Last Fight || markhyuck

deux

L'hiver arrivait assez vite et toutes le semaines, mes amis passaient le week-end les uns chez les autres. Parfois, il arrivait que l'on me propose de les rejoindre mais j'étais contraint de leur dire que je n'en avais malheureusement pas le droit. Je me souvenais de la première fois où j'avais demandé l'autorisation de passer le week-end chez mon meilleur ami à mon grand frère: un regard glaçant avait suffi à m'en dissuader. Depuis, je m'étais habitué à les voir monter dans les voitures des parents d'un tel ou d'un tel avant de faire chemin seul jusque chez moi.

Yukhei était mon meilleur ami. Il était arrivé en cours d'année tout comme moi et avait aussi un an de plus que les autres élèves de la classe. Il était venu s'asseoir à ma table où je m'étais isolé à la cafétéria; s'était présenté avec enthousiasme et en attendant que j'en fasse de même, il mangeait d'immenses bouchées de viande en me fixant avec de grands yeux curieux. On avait énormément discuté, il avait beaucoup d'humour, je n'avais jamais autant ri en une journée. On s'était assis à côté en classe quand on le pouvait et aujourd'hui, après ces deux années de collège, nous étions devenus inséparables. Il était l'un des seuls à ne pas poser de questions ou s'énerver lorsque je devais décliner ses propositions à venir passer du temps chez lui.

Avec le temps, il avait compris que c'était inutile de demander.

Mais pas aujourd'hui.

-Tu veux qu'on aille jouer à la console chez moi? me proposa Yukhei à la sortie du dernier cours. C'est pas loin.

Nous avions terminé plus tôt à cause de l'absence de la prof de biologie, tombée malade durant le week-end. A vrai dire, si j'en avais le courage, je pourrais accepter son invitation et ne tout simplement rien dire à mon grand frère qui me verrait arriver à l'heure habituelle, comme tous les mardis mais je savais qu'il allait finir par l'apprendre. Je savais quel genre de colère le prenait lorsque je transgressais volontairement ses interdictions; et ce n'était pas quelque chose dont je voulais faire les frais, encore moins s'il venait à s'en prendre à Yukhei. Je m'en voudrais beaucoup.

-Tu sais que j'ai pas le droit. déclinai-je en levant la tête.

-C'est quel genre de débile qui pense que c'est malsain de passer du temps chez son meilleur ami? se plaignit-il, fatigué d'entendre toujours la même chose.

Quelque part, il n'avait pas tort; il devait très certainement penser que je ne l'appréciais pas ou que ce n'était qu'un prétexte pour couvrir le fait qu'en réalité, je ne voulais pas passer plus de temps avec lui en dehors des cours mais ces raisons là, Taeyong s'en fichait très certainement. D'autant plus que j'étais en train de lui cacher une multitude de vérités, celles que mon grand frère m'a à de nombreuses reprises ordonné de garder dans l'ombre. Sa voix résonnait tel un bourdonnement insupportable à chaque recoin de ma boîte crânienne.

-C'est mon grand frère. Il est comme ça.

-Mark, sérieux, tu vas avoir quinze ans. Va falloir que t'arrêtes de te laisser marcher dessus par ton grand frère. Tu te laisses contrôler comme un gamin, ça craint. 

Je ne savais pas quoi ajouter et ses paroles tournoyaient encore et encore, de plus en plus fort tout comme ma rage que j'avais si bien appris à canaliser.

-J'ai pas vraiment le choix. tentai-je de dire pour me défendre, sans pouvoir développer davantage.

-C'est ce que tu me dis à chaque fois, mais imagines plus tard tout ce que tu regretteras de ne pas avoir fait.

Je l'ignorais encore mais c'était la première fois que je remettais en question ma propre façon d'être, et ça a été grâce à Yukhei. Il avait attendu que j'y réfléchisse, bras croisés, adossé à un muret de béton, me regardant imaginer un avenir empli de regrets. Ce qu'il ne savait pas, et j'aurais apprécié ne pas en être conscient non plus, c'était qu'un avenir, je n'en aurai pas. Du moins pas un qui n'étais pas tout tracé comme le mien. Malgré ça, il n'avait pas entièrement tort; je ne m'étais pas vraiment posé la question auparavant parce que je pensais que c'était ainsi que j'étais censé être, mais j'étais bien trop docile.