Un dernier baiser

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Ma mère commence à se débattre, mais, comme moi, elle est trop bien attachée. Elle a carrément les mains ligotées dans le dos. Ses pieds, par contre, sont libres.
— Anna ? demande-t-elle en se redressant tant bien que mal pour s'asseoir et la regarder.
La trahison triste qui transperce sa voix me fait aussi mal que quand j'ai eu la même révélation qu'elle, quelques minutes plus tôt. Je reste un instant figée, à les regarder, ma mère toute de clair vêtue et Anna, nimbée de noir, comme dans un mauvais film où le bien et le mal s'affrontent. Mais je ne sais plus qui est qui. Ma mère a poussé Flavio dans un puits. Même si un part de moi est persuadée qu'elle avait une bonne raison... d'un autre côté... quelle raison est assez bonne pour tuer quelqu'un ?
— Anna, c'est toi qui l'as appelé ? Tu as tué Philippe et cette jeune fille ? demande-t-elle, sa voix se brisant. Pourquoi ? Comment as-tu pu faire ça ? On s'est toujours occupés de toi. De toi et de ta famille, plaide ma mère. On a pris soin de vous, on t'a trouvé ce boulot, on...
Anna rit dédaigneusement.
— Tu as tué mon frère, espèce de sale conne. Tu crois que ça efface tout ? Tu crois qu'un peu d'argent et de charité va me faire oublier que tu l'as poussé dans ce puits ?
Ma mère jette un regard dans ma direction et teste ses liens à nouveau. Elle vient de vérifier si j'ai entendu ce que vient de dire Anna. Pas de bol, j'ai tout entendu. Et j'en ai entendu bien plus peu avant. Je suis tellement perdue. Je veux croire qu'il y a une explication, comme pour Anna. Mais je ne sais pas si j'ose y croire.
— Tu sais très bien que ce n'est pas vrai, répond finalement ma mère.
Elle-même n'a pas l'air d'y croire. Ma lueur d'espoir vacille.
— Tu n'as pas tué mon frère, peut-être ?
— Je...
Un regard dans ma direction.
— Je n'avais pas le choix, Anna. J'aimais Flavio. Je l'aimais tellement. Je n'ai pas eu le choix, répète-t-elle, suppliante. Tu le sais. Tu étais là.
Anna était là ? Mais quelle âge pouvait-elle bien avoir ?
— C'est bien parce que j'étais là que je le sais. Ou alors on n'a clairement pas vu la même chose. Tu aurais pu essayer de le sauver. Au lieu de ça, tu l'as piégé et tu l'as poussé. Il t'aimait. C'est ça qui me dégoûte le plus. J'espère que tu souffriras mille morts. Et je compte bien t'y aider, ajoute-t-elle après un instant.
Puis elle s'approche de moi à grands pas, me saisit par les cheveux et me relève la tête. Je sens le contact glacé de la lame contre mon cou. Je n'ose pas me débattre. Je n'ose même plus respirer. Un mouvement, et cette lame me tranchera la gorge. Pourtant, une partie de moi me souffle que je ne devrais pas avoir peur. Anna nous a fait part de son plan. Elle veut utiliser mon corps pour le démon. Elle ne va pas me tuer. Elle veut juste faire peur à ma mère. Elle...
— Anna, je t'en supplie, plaide ma mère. Joséphine n'a rien à voir là-dedans...
— Elle a tout à voir là-dedans, s'emporte Anna en accentuant le « tout ». C'est elle, ton cadeau. C'est elle que tu as reçue en échange de ta trahison. C'est ta récompense pour avoir tué mon frère.
— J'étais jeune ! se défend ma mère. J'avais à peine dix-sept ans. On était tous jeunes. On a commis des erreurs, on...
— On ? la coupe Anna. Tu es la seule que j'ai vue en commettre. Tu n'as pas voulu nous écouter, et voilà où nous en sommes.
Un long silence défile entre nous. La lame du couteau est toujours fermement plaquée contre ma gorge. Je ne respire qu'en surface. Je suis légèrement plus calme que tout à l'heure, mais dire que je suis calme serait le plus gros euphémisme du siècle.
Du coin de l'œil, il me semble voir que Milo teste la solidité de ses liens, qu'il tente de se détacher. Mais, même s'il y parvenait, que pourrait-il, seul, contre une folle furieuse armée d'un couteau et d'un démon ?
Je me sens plus seule que jamais. Et entendre Anna reprocher à ma mère de ne pas avoir voulu écouter les autres me fait plus mal que ça ne devrait. Moi non plus, je n'ai pas écouté Charlotte et Victor, et voilà où nous en sommes. Ils étaient contre, ils voulaient trouver une autre solution, demander l'aide des adultes, et moi, j'ai foncé tête baissée en ne comptant que sur moi-même. Peut-être un peu sur Milo, également, mais c'était juste parce qu'il était du même avis que moi. S'il ne l'avait pas été, c'est seule que je serais ici. C'est à cause de moi que nous sommes dans cette situation. C'est ma faute et uniquement ma faute si Milo et moi sommes actuellement prisonniers.
Mais ma mère l'aurait été sans mon aide. Cette pensée me glace le sang. Si je n'étais pas venue, je l'aurais probablement retrouvée agonisante en entrant dans l'école une fois qu'on m'aurait dit que je pouvais.
— Tout ce qui arrive est ta faute, et uniquement ta faute, dit Anna.
Le couteau tressaute à mesure qu'elle parle. Je crois qu'elle tremble de rage.
Il me faut quelques secondes pour comprendre que c'est à ma mère qu'elle s'adresse, et non à moi. Elle aurait tout aussi bien pu. Telle mère, telle fille...
