L'accident

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C'est deux ans après la naissance de Soledad que survint l'accident. Les jumeaux avaient 10 ans, Nathanaël en avait 5. Athénaïs était sortie avec Prisca et ses deux frères. Elle avait fait exécuter un homme la veille et elle se détendait à une terrasse. C'est au moment de partir que ça arriva. Sergio marchait devant sa sœur, comme toujours, la protégeant de son corps. Un coup de feu retentit et Athénaïs tira Prisca derrière elle pour la protéger. C'est à peine si elle se rendit compte qu'on venait de lui tirer dessus. Un second coup de feu retentit sans que les deux frères ne puissent trouver le tireur. Cela ne les empêcha pas de sortir leur arme. Athénaïs ne dit rien, elle avait pris l'habitude des balles. Celle logée dans sa cuisse la faisait tout de même sérieusement souffrir. Angelo la mit à l'abris dans un café et Sergio cacha Prisca derrière une table renversée. Un nouveau coup de feu retentit et Prisca cria. Athénaïs se précipita à la fenêtre et Angelo se jeta sur elle. Les larmes aux yeux, elle gémit :

- Non... non... Sergio... vas le chercher... j't'en supplie... vas le chercher.

Les gyrophares de la police et des pompiers résonnaient déjà. Les fourgons s'arrêtèrent juste devant le café où la Señora s'était retranchée. On les emmena tous les quatre à l'hôpital.

Athénaïs pouvait sentir la présence de Prisca, son odeur. Elle murmura :

- Nous sommes à la maison, n'est-ce pas ? J'ai fait un mauvais rêve...

La Señora savait qu'elle n'avait pas rêvé, elle savait ce qu'il s'était passé. Elle savait parfaitement ce qui était arrivé. Elle espérait seulement. Elle espérait tellement se tromper.

- Mama... gémit Prisca. On est encore à l'hôpital...

Athénaïs l'entendit sangloter, elle n'avait toujours pas ouvert les yeux.

- Vas chercher une infirmière. Immédiatement.

Après quelques secondes, Prisca pleurait toujours et une infirmière prit timidement la parole.

- Buenos Dias, Señora. On vous a tiré dess...

- Je m'en fous, coupa-t-elle sèchement en la regardant. Je veux savoir comment va mon frère.

L'infirmière resta silencieuse. Prisca étouffa ses pleurs.

- Répondez-moi avant que je vous arrache les yeux de la tête.

- Je... je suis désolée, Señora...

- Foutez le camp.

Athénaïs détourna le regard et elle entendit l'infirmière fermer la porte. Les gémissements de Prisca eurent raison d'elle. Elle fondit en larmes tordant le drap qui la couvrait. Elle ordonna comme elle le put :

- Sors.

Prisca lui obéit sans chercher à protester. Elle s'effondra sur une des chaises du couloir et elle entendit la Señora crier de douleur. En fait, tout l'hôpital put l'entendre. Quand elle fut calmée, un médecin entra dans sa chambre. Elle déclara d'une voix brisée :

- Je veux le voir.

- Señora...

- Ce n'était pas une question.

Il déplia une chaise roulante et il la fit asseoir. Il l'emmena au sous-sol et il lui montra le corps de son frère. Elle pleura encore. Beaucoup. Longtemps. Et quand ses yeux furent secs, Gallia entra dans la morgue, tenant ses quatre enfants par la main. Elles se regardèrent. Elles ne dirent rien. La jeune Nathanaël tira sur la manche de sa sœur ainée et il l'interrogea :

- Pourquoi papa il ne se réveille pas ?

Alessia, essuya ses larmes et elle s'accroupit pout être à la hauteur de son frère. Elle lui parla avec une tendresse maternelle :

- Papa ne va pas se réveiller, Nat. Quelqu'un lui a tiré dessus et il est mort. Il ne va pas rentrer avec nous à la maison. Il ne reviendra plus jamais.

Le petit garçon fondit en larmes. Tout comme sa mère. Et sa marraine. Tiago regarda Athénaïs dans les yeux :

- Je retrouverais ceux qui ont fait ça à papa, et je les tuerais.

Tiago n'avait que 10 ans, il était orphelin de père et son cœur était noircit de colère.

- Je sais, hijo, murmura Athénaïs. Je sais.

De retour à la maison, tout le monde portait le noir du deuil. L'atmosphère était lourde et pesante. Athénaïs était encore en chaise roulante quand elle demanda à être emmenée au caveau familial. Quand Prisca eut fermé la lourde porte en bois sculpté derrière elle, Athénaïs se retrouva seule avec ses ancêtres. Elle avança jusqu'au cercueil de pierre de sa mère et elle s'y appuya pour se lever. Avant qu'elle n'ait pu poser les deux pieds par terre, le fauteuil recula et elle tomba à genoux. Elle éclata en sanglots.

- J'vous demande pardon Mère... j'ai faillis à mon devoir... j'ai faillis à ma tâche... il est mort... il est mort à cause de moi...

Elle pleura longtemps, appuyée contre la tombe de sa mère. Tout à coup, elle sentit qu'on lui caressait la tête. Personne n'était entré après elle dans le caveau. Elle gémit :

- Mama... j'ai tellement mal Mama... je l'ai perdu... mon frère...

- Lo se chica, lo se.

- Qu'est ce que je vais faire sans lui ? Comment je vais faire ?

- Vas a hacer lo que hacemos en esta familia. Vas a mantenerte fuerte y levantarte. Vas a asumir y dirigir tu clan como siempre lo hemos hecho. Y el dolor pasará. (Tu vas faire ce que nous faisons dans cette famille. Tu vas rester forte et te relever. Tu vas assumer et diriger ton clan comme nous l'avons toujours fait. Et la douleur passera.)

L'enterrement de Sergio eut lieu une semaine après sa mort. La cérémonie eut lieu à la cathédrale où il s'était marié avec Gallia, 10 ans auparavant. Elle dura toute la matinée, de 9 heures à midi. Il n'y avait pas un bruit, seulement les sanglots discrets de quelques femmes et des enfants. Gallia tenta de ne pas pleurer, sans succès et Athénaïs resta de glace. Elle ne versa pas une larme, elle ne gémit pas une seule fois. Elle resta assise face au luxueux cercueil en bois blanc verni jusqu'à ce que la cathédrale soit vide. Lorsque même Gallia fut rentrée à la Villa, Angelo s'approcha doucement de sa sœur. Il murmura :

- Gallia et les enfants sont à la Villa.

- Il ne me reste que toi, Angelo.

Il ne dit rien. Il n'avait plus qu'elle. Elle était sa béquille, son pilier. Tant qu'elle était forte, il serait fort. Tant qu'elle serait debout, il serait à ses côtés. Elle parla encore en effleurant le cercueil d'une main tremblante :

- Je l'aimais autant que toi, sinon plus. Il restera à tout jamais dans nos cœurs. Il a rejoint Mère à présent.

- J'espère qu'elle sera clémente avec lui, sourit-il tristement.

Athénaïs pouffa en chassant une larme.

- Je n'avais pas pensé à ça. Mais elle le sera. Il est son fils après tout.

- C'est bien ce qui m'inquiète.

Ils sourirent et ils sortirent de la cathédrale.

Les jours, les semaines et les mois furent long après le décès de Sergio. Gallia était inconsolable, tout comme Prisca. Athénaïs parlait très peu mais elle se consacra entièrement à l'éducation d'Alessia.


La MamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant