshua et moi – un stupide casque de chantier vissé sur le crâne – faisions l'inspection des travaux pour notre projet de fin d'études. Celui allant nous permettre d'être embauchés par Build By Philips, l'un des plus importants cabinets de conception urbaine du pays.

Autant vous dire que nous étions très enthousiastes !

Un avenir brillant s'offrant à nous, nous avions prévu d'aller boire un verre pour fêter l'événement juste après la visite. Tout était parfait. Fred venait de me proposer de l'épouser en mettant un genou à terre lors d'un séjour en Inde, mes parents étant totalement heureux à cette idée. Sans doute davantage que je ne l'étais, pour être franche. Un avocat, voyez-vous ? Je n'aurais pu trouver mieux afin de satisfaire leurs attentes.

À part un chirurgien peut-être.

Mais bon, la vie avait décidé de le mettre sur ma route – ou papa a fait ça, plutôt – puis la magie avait opéré. Nous nous fréquentions depuis presque un an et devions emménager ensemble quelques jours plus tard.

Idyllique ?

Privilégiée, j'en suis consciente. Honnêtement, j'estimais quand même que cela allait beaucoup trop vite, mais ne voulais décevoir personne. J'ai été élevée ainsi... dans l'optique de toujours correspondre à ce qui était attendu de la part de la fille de William Davis, architecte de renommée internationale. L'enfant unique dont on espérait tant. Inutile de vous préciser d'où est venue ma vocation pour le design citadin, bien sûr.

Bon. Ok. Faisons une pause. Vous pensez que je me suis égarée ?

Loin s'en faut, étant donné que ma porte était là, sur le chantier. En bois massif – peinte en blanc – menant au sous-sol de l'incroyable rénovation d'immeuble que Joshua et moi avions pensé, imaginé, dessiné dans ses moindres détails. C'est toute à mon euphorie que j'ai posé mes doigts sur la superbe poignée chromée en riant avec lui, l'ouvrant sans regarder devant. Je n'avais pas besoin de le faire, ayant personnellement créé cette partie du bâtiment. Projetant inconsciemment ce que je pensais découvrir, je me suis avancée avec entrain.

Un peu comme lors de l'exercice que vous avez effectué plus haut dans ce texte.

Finalement, il était vraisemblablement là, le but. Vous faire comprendre qu'en réalité, nous ne sommes jamais sûrs de ce que nous allons trouver de l'autre côté de la porte, c'est important que vous vous en souveniez pour la suite de l'histoire.

Essentiel, même.

J'imagine que vous vous questionnez sur ce qu'il y avait pour que j'insiste autant sur ce point. Et bien pour tout vous dire, il n'y avait rien. Du tout. Ce soir-là, en passant le seuil...

J'ai rencontré le vide.

***

L'autre côté de la porteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant