Adossé contre le mur d'un bar, les bras croisés, je regarde le groupe de rock. Leur musique est naze.
Cassie et Tom remuent la tête et Vic qui est un peu plus loin, tire sur son pétard.
Je donne un coup d'œil vers le stand de mon supérieur. Quand je vois ce que j'ai débarrassé, j'ai envie de rire en voyant tous ces gens lui acheter des sucreries. S'ils savaient comment il les fabrique, personne ne s'arrêterait devant son stand ! Je ne comprends pas d'ailleurs comment il peut réussir à vendre ici, alors que le lieu n'est pas beaucoup fréquenté.
Tous les autres stands sont sur l'autre place, à quelques dizaines de mètres. Plus grande, peuplée d'attractions, elle est bien plus attractive que celle-ci. Ici, il n'y a que les drogués, trop en mauvais état pour se rendre compte que les musiciens font de la merde.
Vic se ramène et tangue sur le côté, bousculant une femme de la quarantaine d'années qui le regarde avec dédain. Cassie accourt aussitôt vers le brun.
─ Oh ça va, détends ton string ! lance-t-elle à la femme.
Celle-ci se fige encore plus et s'en va. Je secoue la tête et finis mon verre.
─ Tiens tiens, regarde, lance Vic. Les barbies du lycée. J'aurais parié qu'elles seraient restées du côté des autos-tamponneuses pour draguer.
─ Eh mais les barbies ça n'aime pas le rose ? lance mon frère. Comme toi Cassie, tu aimes les cheveux roses. Vous avez un point en...
Notre amie fronce les sourcils, visiblement vexée et frappe l'épaule de Tom.
─ Ta gueule ! Ne me compare pas à ces cinq connes ! aboie-t-elle.
Tom l'attrape par l'épaule et dépose un baiser sur sa joue pour la calmer. Elle lui donne un coup dans le ventre et il lance un cri théâtral, ce qui nous rend une nouvelle fois en spectacle. Le groupe des barbies nous repère et les regards plus dégoûtés les uns que les autres fusent.
─ Je vais pisser, lancé-je soudainement alors que la troupe est silencieuse.
─ Ouais bien sûr, pisser ! s'écrie mon frère. Ou te branler plutôt !
Vic lui donne un coup de main sur la tête et il se tait. Cassie lève les yeux au ciel. Elle est revenue à elle, c'est toujours Tom qui plane le plus longtemps.
J'ignore les regards posés sur moi et longe la piste de danse, en prenant soin de ne pas mettre un seul pied dessus. Je passe devant le groupe des barbies qui ont évidemment entendu la réplique de Tom. Vu comme il a gueulé, je parierai même que tout le monde l'a entendu. Quarante-sept mille habitants sont susceptibles d'avoir entendu les conneries de mon frère.
Je marche un peu puis m'arrête à l'angle d'une rue sombre. Je sors mon briquet, cherche le seul joint que j'ai réussi à sauver des mains de mon frère et soupire de plaisir en sentant la fumée faire son travail. Je me relâche et laisse mes omoplates toucher le mur. Je passe ma main dans la poche de mon jean et regarde autour de moi, tout en tirant une nouvelle fois sur mon pétard.
Il n'y a personne, pas même un chat. Je regarde les poubelles qui se cassent la gueule. J'entends une fuite d'eau et la cherche mais ne la trouve pas. Bien que j'entende encore les accords bâclés du guitariste, j'apprécie ce demi-silence.
J'avais besoin de calme. Tout ce brouhaha était prenant. C'était comme si j'étais à côté d'un essaim d'abeilles. J'avais besoin d'être seul. Vivre avec un frère comme le mien et une famille d'accueil un peu chiante sur les bords, ce n'est pas facile tous les jours.
─ Pisser, mais bien sûr.
Je sursaute à l'entente de la voix de Vic. Cependant je me détends en remarquant qu'il est seul. Le brun vient à côté de moi et ses yeux clairs me fixent dans la pénombre. Il semble chercher quelque chose dans mon regard. Puis il abandonne. Le silence s'installe. Ce qui est agréable avec lui, c'est que l'on n'a pas besoin de parler.
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Les écorchés - Tome 1 : Protection (55/66 chapitres)
Teen FictionLa vie de Gabriel Bruges est compliquée. Derrière son allure de punk gentil, Gabriel est un grand frère, un adolescent, un lycéen, un travailleur et un père à ses heures perdues. Alors autant dire qu'il a du mal à tout gérer. Charline Girard n'est...