Les rayons du soleil entrant dans la pièce me tirent lentement du sommeil. La petite fenêtre au-dessus du lit laisse aussi filtrer l'apaisant bruit des vagues, alors mon premier réflexe est de m'étirer en esquissant un sourire satisfait.
Il y a donc du vent aujourd'hui.
J'adore cet endroit, je m'y suis toujours sentie en sécurité. Préservée. Coupée de tout. Depuis que nous l'avons découvert avec Carly lorsque nous avions vingt-et-un ans, j'y suis allée à plusieurs reprises. Pour moi, c'est comme un refuge loin du tumulte de la vie new-yorkaise. Un retour à la simplicité où nous n'avons guère à nous soucier du paraître, du « qu'en dira-t-on ». Les paupières toujours closes, je visualise le bleu turquoise de la mer lors des paisibles journées d'été. L'archipel des Kornati est sublime, sachez-le. Oui. J'émerge en Croatie, bien que la nuit dernière...
Bordel. De. Dieu. De. Merde.
Ah ! Tu en as mis du temps, Taylor !
Je viens enfin de me reconnecter à la réalité, me rappelant que je ne suis nullement en vacances. Loin de là, puisque je suis en fuite, m'étant évadée des locaux du FBI en passant par les conduits d'aération. Et que lorsque j'ai rejoint Central Park...
Putain.
Vous aurez compris que mon réveil vient brutalement de me sembler moins doux. D'ailleurs, j'hésite à ouvrir les yeux. Dites-vous que je suis bien, là, dans le déni. Le nœud que mon estomac avait dénoué pendant mon sommeil s'empresse de se resserrer, celui de ma gorge m'étranglant littéralement. J'étouffe. À tel point que je me redresse brutalement en repoussant ma couverture. M'ajustant à la luminosité, je laisse mon attention dériver sur le contenu de l'unique pièce composant la cabane de pêche. Le réfrigérateur qui ronronne m'indique que le petit générateur que j'ai fait installer il y a quatre ans est en marche. Les légers rideaux me semblent désormais insuffisants, car je voudrais pouvoir me cacher. Être oubliée. Que personne ne puisse me voir. Me trouver. Jamais. Finalement, mon regard glisse sur la table en bois, s'arrêtant sur le revolver y étant posé juste à côté d'une serviette en tissu.
Hum.
Oh ! Un Taurus Raging Bull !
Ouais, pas mal.
Mais ce n'est pas le modèle avec lequel je suis le plus à l'aise. Enfin... Entendons-nous bien, je suis contre le port des armes à feu d'une manière générale mais je suis américaine, rappelez-vous. J'ai donc appris à tirer, comme beaucoup d'entre nous. Cela fait partie des choses que j'ai partagé avec mon père à l'adolescence, donc je l'accompagne encore parfois au stand de tir. La concentration nécessaire pour viser me permet de me recentrer, ce qui a un effet positif sur mon stress et par extension, mes migraines. Cependant, le Glock 19 que j'ai reçu pour mes dix-huit ans ne quitte que rarement son coffre du Westside Rifle & Pistol Range, y retournant directement après la séance. Bref. Plongée dans mes pensées à ce sujet, j'étudie la main placée à côté de l'arme. Elle appartient à un homme à la peau mate, si vous voulez tout savoir. Je remonte attentivement le long de son bras, atteint son épaule, son visage aux traits impeccables – comme le reste –, retenant mon souffle face à ses paupières closes.
Je n'aurais jamais cru que tu t'endormirais.
Il est assis sur une chaise en bois clair juste à côté de la sortie. Sa tête est basculée en arrière, calée contre le mur, sa respiration aussi lente que régulière. Sans cesser de l'observer, je descends doucement de mon lit, m'avançant le plus discrètement possible. Ce que je veux faire, là, je sais déjà qu'il m'en empêchera s'il s'en rend compte. Les ordres qu'il a reçu sont très clairs, figurez-vous. J'étais présente quand ils ont été donné sans être en mesure de donner mon opinion. Ce n'est pas une surprise, j'ai l'interdiction formelle de partir d'ici. J'atteins la porte sans faire le moindre bruit, remerciant intérieurement les dalles en pierre de favoriser mon déplacement silencieux. Je contemple un instant la couleur vert bouteille me séparant du but, avant de me tourner vers mon geôlier, la table, et l'objet dont je veux me saisir.
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L'autre côté de la porte
خارق للطبيعة« En réalité, nous ne sommes jamais sûrs de ce que nous allons trouver de l'autre côté de la porte, n'est-ce pas ? » Pour Taylor, architecte new-yorkaise, il s'agit d'une affirmation et non d'une question. C'est une certitude aussi évidente que deux...