vingt huit

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Vendredi.

Assis parmi les élèves du fond qui se permettaient de faire un boucan pas possible, même regarder l'extérieur ne m'aidait pas à faire abstraction de l'agitation et de la chaleur qui accablait l'arrière de ce bus. De plus, ce n'était pas avec moins de quatre heures de sommeil que j'allais pouvoir tirer quelque chose de ma cervelle peinant déjà à rester en marche.
Le vacarme m'empêchait même de somnoler, sous le poids des chants incompréhensibles, des cris stridents et des discussions peu discrètes. Ils allaient me coller la migraine à force, l'avant du bus me paraissait tellement plus paisible.

Avec un peu d'espoir, nous nous retrouverons bientôt en salle et je profiterai du silence pour somnoler. Voire peut-être, compenser mes heures de sommeil manquantes passées à entraîner Donghyuck qui, après un coup d'œil discret à travers le véhicule, n'avait pas l'air bien en forme non plus. J'osais estimer qu'il profiterait de cette journée allégée pour se reposer car ce soir, il allait devoir redoubler d'efforts. Afin d'être un tant soit peu à la hauteur pour les épreuves l'attendant le lendemain, je n'allais pas faire traîner son entraînement en longueur jusqu'au milieu de la nuit mais plutôt le concentrer sur quelques petites heures beaucoup plus intenses.

À en voir les reflets dans les devantures de boutiques que nous croisions, deux autres bus se dirigeaient au même endroit que nous, voire même encore un certain nombre que j'ignorais empruntant des itinéraires différents. Mes soupirs d'agacement décomptaient les minutes restantes avant d'arriver à destination; mais l'avantage était que même une fois le véhicule à l'arrêt, personne ne se pressait derrière moi pour sortir. La peur de me bousculer les tenait calmes; c'était l'un des seuls avantages à tirer d'être considéré comme une brute.

Il y avait peut-être quatre ou cinq classes à se hâter dans le hall, à discuter joyeusement entre eux, spéculant sur le sujet de la performance à laquelle nous allions assister. Je ne savais pas ce qui prenait autant de temps aux profs pour faire rentrer tout le monde mais l'attente se faisait longue. Quand mon tour vint enfin, je dus d'abord m'accommoder à l'obscurité partielle de la salle une fois passé les grandes portes et posé mon sac avec tous les autres, contre le mur. Je descendais lentement les marches séparant les colonnes de sièges depuis le fond surélevé; je ne pouvais pas aller plus vite, le voulant ou non, les autres devant moi semblaient peiner à simplement poser un pied devant l'autre à une allure naturelle. A la recherche d'une rangée où je pourrais être seul, je balayais à répétition le haut des sièges du regard espérant en trouver quelques uns inoccupés mais cela s'avérait peine perdue. La salle de spectacle allait être pleine à craquer.

Ce que j'aperçus, en revanche, surpassait mes espérances. La chevelure brune claire de Jaemin dépassant de son siège, tête penchée en arrière et prêt à s'endormir. Cela ne lui ressemblait pas. Je ne savais pas si je prenais la bonne décision en me rapprochant de son niveau mais c'était l'occasion de lui poser les questions qui me préoccupaient depuis ce qu'il s'est passé la veille. Il était isolé sur l'extrémité gauche de la salle, contre la paroi même à laquelle il s'appuyait; et je me glissai à sa droite sans qu'il ne sourcille, même pas d'un millimètre. Je sentais cependant qu'il avait remarqué une présence et bien évidemment entendu le siège l'avoisinant s'affaisser. Devais-je patienter, attendre qu'il ouvre les yeux et m'identifie avant de lui adresser la parole? Je voulais pourtant lui parler avant que la pièce ne commence, et si possible avant que tout le monde soit assis, pour profiter du brouhaha et que personne ne puisse entendre.

Pour cela, je me penchais au dessus de l'accoudoir, posant une mains sur la sienne, lui signalant ma présence et chuchotai.

-Jaemin.

Toujours sans bouger, ses sourcils se froncèrent tout simplement en même temps que sa poitrine se remplit d'air, retenant un long soupir.

-Qu'est-ce que tu veux, Mark. posa-t-il, s'empruntant d'une fatigue parfaitement jouée et cette fois, tournant la tête vers moi les yeux à peine ouverts.

Last Fight || markhyuckOù les histoires vivent. Découvrez maintenant