C'était simple

Je préfère celles de tes yeux

Deux mois étaient passés depuis leur rencontre avec Kuy. Le jeune australien était parti sans faire d'histoire et le couple n'avait plus entendu parler de lui. Il n'y avait dorénavant aucun problème entre eux.
  Théodore avait emménagé définitivement chez James après avoir vendu sa maison et la moitié de ses meubles. Il avait décidé de garder l'argent des ventes de côté pour pouvoir leur faire plaisir un jour, et évidemment ce dessein était une surprise pour James. Il ne savait pas encore comment en profiter mais il savait qu'il le ferait.
  Charles avait grandi, il avait appris à parler et venait passer une après midi par semaine chez Théodore et James.
  Ce dernier s'était finalement laissé convaincre par son frère et était allé voir la tombe de son père avec Louis. Il n'avait rien ressenti à part de la haine et son frère ne lui adressait plus la parole depuis. Heureusement, ils savaient tout deux que ce n'était que passager.
  Après cette petite visite, le jeune homme avait également décidé de visiter ensuite son passé et était retourné chez Lucie, dans son ancienne chambre qu'il avait toujours refusé de revoir.
  Sa mère n'avait rien fait dedans, tout était conservé. Et le noiraud se souvenait parfaitement de l'endroit où il avait posé ses lettres. C'était la raison principale de sa venue.
  La première chose qu'il fit en arrivant fut de se pencher sous son lit avant de tirer son tapis, dégageant ainsi son plancher. Il avait caressé le bois poussiéreux avant de trouver la planche posée en équilibre.
  James l'avait enlevée avant de récupérer sa boîte à chaussures dans laquelle il trouva toutes ses lettres. Il s'était assis sur son lit qui n'avait toujours pas été défait depuis son départ - cela avait tout de même un côté glauque - et avait lu tout l'après-midi ses lettres.
  Il rigolait, pleurait et s'en voulait parfois d'avoir été aussi gênant dans ses écrits. Mais le pire pour lui fut lorsqu'il lu la dernière lettre.

James, je t'écris ça pour dans je ne sais combien de temps. Déjà faudrait-il que tu reviennes à la maison. Ne reviens pas s'il te plait... J'ai mis cette lettre en dessous des autres et si tu en arrives jusqu'à à la lire, c'est que tu as lu les autres, et je suis fier de toi pour cet exploit. Ça n'a pas dû être simple.
J'ai prévu un endroit dans la maison avec une boite dans laquelle j'ai déposé des photos et des objets qui m'étaient précieux quand j'étais enfant. Je suis certain qu'en lisant ceci tu ne te rappelles même plus d'avoir réalisé cette action, c'est normal : j'ai tout prévu pour oublier ce moment le plus vite possible afin que tu ne te dépêche pas de revenir pour retrouver la boîte.
Tu la trouveras dans la salle de bain. Il y a un morceau de carrelage du mur qui ne tient pas, au-dessus du sol. Comme dans Amélie Poulain, tu sais, notre film préféré ? J'ai cherché longtemps le morceau de carrelage parfait et quand j'ai vu que celui-là ne tenait que de peu, j'ai tiré dessus et j'ai caché la boite dedans. Alors vas-y, amuse toi à la récupérer. Cherche sous chaque morceau. Je sais, je n'ai rien facilité mais franchement c'est normal puisque tu es revenu, je n'allais pas en plus rendre tout ça simple ! En tout cas je te suis reconnaissant d'avoir repris ces lettres et de les avoir lues... Jusqu'à la dernière. Amuse toi bien !

James s'était levé et avait couru dans la salle de bain en priant pour que sa mère n'ait pas changé les murs. Et tout était définitivement parfait car ils étaient encore là.
  Le jeune homme avait passé une demi-heure à quatre pattes sur le sol sale et avait fini par trouver.
  Il avait tiré la plaque de carrelage avec précaution et avait soulevé doucement le couvercle de la boîte, avec appréhension. Ses mains tremblaient tant l'émotion était présente. Une fois celle-ci ouverte, il découvrit qu'en effet, la boite était pleine de trésors.
  Des photos de lui, bébé, enfant, qui portait Louis bébé à son tour, de son père et lui qui souriaient sur un manège, sa mère et lui sur un bateau quelque part en Europe, son premier voyage en avion, toutes ses photos de classe...
  Il s'était laissé pleurer mais pas autant que lorsqu'il avait retrouvé ses objets. Ce fut une véritable vague de souvenirs touchants.
  Son premier doudou, la bague que son amoureuse de primaire lui avait offerte, une plume d'oie vieillie par les années qu'il se souvenait avoir trouvée en France, sa première mèche de cheveux coupée, son premier bulletin scolaire...
  Il s'était relevé au bout d'une petite heure, la boîte serrée contre son torse et s'était promis de ne plus s'en séparer.