24 | Sourire hypocrite.

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Je suis directement rentrée chez moi en esquivant la salle d'attente dans laquelle Joshua et Carly patientaient. J'ai fui comme une voleuse, une coupable. Telle la femme au cœur brisé que j'étais. Recroquevillée sur la banquette arrière d'un taxi, j'ai sangloté si fort que le chauffeur m'a tendu une boîte de mouchoirs en gardant le silence, me lançant un regard compatissant depuis son rétroviseur intérieur.

Merci.

Quelque chose me dit qu'il est rodé à ce genre d'événement. Son métier doit vraiment lui permettre de voir toutes sortes de situations, n'est-ce pas ? Dans le mien tout n'est qu'apparence et politesse. Sérieux. Élégance. Enthousiasme parfois, mais étant donné la clientèle de Build By Philips et les gigantesques projets sur lesquels nous travaillons, tout reste dans la mesure. Le contrôle. La maîtrise. Je suis habituée puisque j'ai été élevée à me comporter ainsi. Que j'ai toujours fait face à l'exigence avec brio. Alors mes joues inondées dans une voiture jaune ? C'était inédit et je suis bien obligée de reconnaître que j'ai cru entendre ma mère me commander de me ressaisir afin de ne pas me donner en spectacle. Mais je ne pouvais pas, là, maman. Faire semblant. À moitié.

Puisque je l'aime en entier.

En arrivant à l'hôpital, j'étais prête à assumer qu'il m'en veuille. Après tout, je n'avais aucune légitimité à me précipiter à son chevet alors que j'avais gardé le silence lorsque j'étais en France. Que j'étais celle qui avait mis de la distance entre nous bien que tout était si simple avant mon départ, et qu'il semblait ressentir la même chose que moi. Ce qui est certain, c'est que rien ne m'avait préparé à ça. Elle. La trouver là derrière sa pile de présents pour lui. Souriante. Charmante. Belle. Et définitivement proche de lui.

Ariana.

Est-il retourné dans ses bras dès l'instant où il a compris que je le repoussais ? Mais en réalité, avait-il seulement cessé de la voir ? Après tout et comme il l'a si justement souligné, nous n'étions pas un couple. Nous n'avions jamais abordé le sujet de l'exclusivité, d'ailleurs. C'était probablement naïf de ma part de supposer d'emblée que nous l'étions. Non. Je n'ai pas fait cela. En réalité, c'était si évident pour moi que je ne me suis même pas posée la question. Alors la croiser là, faire face à son apparence de miss parfaite, c'était comme si la vie me remettait à ma place. Repositionnait ma relation avec Evan dans une perspective que je n'avais pas encore observé. Aurait-il voulu que nous soyons officiellement ensemble, de toute façon ? J'avais inventé cette histoire de difficultés pour arguer que je n'étais pas en capacité d'être en couple avec qui que ce soit afin de le garder à une distance raisonnable. Mais au bout du compte, la vérité qui m'a brutalement heurté, c'est qu'il n'avait pas explicitement émis ce souhait. Il a seulement dit qu'il n'aurait rien réchauffé avec elle si je n'avais pas menti. Mais je l'avais fait, alors lui aussi. Ai-je le droit de me sentir trahie ?

Je suis stupide.

Il me restait trois jours de congés, et je dois vous avouer qu'il ne m'en fallait pas moins. J'ai rejoins mon lit en compagnie de Wyatt – mon chat, évidemment –, et ai stupidement cherché son odeur – celle d'Evan entendons-nous bien –. Lorsque je l'ai trouvé, j'ai vrillé et ai retiré mes draps avec une hargne au delà de toute rationalité – pardon, maman –. J'aurais pu les brûler pour être honnête, mais heureusement je me suis contentée de les mettre dans mon lave-linge pour un cycle long à soixante degrés. Un instant, j'ai pensé...

Si je mettais le feu, peut-être que je rencontrerais un charmant pompier qui me ferait tout oublier ?

Ouais. C'est dire comme j'ai perdu pied. À tel point que j'ai éteint mon téléphone quand Joshua et Carly ont tour à tour essayé de m'appeler puis on commencé à m'envoyer des textos. Tellement que lorsque ma meilleure amie est venue frapper à ma porte, je ne suis pas allée ouvrir. Même elle, je ne voulais pas la voir. Bien qu'elle ait la clé, elle n'a pas essayé d'entrer. Je sais qu'elle entendait la musique qui filtrait, et « Run » de Ludovico Einaudi, donnait clairement le ton. Si elle avait croisé la jeune femme dans les couloirs alors elle comprenait. Peut-être avait-elle mis ses menaces à exécution ? Après tout, elle avait bien prévenu Evan qu'il y aurait des conséquences s'il me faisait souffrir. Et là, putain que j'ai eu mal, même si au fond, je l'ai bien cherché n'est-ce pas ? C'était samedi matin, et la jolie brune n'a pas insisté, consciente qu'après mon injection d'Emgality la veille, j'avais de toute façon besoin d'être tranquille.

L'autre côté de la porteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant