Alessia

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Huit années passèrent et la peine s'atténua sans vraiment disparaitre. Athénaïs portait toujours le noir du deuil, elle ne le quitterait jamais. Elle avait plus de 60 ans et Prisca en avait 40. Gallia resta fidèle à la mémoire de son défunt mari, elle ne prit jamais d'amant. Ni d'amante d'ailleurs. Angelo avait toujours le même compagnon. Les jumeaux avaient 18 ans, Nathaniel en avait 13 et Soledad 10. Elle se souvenait très peu de son père mais elle aimait écouter les histoires que ses frères et son oncle lui racontaient. Alessia passait ses journées avec Athénaïs. Elle avait appris à écouter lors des rendez-vous privés et des audiences. Elle avait appris à prendre les bonnes décisions, aussi dures soient-elles. Elle avait aussi appris à parler comme la Señora, à ordonner avec fermeté et non condescendance. Peu à peu, Athénaïs lui avait laissé le contrôle de la maisonnée, pour voir comment elle se débrouillait. Elle lui répétait souvent que son père serait fier d'elle.

Un soir, alors que Prisca venait de se coucher contre elle, Athénaïs déclara :

- S'il devait m'arriver quelque chose, Prisca...

- Ne parles pas de ça, coupa Prisca. Il ne t'arrivera rien.

- Bien sûr que si. Et tu le sais. Laisses-moi parler.

Prisca soupira. Elle n'aimait pas parler de la mort d'Athénaïs. Elle savait pourtant que ça allait arriver. Elle savait pourquoi, mais elle ne voulait pas l'accepter.

- Le jour où je mourrais, je veux que tu sois forte, Prisca. Je veux que tu sois là pour Alessia comme tu as été là pour moi. Je veux que tu lui trouve quelqu'un pour te remplacer.

- Je ne peux pas faire ce que tu me demande. Je n'y arriverais jamais. Je ne pourrais pas vivre sans toi. Je ne saurais pas vivre sans toi.

- Bien sûr que si. Tu as vécu 20 ans sans moi.

- Avant je ne savais pas ce que c'était de vivre auprès de toi. Maintenant que j'ai vécu 20 ans avec toi, je ne saurais pas faire autrement.

- J'ai besoin que tu le fasses, Prisca. Tu dois me promettre que tu continueras après moi.

Prisca se recroquevilla contre Athénaïs. Elle essuya ses larmes.

- Promets-moi, Prisca.

- Je te le promets.

Un an passa après cette promesse. Un an, où pas un jour ne passait sans que Prisca n'ait peur de perdre la femme qu'elle aimait.

Un soir, en entrant dans leur chambre, elle trouva Alessia assise sur le lit de la Señora.

- Donnes nous une seconde Prisca, ordonna Athénaïs.

Lorsqu'elle fut partie, Alessia reprit sa phrase.

- Et si j'ai peur du futur, Mama ? Si j'ai peur de ce qui va venir ?

- Tu dois avoir confiance en toi, en tes frères qui seront toujours là pour toi. Tu dois avoir confiance en ce que je t'ai enseigné. Et tout ira bien.

- Vous pensez que je peux y arriver ?

- Je t'ai élevée pour ça, chica. J'ai consacré ma vie à te préparer pour que tu perpétue notre tradition.

- Mama... je vous aime comme si vous m'aviez enfantée.

- Et moi je t'aime comme si tu étais la chair de ma chair, le sang de mon sang.

- Merci Mama. Je suis rassurée.

- Te quiero, Alessia.

- Te quiero, Mama.

Alessia déposa une baiser sur les lèvres d'Athénaïs.

- Bonne nuit, Mama.

- Merci, mon ange.

Prisca vint remplacer Alessia. Les deux femmes s'endormirent, enlacées.

Le lendemain matin, lorsque Prisca souleva le bras d'Athénaïs pour le lever, son cœur s'arrêta. Elle la palpa. Elle la secoua.

- Non... non pas ça... non, j't'en supplie... réveilles toi...

Elle fit tout ce qu'elle put.

- Pitié... me fais pas ça... pitié...

Elle hurla de douleur et elle éclata en sanglots.

- NON !

C'était arrivé. Elles en avaient parlé et c'était arrivé. En tenant son ventre, elle frappa le corps sans vie de la Señora.

- T'avais pas le droit ! Tu peux pas me faire ça... tu peux pas me laisser comme ça...

Angelo se précipita dans la chambre et il tomba à genoux devant le lit. Alessia resta sur le pas de la porte et Prisca se précipita pout la frapper sans y parvenir. Elle tomba à ses pieds, la tête appuyée contre ses jambes, en larmes.

- Pourquoi tu lui as fait ça ? Pourquoi ?

- Il le fallait Prisca, murmura Alessia, des larmes silencieuses dévalant ses joues. Son temps était terminé.

- NON... non...

Alessia baissa une main maternelle sur la tête de Prisca, de 30 ans son ainée.

- Je suis désolée. Je sais que tu l'aimais.

- Je te déteste... pleura Prisca, comme une enfant. Je te hais...

- Je sais...

La MamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant