8- Javier et Beate

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Résumé des chapitres précédents:

Javier et Willem se sont retrouvés et aucun des deux n'a oublié l'autre.

Les souvenirs de leurs querelles passés sont toujours là.

Javier fait connaissance avec Beate chez qui il va passer les quinze jours du séjour et par contre il est bien tombé, la fille est sympa et la maison dans les dunes donne sur la mer du nord.

***

Willem

Beate me tourne le dos et mange en lisant son téléphone.

Je me racle la gorge, essuyant la sueur de mon front avant d'aller me laver les mains.

─ Salut ! Tu aurais voulu faire du vélo ?

─ Non je déteste ! Je suis trop grosse. Tu as dû remarquer, ils se moquent tous de moi. Je suis désolée tu n'as pas eu de chance de tomber sur ma famille, marmonne-t-elle en fixant son sandwich.

Je crois qu'il vaut mieux passer sur le fait qu'elle aussi s'est plaint de ne pas avoir de bol.

─ Je suis content d'être ici, tes parents ont l'air supers, et toi aussi.

Elle cligne des yeux et sourit, toute contente. Elle a attaché sa masse de cheveux qui évoque une serpillère sur la tête et elle est bien mieux ainsi le visage dégagé. Elle est adorable avec des fossettes, un nez retroussée et des yeux clairs. Même le petit double menton moi je trouve que c'est mignon.

─ Tu es sympa ! s'exclame-t-elle. J'avoue que j'étais déçue que tu ne sois pas une fille, je me suis calmée.

Elle me désigne le frigidaire.

─ Tu dois avoir faim ? Sers-toi.

Je lui obéis et à ma surprise, il est rempli de sandwichs empilés, ainsi que de paquets de charcuteries et de viandes, emballés sous vide. Un étage pour les bières et le lait. Rien que de voir le lait je me sens nauséeux. Rien ne me tente, mais il est presque vingt heures et je n'ai rien mangé depuis ce midi.

─ Ils sont tous au même parfum ? Je lui désigne la montagne de sandwich.

─ Oui, ma mère les prépare le matin pour la journée. Aujourd'hui, c'est œuf, mayonnaise et poulet. Sinon, tu as de la charcuterie ou des saucisses.

Je prends le moins gros.

─ Et si je voulais des légumes ? Tes parents m'ont dit qu'ils produisaient des légumes bios.

─ Mes parents les vendent, ils ne les mangent pas ! rigole Beate. Si tu en veux, on t'en donnera bien sûr.

─ Pas obligé ! et je confirme, je suis super bien ici.

Nous mangeons sans rien dire quelques minutes. Le silence n'est pas désagréable avec cette fille cool. J'admire la mer au loin, dans le soir qui tombe quand Beate rompt le silence.

─ Demain, je n'ai pas envie d'aller à la fête, ils vont tous se foutre de moi.

─ À ce point-là ? Pourquoi... ?

Je me demande ce qui lui vaut cette haine. En même temps la logique dans le harcèlement, vaste débat.

─ Parce que je suis grosse, je suppose... je m'habille mal... je suis timide !... Vous avez sûrement la même chose en France ? continue Beate.

Pour ma part, j'ai toujours été populaire ou au moins entouré, mais en effet nous avons ça aussi.

─ Tu n'as pas d'amies ?

─ J'en ai, juste pas dans la classe de français.

Elle m'intrigue de plus en plus.

─ Mais pourquoi tu fais du français, alors ? S'ils ne sont pas sympas !

─ J'ai toujours été fascinée par la France. Le pays du bon goût, de l'indépendance.

Je m'étrangle avec mon sandwich, devant les bêtises et les clichés.

─ Je ne vois pas ce qu'il y a de fascinant ! Je te rappelle que Lagerfeld était allemand ! Et pour demain soir, ça tombe bien, ne veut pas y aller non plus.

Je mors une bouchée dans le sandwich. Houlà ! ça déborde de mayonnaise.

─ Tu veux du coca, de la bière, du lait ?

Je me fais l'effet d'un imbécile maniéré, mais je ne pourrais pas tenir à ce régime.

─ Je veux bien de l'eau.

─ Du vin ?

─ De l'eau.

─ Petit joueur le français !

Beate éclate de rire en se moquant de moi, mais me donne enfin de l'eau et en dessert alléluia ...des fruits, j'ai redouté le baba au rhum journalier.

Nous finissons de diner tranquillement. Les parents de Beate qui ont déjà mangé se sont installés devant la télévision. Ça hurle en allemand, une émission de chansons.

─ Est-ce que tu veux que je te montre mes animaux ? propose Beate.

J'ai hoché la tête, en profitant pour abandonner mon sandwich immangeable. Elle m'a emmené voir des poules, des lapins, il y a aussi des cochons, des moutons.

─ Il était bizarre avec toi Willem ? murmure Beate en caressant les biches qu'ils ont recueillies, quatre beautés magnifiques et pas du tout farouches, qui réclament des caresses.

Elle a remarqué !

Je ne sais pas trop quoi dire : entre toute l'histoire ou un mensonge.

─ Le grand blond qui jouait au foot, celui qui est venu rejoindre sa petite amie... Sofia Wichter, la reine des pestes ! Il n'arrêtait pas de te regarder comme s'il voulait te bouffer, insiste Beate qui se croit obligé de me le décrire, alors que c'est bien inutile.

Je me décide pour un pieux mensonge pour l'instant. Je n'ai pas trop envie d'en parler et peut-être que ma stratégie d'évitement fonctionnera.

─ Tu as dû te tromper !

─ Il n'est pas comme ça normalement !

─ Ah OK ! je baisse la tête, gêné, peu désireux d'avouer à Beate qu'elle loge l'ennemi numéro un.

Ce n'est pas cool, j'espère qu'ils ne se vengeront pas sur elle.

Elle embraye sans se rendre compte de mes pensées.

─ C'est la star du gymnasium, tu dois t'en douter ! Il est copain avec tout le monde, lui !

Et merde !

─ Il est vachard avec les autres ? je demande, redoutant la réponse.

─ Naaan, normalement non, sauf avec un mec une fois... l'an dernier. Un garçon qu'il n'aimait pas et il l'a fait dégager. Personne n'a osé se mettre entre eux deux. Je n'ai jamais su exactement ce qu'il s'est passé, personne ne me dit jamais rien, hum... je crois que le mec faisait des histoires et il était gay.

OK merde, merde, merde, donc ne pas afficher mon homosexualité ici ! De toute façon je ne compte pas draguer. Mon objectif est de raser les murs quinze jours. Cependant je me sens en confiance avec la petite Allemande.

─ Vous êtes homophobe ici ?

─ Non pas du tout, il y a plusieurs couples de lesbiennes et des gays au lycée.

De retour dans ma chambre, j'admire un long moment les dunes, puis je me connecte à la conversation de groupe, chacun commente son installation, ils ont tous l'air contents. Certains ont des maisons avec piscine, d'autres vivent dans des fermes, Juliette, elle est logée à la mairie.

Je m'écroule parmi mes oreillers à profusion, admire le baldaquin, j'adore !

Je me mets en short de nuit blanc, torse nu et dès que je pose la tête sur l'oreiller, ses yeux bleus fâchés m'assaillent et ses lèvres sont sur les miennes, c'est un beau rêve !

Duel à Lübeck [BL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant