Les écorchés - Tome 1 : Protection (55/66 chapitres)

41 - GABRIEL

Un samedi de décembre :

Les bras croisés, les yeux rivés au sol, je suis là, le jour du départ de mon meilleur ami. Cette fin de semaine a été compliquée. Je ne suis pas beaucoup allé en cours. Il fallait que j'aide Vic avec ses affaires et son déménagement. Puis honnêtement, je ressentais le besoin d'être à ses côtés car à cette heure-ci, je ne sais pas encore s'il reviendra un jour dans le coin.

Car eh bien oui, c'est officiel : il change de ville. Suite à la proposition du directeur, son dossier scolaire a été transféré (c'était ça, ou prévenir les flics ou bien encore l'exclusion définitive et sa mère a tranché) dans un lycée de nonnes. Enfin, un lycée privé en tout cas. Saint Anne... Rien que le nom, ça ne donne pas envie.

Alors évidemment, j'ai tenu à être là. Avec Tom, nous avons passé des journées à traîner sur le canapé, clopes et bières à la main, quand elles n'étaient pas prises par les manettes de jeu. Ouais, on a passé des après-midi qu'entre mecs. Et qu'est-ce que ça a fait du bien de se comporter comme des adolescents et non pas des pseudo-adultes devant travailler ou s'occuper d'un parent paralysé.

Je crois que pour la première fois depuis longtemps, je me suis permis d'être juste Gabriel, le mec qui glande et profite de ses potes. Ouais, j'ai tout laissé de côté en ce qui concerne les prises de tête.

— Putain, j'ai envie de chialer, m'apprend Tom.

Lui aussi a raté pas mal de cours. Gwen nous a couverts un peu en annonçant que l'on était malades. Par contre Cassie elle n'a pas été couverte par son père et a dû aller en cours. Du coup, elle avait les boules. Et elle risque d'encore plus les avoir si elle n'arrive pas à l'heure pour dire au revoir au chef de notre bande.

— Bah non oh, tu ne vas pas chialer comme une gonzesse quand même ! réplique Vic dans un sourire. Puis sinon, je risque de faire comme toi alors non, hein !

Franchement... Mais qu'est-ce que fait Cass ? Parce que si elle le rate, elle va nous faire chier durant une éternité car elle n'aura pas pu assister au départ de Vic. Elle va être d'une humeur massacrante.

— Promettez-moi de faire gaffe les mecs. Avec ce con de Sohan dans les parages, le danger rôde.

Victor dit cela car il sait que l'autre con a parlé de son trafic de drogue au directeur. C'est pour cette raison qu'il est transféré. Si vous voulez mon avis, le directeur a surtout cherché à s'en débarrasser. Il a servi un discours de prise en charge par un établissement modèle (Sainte Anne, donc) et de remise sur le droit chemin, mais en vrai, c'est surtout qu'il ne se sentait pas d'attaque à affronter tout ça.

— Promis, lâche Tom.

— En fait, c'est surtout à Gab que je m'adresse.

Le regard de Vic est sans appel. Il va parler de sujet qui fâche. Putain, qu'est-ce que je l'aime mais qu'est-ce que je le déteste aussi !

— Et prends soin d'elle.

Il parle de Charline, évidemment.

Je dois reconnaître que j'ai un peu merdé cette semaine avec elle. Seulement c'était difficile de ne pas faire la liaison entre le départ de Vic, son ex et donc par conséquent elle...

OK OK, je le reconnais, c'est con comme raisonnement. Mais allez dire cela à mon cerveau. Il ne m'écoute pas, lui !

— Tu le regretteras si tu continues, termine Vic avant de me tapoter le dos en signe d'au revoir.

— Je ne te savais pas l'âme romantique, me moqué-je.

— Tu rigoles ? J'ai rien d'un romantique moi, contrairement à toi. Mais j'ai vu la façon dont vous vous regardez. Si ça s'arrête maintenant, vous serez tous les deux des épaves. Alors même si ça fait peur pour l'avenir, parce que plus le temps passera et plus vous serez malade l'un de l'autre, je pense que tu devrais t'accrocher. Parce que cette nana, tu l'as dans la peau.