treize

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La porte s'ouvrit enfin sur l'extérieur et noyé dans ce flot de lycéens se précipitant vers leur liberté rêvée, je pus enfin traverser les deux routes me donnant accès au bon arrêt de bus où s'y trouvaient déjà une quinzaines d'autres filles et garçons. Mais pas celui que je cherchais; même parmi ceux qui arrivèrent dans les minutes suivantes. Il n'était nulle part. Sûrement avait-il dû sortir de cours plus tôt et m'attendait derrière Seodam depuis bientôt une heure déjà.

Lorsque je m'installai seul dans le bus, près d'une fenêtre, j'admis avoir incessamment songé à ce qu'il pouvait bien avoir à me dire, de même pour trop d'autres choses le concernant. Des questions, certaines dont je ne remettais pas en doute ma réflexion et d'autres auxquelles rien ni personne ne pourrait répondre. Quelques souvenirs et bribes de conversations ne menant à rien, des images insignifiantes de lui, intermittentes. Son visage endormi, par exemple, se présentait perpétuellement à chaque seconde où je baissais ma garde. Le simple fait de volontairement me concentrer pour ne pas voir cette image précisément m'y faisait évidemment penser. Ma vigilance retombant tenait à ce que je n'oublie jamais ses poings fermés protégeant ses yeux de la lumière, flottant à peine hors des manches larges de mon sweatshirt. Ses joues de miel s'ombrageant harmonieusement avec les courbes de son visage sous les si faibles rayons du jour se levant.

Cette vision n'avait pas le moindre intérêt, ni la moindre signification. Elle ne me mettait en garde contre rien, ce n'était ni mon instinct, ni ma haine, ni mon subconscient rempli de cauchemars refaisant parfois surface, ni mon imagination chaotique. Pourtant elle m'apportait une sérénité, une paix éphémère mais si bienfaitrice. Mon esprit hostile ne savait comment accueillir cet éclat de paix, ne se rendait pas non plus compte qu'il s'agissait là d'un apaisement très nécessaire que mon subconscient bienveillant me procurait lorsqu'il me jugeait en avoir besoin.

Je descendis du véhicule et marchai quelques minutes jusqu'à ce que les voies passantes se désertifient et que la parallèle se présente. La silhouette de son ombre se détoura non loin derrière. Aucune fenêtre, aucune lumière, la nuit tombait de plus en plus rapidement et le ciel se faisait engloutir derrière les altitudes vertigineuses de ces bâtiments mais lorsque sa véritable personne se dessina, la première chose que je vis fut les étoiles effleurant ses pommettes de reflets brillants. Je m'avançai face à lui, gardant mes mains dans mes poches et la tête basse, mon regard loin du sien et de toutes ces pensées subjectives malvenues survenant à chaque contact visuel.

-J'espère que c'est urgent. La nuit tombe, ça caille et j'ai autre chose à faire.

Un sang froid imparable bien plus simple à jouer lorsque je n'étais confronté à aucun regard. Comme à son habitude, je m'attendais à une réflexion vexée et de mauvaise foi s'excusant cyniquement de vouloir prendre de mes nouvelles. Il ne dit rien et ça m'apprendra à prétendre connaître chacun de ses traits de caractère pour le simple prétexte que son comportement s'apparentait à celui de la plupart des adolescents citadins de son âge. Alors qu'il ne s'agissait que de la troisième fois que je lui adressais la parole.

-Mark, j'ai énormément réfléchi.

Est-ce que c'était bon signe? Je ne pus m'empêcher de lever la tête et son expression froide me laissait clairement entendre que non. Loin de là. Autrement, il ne m'aurait pas convoqué ici. Malgré mon mépris pour les jugements hâtifs, je pouvais aisément deviner que si sa réflexion avait été légère et sa décision sans conséquences, il n'aurait pas juger nécessaire de venir m'en parler. Et son fin regard transperçant l'obscurité de l'impasse me laissait supposer que j'allais être malgré moi profondément impliqué dans ce qui suivra.

-J'ai vu ton tatouage, dans ton dos. me révéla-t-il, ce qui ne me surprit qu'à moitié. J'ai vu à quel point il avait l'air de te faire souffrir; et j'ai rien dit mais j'ai pas arrêté d'y penser. J'essayais d'imaginer pourquoi on t'avait tatoué aussi jeune; et j'ai fait le rapprochement avec ce que tu m'as raconté la dernière fois.

Last Fight || markhyuckOù les histoires vivent. Découvrez maintenant