15 | Dans le genre.

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— Je dois t'avouer que je suis surprise, souligné-je dans une nonchalance sincère. C'est toi qui est parti, après tout.

Il a le culot d'avancer sa main pour effleurer mon bras jusqu'à la laisser rejoindre la mienne, posée sur le comptoir. J'arque un sourcil avec suffisance mais reste immobile, aussi glaciale qu'indifférente. Je n'ai rien ressenti, pour être honnête. Pas le moindre petit frisson. À part peut-être celui du dégoût.

— J'ai eu tort, me dit-il sans se départir de ce sourire – celui au travers duquel je sais parfaitement lire –. J'ai eu des doutes, mais je sais que tu peux le comprendre.

Hum. Jolie façon d'emballer la merde, maître Wilson, félicitations. Toutefois évitons d'oublier que même dans un beau paquet, elle reste ce qu'elle est.

Pourquoi maintenant ?

C'est inutile que tu prennes la peine de répondre, mon amour, je le sais déjà.

Désormais nous pouvons reprendre là où nous en étions lorsque...

Voilà. Tu n'arrives même pas à le dire. Tu veux parler du moment où j'ai « failli » dans le rôle que tu m'avais assigné ?

L'expression sur son visage, est-ce le moment de vous en parler ? Fred est un connard arrogant, je l'ai déjà évoqué, je sais. Mais dites-vous qu'il a rompu nos fiançailles alors que j'étais sur un lit d'hôpital, juste avant mon réveil – à priori c'est acceptable pour l'image de quitter une fille dans le coma si cela fait plus de neuf mois – avec un avenir incertain. Lorsque je ne rentrais plus dans ses projets de vie parfaite. Alors que je m'étais accidentellement éloignée de la jeune femme à l'avenir brillant tout tracé et sans l'ombre d'un nuage. J'avais dévié de la ligne droite de son autoroute en direction du succès. Mon embardée était davantage qu'un joli petit cumulus traversant le ciel bleu de l'été, joyeusement poussé par une brise légère sentant bon le blé doré. C'était un putain d'ouragan qui avait tout ravagé sur son passage, laissant planer le doute sur ce qu'il resterait à sauver. Alors, soyons d'accord que je peux entendre qu'un homme prenne peur, dans cette situation. Qui voudrait s'occuper d'une telle charge ? Certains le font, j'en suis consciente et oh mon dieu, je les respecte tant pour cela ! Mais d'autres ont moins d'engagement, et je suppose qu'il vaut mieux couper court que de s'imposer une vie de souffrance des deux côtés. Bref. Revenons à cet hypocrite rictus formé sur les lèvres du séduisant avocat. Sachez que c'est celui qu'il arbore lorsqu'il est au tribunal, sûr de gagner. J'ai pu l'observer si souvent ! Et je l'aimais, je l'avoue. C'est aussi professionnel que condescendant, pour vous le décrire. Ce qui signifie très clairement que s'il est ici – à me faire cette proposition ce soir – c'est uniquement parce que j'ai remis mon existence précisément là où elle était il y a deux ans – job étincelant compris –. Il n'est pas vraiment là pour moi. Il l'est pour son plan, car je fais à nouveau l'affaire. Croyez-moi, le nom de famille Davis n'est pas rien dans le coin. Et il lui ouvrirait les dernières portes avant le sommet.

Va te faire foutre, chéri.

Après m'être lentement dégagée de son étreinte, j'attrape ma pochette argentée et en sort du bout des doigts ma plaquette de Laroxyl. J'en extrais un comprimé rose que je pose sur le bout de ma langue en détachant chacun de mes gestes, puis l'avale avec une gorgée d'eau pétillante dans un regard résolument provoquant. Tandis qu'il déglutit en suivant les mouvements de ma gorge, je jubile.

— Comme tu peux le constater, souligné-je d'une voix langoureuse, je ne suis pas revenue totalement indemne.

Il se lève pour s'approcher davantage, une lueur agitée dans les yeux.

Tu as envie de moi, n'est-ce pas ?

Tu sais que nous pourrons avoir une superbe vie ensemble, chuchote-t-il à mon oreille.

L'autre côté de la porteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant