neuf

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Les semaines passaient et je me sentais seul, de plus en plus. Je l'avais toujours plus moins été mais ce sentiment de vide revenait dès que je quittais l'enceinte du lycée, que je saluais mes camarades qui rentraient chez eux en bus, en métro ou même en voiture. Ce même désagréable ressenti qui avait marqué mes premiers mois de scolarité mais la différence était que je n'avais même plus Taeyong lorsque je rentrais. Peut-être mon traitement s'assimilait à une sorte de harcèlement fraternel, on se battait, il menaçait ou m'intimidait; ça m'était égal.

Aujourd'hui, ses yeux préféraient prioriser ses responsabilités à ses liens de sang; il n'avait plus rien à m'apprendre, je ne faisais plus partie de son devoir, alors je n'existais plus. Quasiment plus. Je ne parvenais même plus à avoir son attention, même en le provoquant presque méchamment parfois. La plupart du temps, il était quelque part dehors sans que personne ne sache où.

Et Jeno, lui aussi devenait invisible. Je n'allais plus pouvoir me laisser le luxe d'attendre de croiser son chemin pour l'interpeller parce que j'avais toutes les raison de penser qu'il faisait en sorte de nous tenir à l'écart. C'était bien ce que je craignais et j'aurais aimé éviter qu'il se sente traqué mais je n'avais à présent plus le choix.

Pour le moment, j'étais assis à ma place à côté de Hyejin lors de pratiquement chaque matière. Par réflexe, je m'asseyais à côté d'elle où j'avais trouvé un repère et ce, même si rien de son apparence n'était commun ou ordinaire, sa présence me rassurait. Elle habitait loin et ne connaissait personne dans l'établissement alors ma présence lui permettait également de ne pas se sentir perdue ou seule. On discutait en dehors des cours, on allait prendre notre déjeuner et on se saluait avant de se quitter.

Elle me parlait de ses ambitions, de se rêves et j'étais envieux de la passion qu'elle portait à chacun de ses mots. Je l'admirais, je l'écoutais, et elle, en échange, devinait quand je lui mentais. Je ne jouais pas au rugby, elle n'y a pas cru une seule seconde et ne s'est pas gardée de me le faire savoir. Ca m'a momentanément mis dans l'embarras mais elle avait juste éclaté de rire en me promettant de ne le répéter à personne. Ce qui m'avait le plus touché dans sa réaction était qu'elle n'avait pas demandé de raison ou de vérité, même si j'étais conscient que ça signifiait simplement qu'elle ne me portait pas beaucoup d'intérêt. Je l'en remerciais.

Nous n'étions pas vraiment amis, on ne se confiait rien de très personnel, on ne tenait pas forcément à passer du temps ensemble en dehors du lycée. La nature automate de notre relation me convenait. Je me dirigeais vers elle car il s'agissait de mon seul visage familier et réciproquement. Elle ne savait rien de moi et elle était parfaitement heureuse comme ça, et moi aussi.

Tout était parfait, bien que j'entende ces rumeurs racontant que nous étions meilleurs amis de longue date. C'était faux mais ça ne me dérangeait pas plus que ça. Excepté le jour où me regarder dans les yeux en me parlant devenait un effort. Comme si elle le fuyait ou n'osait pas le maintenir. C'était déroutant, mais je faisais mon possible pour me tenir à l'écart de sa vie privée, de ses problèmes personnels. Je savais maintenant ce qui arrivait dès que je commençais à m'attacher à quelqu'un. Cependant, elle semblait avoir besoin de parler à quelqu'un; ça ne me facilitait pas la tâche. L'impression que j'étais le seul à qui elle pouvait parler ou qui l'écoutait. C'était malheureux mais ça pourrait expliquer pourquoi elle appréciait ma compagnie.

Durant les pauses entre les cours, tous les élèves s'asseyaient dos aux murs et discutaient ensemble par petits groupes ou s'isolaient sur leurs écrans de portable sous mon regard attentif et surplombant. Hyejin était assise à mes pieds et adossée à ma jambe en tuant le temps sur son téléphone.

-Tu veux pas t'asseoir? me demanda-t-elle.

Je baissai la tête et la secouai juste avant de balayer à nouveau le couloir du regard, répétitivement, jusqu'à la prochaine sonnerie qui aura probablement lieu dans une poignée de minutes. Un cycle de routine auquel je me cédais volontairement tous les jours, comme chacun d'entre nous sans le savoir. C'était ennuyeux, stupide et loin d'être enrichissant ou endurcissant; mais nécessaire. Enchaîner toutes ces heures de cours assidûment tout comme travailler dur à la bibliothèque ou chez soi. Heureusement, je n'avais personne à rendre fier.

Last Fight || markhyuckOù les histoires vivent. Découvrez maintenant