onze

535 64 8
                                    

Il vacillait, ses gencives saignaient déjà. Son visage était pâle et il se tenait en face de moi, tant bien que mal, epuisé. Il n'avait quasiment pas dormi ni mangé depuis que je lui avais donné les consignes.
Peut-être s'était-il dit qu'il lui serait plus aisé de perdre le combat s'il était réellement dans un état lamentable à sa venue, auquel cas il n'aurait pas besoin de faire semblant d'oublier ses réflexes, de ne pas utiliser sa force. Cette décision était très ingénieuse mais pas dénuée de risques, je pourrais le blesser plus gravement que ce que je devrais.

Ses yeux éteints me montrant un regard vitreux étaient cernés de fatigue et la couleur pourpre s'étendait jusqu'à ses pommettes surmontant ses joues creuses. Sa peau terne enveloppait son squelette tremblant et ses muscles affaiblis par la faim et l'insomnie. Et pourtant, il tenait sur ses deux jambes, habillé d'un short maintenant légèrement trop large pour lui et d'un t-shirt gris, tout comme les reflets de sa peau, et le bandage protégeait phalanges.
J'aimerais lui donner un sourire mais nous étions observés. Ils étaient tous là; peut-être une trentaine, une cinquantaine, peut-être une centaine, je ne voyais pas tout le monde et je ne les regardais pas vraiment non plus.
Les seuls que je voyais étaient mon père, et mon grand frère.
Des voix se faisaient entendre, des murmures, des regards en travers et tous les yeux étaient rivés sur ce Jeno pitoyable. Un mythe se brisait, de la déception, du mépris, de la condescendance mais pourtant, il ne prêtait pas attention à toute cette haine qui lui était adressée.

Je m'approchai de Jeno qui fit également quelques pas en ma direction, je pris sa main et la serrai en même temps de maintenir mon regard ferme ancré dans le sien. Je m'éloignai ensuite en le bousculant légèrement en arrière, ce qui désignait l'ouverture du combat. Par réflexe, il plaça sa garde en bas de son visage et ses jambes se placèrent dans une bonne position également. Je frappai le premier, il vacilla mais ne tomba pas tout de suite, je parai son attaque trop lente et profitai de son inattention pour lui asséner un coup de genoux dans les côtes ce qui le plia en deux et lui fit poser un genou à terre.
Il respirait plus fort pour mieux supporter la douleur mais se releva plutôt vite, je lui lançai un regard très clair. Il encaissait beaucoup trop bien pour un coup aussi fort. Le dernier camé que j'avais vu prendre un tel coup était resté à terre à cracher ses poumons pendant une dizaine de secondes le temps de reprendre son souffle. Il faisait des efforts pour dissimuler assez sa fatigue pour que ça paraisse naturel et je saisis poignet, le tordis avec force sur la gauche comme pour le disloquer mais en profitai pour attraper son col et approcher brèvement ma bouche de son oreille.

-T'es encore trop énergique. lui dis-je avant de lui crocheter le visage du poing.

Il cracha du sang et s'essuya les lèvres d'un revers de main qui tacha son bandage blanc.
Il tenta de me frapper et le coup n'était pas mauvais mais je parvins tout de même à lui faire une clé de bras qui le tourna dos à moi et il s'effondra quand je maintins son poignet entre ses deux omoplates. D'un coup de pied dans son flanc, il finit quasiment étendu face contre terre en dehors de ses coudes tremblants qui le maintenaient prêt à se relever. Son nez saignait également, et même si ça ne faisait pas tre longtemps que nous nous battions, son essoufflement se faisait ressentir.

Cette fois, il mit du temps à se relever, à prendre appui sur ses mains qui avaient du mal à soulever son poids et plus je tentais de le bousculer, plus sa faiblesse devenait perceptible. Pendant les affronts, le silence était complet et durant les moments de latence où Jeno se relevait, quelques bavardages crevaient ce silence étouffant.

Il parvint enfin à se remettre debout, fit comme s'il avait eu un éclat d'énergie et enchaîna quelques coups, certains que je parais et d'autres que j'encaissais facilement. Finalement, je posai juste mon bras contre sa gorge et appuyai fermement, en maintenant fermement son épaule. Il suffoqua, eut une quinte de toux par manque d'air et, après l'avoir frappé dans le ventre, lorsque je l'amenai lentement à terre, il tourna soudainement la tête et se mit à vomir sur le sol. À genoux, appuyé sur une main et l'autre sur sa gorge, la bile acide se répandit sur le béton et sa gorge racla dans une quinte de toux brûlant probablement sa trachée. Pendant que quelques exclamations répugnées s'élevaient, j'aidai Jeno à se relever après avoir lancé un regard à mon géniteur qui m'en donna l'autorisation.

Last Fight || markhyuckOù les histoires vivent. Découvrez maintenant