29 | Pourquoi

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Je suis figée. Peut-être même ai-je l'air impassible bien qu'en réalité je suis sidérée, mon cœur battant plus vite que jamais, ayant la nausée à cause de l'angoisse autant que ma migraine. En face, il arbore une expression que je ne lui connaissais pas, incapable de la déchiffrer.

Est-ce à cela que tu ressembles lorsque tu es l'agent Northwood ?

Je tente de déglutir, hélas ma gorge est trop nouée. J'essaye de respirer, sauf que la panique m'en refuse l'occasion. Alors je ferme les paupières, espérant qu'il s'agisse d'un putain de cauchemar. Laissez-moi dans le déni juste quelques secondes, merci.

Tu ne m'as pas fait ça.

Bien sûr, lorsque je trouve le courage – la folie – de retourner affronter la vérité, ma porte est encore ouverte sur Kuala Lumpur. Je m'empresse de la fermer d'un geste brutal qu'il n'essaye nullement d'arrêter, y appuient mon dos avant de me laisser glisser jusqu'au sol, cherchant toujours mon souffle.

Tu l'as fait.

J'étouffe. Littéralement. Au milieu du chaos de mes émotions, il y a aussi un millier de questions se bousculant dans mon esprit. Une évidence, surtout. Ce qui se produit n'est en rien le fruit du hasard. Ce n'est aucunement un accident. Il aurait déjà réagi, sinon. Comme la première fois, dans le couloir de son immeuble. Alors...

Pourquoi ?

À l'instant où je lève le menton pour rencontrer son regard, il s'est agenouillé. Sa main s'approchant de ma joue, je n'arrive plus à penser clairement. L'ai-je seulement déjà fait lorsqu'il s'agit de lui ? C'est donc mon instinct de survie qui se charge de prendre le contrôle afin de le repousser.

— Ne me touche pas ! éructé-je dans un sanglot mal réprimé, me relevant précipitamment pour m'éloigner.

Pourquoi ?!

Je n'ai aucune issue, je le sais. Puisque j'ai veillé à me trouver un endroit sans portes, qu'il se trouve devant l'unique sortie et que mon réfrigérateur n'est pas une option. En conséquence, je recule en tentant de réfléchir, désormais terrorisée. Sauf qu'à la seconde suivante il m'a déjà rattrapée, me maintenant contre lui.

Hé ! Tout va bien ! Calme-toi ! Ce n'est que moi !

Ça ne va pas du tout !

— Lâche-moi !

Ma voix a de tels accents de douleur qu'il me libère aussitôt. Je me rue impulsivement de l'autre côté de mon îlot central, y prenant appui en tenant de respirer alors qu'il n'a cessé de me dévisager. Avec cette fausse distance de sécurité, je réussis enfin à le regarder aussi.

Taylor ?

Quoi ?

Il n'a nullement l'air de vouloir te faire du mal.

C'est vrai, je suis obligée de le reconnaître. À présent, il semble plutôt désemparé. D'ailleurs il recule, rejoint le couloir avant de revenir avec le sachet qu'il avait prétendument oublié.

Foutaises.

Maintenant qu'il s'approche d'une foulée mesurée, je n'ose bouger. Mon esprit tente de mettre de l'ordre dans son tumulte et mes doigts sont crispés, s'accrochant au bois car il me faut au moins cela pour rester debout.

— Je ne voulais pas te faire peur, chuchote-t-il en s'asseyant sur le tabouret qu'il occupe usuellement.

Putain de bordel de dieu de merde ! Qu'espérais-tu d'autre ?!

— À quoi joues-tu, Evan ? grondé-je.

Oui, au milieu de la confusion régnant en moi, la colère se fait sa juste place. Dans ma cuisine, le parfum de la trahison surpasse celui du café ou des gâteaux. Alors au-delà de toute rationalité – sûrement échappée par la porte ouverte – je me redresse, m'avançant lentement afin de le rejoindre. J'observe sa respiration totalement maîtrisée, sa posture parfaite se voulant compréhensive, mais...

L'autre côté de la porteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant