Les écorchés - Tome 1 : Protection (55/66 chapitres)

22 - CHARLINE

Un lundi de novembre :

La rentrée est un moment que je déteste en général car c'est la période des ragots. C'est la période des trucs fabuleux à raconter. C'est la période où l'on fait comprendre à quel point notre vie est fantastique.

Sauf que la mienne ne l'est pas. Et le seul scoop que j'aurais, hormis le fait que je suis stressée comme pas possible à l'idée de revoir Gabriel, c'est que j'ai crié sur un psychologue et que ça fait grave du bien.

Je ne suis pas sûre que les gens ne me regardent pas comme une folle si je balance cette information. Bon après, j'ai envie de dire que c'est déjà le cas. Mais je n'ai pas envie d'en rajouter une couche.

Le froid a commencé à tomber. Je ferme un peu plus ma veste et croise les bras sur ma poitrine pour me réchauffer. Julie à mes côtés, tête baissée, est concentrée à lire une conversation sur son portable. Depuis qu'elle sort avec Julien, elle est devenue comme tous ces accros à la technologie. Mais je ne vais pas la critiquer. Si elle est heureuse en étant avec ce gars alors je suis contente pour elle.

Au loin, je vois les pimbêches arriver vers nous. Je les avais presque oubliées celles-la tiens. Elles ne m'avaient pas manqué.

─ Salut Julie, salut Charline ! s'exclame Clara.

Plus faux-cul qu'elle, on meurt. Julie abandonne son portable pour lever un sourcil mais ne répond pas. Je ne sais pas si c'est à cause de ma séance avec le psychologue, parce que je ne peux plus voir ces filles en peinture ou bien parce que j'angoisse à l'idée de revoir Gabriel, mais je décide d'attraper la perche que me tend mon amie.

Oui, ce coup-ci, je prends mon courage à deux mains et me prépare à les affronter :

─ Qu'est-ce que tu fais là Clara ? C'est pas ici le club des pouffiasses.

Les élèves qui sont encore sur le parking tournent la tête vers nous. Mon cœur accélère tandis que je réalise ce que je suis en train de faire. Moi, Charline Girard, la fille qui autrefois était admirée des élèves (sans que j'ai fait quoi que ce soit de particulier d'après mes souvenirs) et qui est devenue celle qui marche la tête baissée, je viens de répondre à une des trois pestes.

Julie éclate de rire à côté de moi et Clara se fige. Je crois qu'il va y avoir de l'animation...

─ Elle a raison. Va voir ailleurs si on y est ! rajoute mon amie. Tu soules à faire ton toutou là !

Est-elle d'accord avec moi ? En a-t-elle marre de traîner avec elles et de faire semblant de bien les aimer ? Oh mon dieu. Ça va mal aller pour nous, je le sens ! D'un autre côté, je suis contente de ne pas être seule. Je suis contente que ma seule amie s'avère être une véritable amie.

Clara tape du pied et regarde autour d'elle. Je suppose que s'être fait traiter de la sorte devant tout le monde, ça ne lui plaît pas. Ça, je peux le comprendre. Mais ce n'est que le revers de la médaille, j'ai envie de dire.

─ OK tu veux jouer à ça ? Toi, la brunasse la ferme parce que si je m'étais faite engrossée comme toi à l'époque, je me la jouerais fine !

Julie se fige tout à coup et ma main s'empresse d'attraper la sienne en signe de soutien. Comment cette peste a osé le dire à voix haute ?

Julie est tombée enceinte à quinze ans et elle a avorté. Elle nous avait fait jurer de ne jamais en parler. Cela semblait évident que ce n'était pas quelque chose à révéler au grand jour. Comment Clara peut dévoiler un tel secret ? Je suis si mal pour Julie. Elle a voulu être solidaire avec moi et elle s'est fait salir en deux secondes.