— Je vais sacrifier Jo à Az'hoqan, et tu vas regarder.
Ma mère hurle et se débat de plus belle.
— Ne fais pas ça, je t'en supplie ! Je ferai tout ce que tu veux !
— Tu peux me rendre mon frère ?
Silence.
— Je pensais bien. Tu sais, c'est ça ton problème, Claire. Tu proposes des choses que tu ne peux pas tenir. « Venez avec moi, tout se passera bien », singe-t-elle avant de marquer une courte pause. Tu mens aux gens. Non seulement tu ne leur dis pas la vérité, mais, en plus, tu ne leur dis pas les choses essentielles. Comme ta prétendue excuse selon laquelle mon frère était infesté. Tu l'étais aussi, non ? Donc, au final, c'était toi ou lui, et tu l'as choisi lui. Et, pour ça, tu vas payer le prix fort.
Je crie lorsque la lame mange ma chair. Mon cri est repris simultanément par ma mère et Milo, qui pensent qu'Anna vient de me trancher la gorge alors qu'elle a juste fait couler du sang pour leur faire peur.
— Prenez-moi à sa place !
Anna se tourne vers Milo.
— Toi ? Pourquoi je voudrais de toi ?
Milo hésite un instant en me regardant. Je ne le vois pas vraiment, mais je sens le poids de son regard sur moi, comme une épée de Damoclès au-dessus de ma tête.
— J'ai aussi des pouvoirs. Et je suis plus résistant que Jo. Et puis, si ça ne fonctionne pas avec moi, vous pourrez ressayer avec Jo, marchande-t-il.
Anna réfléchit deux secondes, mais sa réponse est sans appel.
— Tu es gentil, gamin, mais je veux faire souffrir Claire. Quelque chose me dit qu'elle se soucie de toi autant que de Flavio.
— Oui, mais vous pourriez garder Jo, plaide-t-il. Sa mère et elle ne s'entendent pas du tout. Imaginez comme elle souffrira davantage si vous restez dans sa vie alors qu'elle meurt.
— Milo, non ! je crie. Je t'interdis de faire ça !
Je sais qu'il essaie de gagner du temps, qu'il ne pense pas ce qu'il dit. Mais cette simple idée me terrifie.
— Regardez les petits amoureux, c'est tellement mignon. Tu penses qu'elle le pousserait aussi s'il était infecté, Claire ? Ou qu'elle se mourrait pour lui ? Tu devrais en prendre de la graine. Ils sont prêts à se sacrifier l'un pour l'autre, et ils ne se connaissent même pas depuis un mois. Tu es sortie trois ans avec mon frère, et tu l'as poussé sans l'ombre d'un remords.
Un silence s'installe à nouveau, durant lequel Anna semble méditative. Au loin, le bruit des chaînes se fait à nouveau entendre, et je frissonne.
— C'est dommage, reprend-elle, parce que je t'aime sincèrement beaucoup, Jo. Je n'ai jamais fait semblant. Ce n'est pas parce que je suis prête à t'échanger contre mon frère que je ne tiens pas à toi... Sauf que... si je ne te sacrifie pas, comment Claire payera-t-elle le prix de sa trahison ? En plus, ça m'étonnerait que tu veuilles encore avoir quelque chose à voir avec moi après tout ça, alors...
— Non ! je me défends. Non, non, je suis tout à fait prête à continuer à vous voir. Je vous apprécie sincèrement aussi. Je comprends pourquoi vous agissez comme ça. Qui sait ce que j'aurais été prête à faire pour sauver Ruben ? Pour le venger ?
Anna fait un pas sur le côté pour mieux m'observer, peut-être même jauger à quel point elle me pense sincère. Elle n'a pas l'air ultra convaincue, malheureusement. Je ne suis pas la meilleure actrice qui soit, même quand nécessité fait loi.
— Si je ne te sacrifie pas, Claire ne payera pas, dit-elle, plus pour elle que pour moi.
— Elle peut mourir avec moi, propose Milo.
Je fais les gros yeux bien malgré moi.
— Votre monstre doit bien manger, non ? continue-t-il. Ça lui fera un repas.
Je m'entends gémir à mon insu. Je sais qu'il n'est pas sérieux. Je le sais. J'en suis persuadée. Ou alors, est-ce que j'essaie de m'en persuader ? Il semble tellement sincère...
— Hmm...
Anna se gratte le menton de la main qui tient le couteau. Je peux voir de petites traces de mon sang sur la lame. Cette simple pensée me glace d'effroi. Elle m'a entaillé la gorge. J'aurais déjà pu mourir.
— Claire ? Qu'est-ce qui te tente le plus ? Je sacrifie ta fille, ou cette fois-ci tu te sacrifies pour sauver quelqu'un d'autre ? Tic, toc, tic, toc, ajoute-t-elle devant le silence de ma mère. Le temps file.
Ma mère me regarde. Malgré la distance, je vois ses yeux déborder de larmes.
— Tout se passera bien, Jojo.
— Non, non, non, non.
Je secoue la tête, incapable de faire la différence entre ce qui consiste à jouer le jeu et à être sérieux en ce moment. Sont-ils tous sincères, en fait ? Suis-je la seule à ne pas l'être ? Suis-je la seule à avoir joué la comédie pour gagner du temps ? Est-on en train de décider des morts de ma mère et de Milo en ce moment même ?
Ma mère se redresse légèrement pour mieux me regarder. Ses joues sont baignées de larmes, à présent.
— Tu pourras veiller sur ton père et ton frère. Ils auront besoin de toi. Ils ont toujours eu plus besoin de toi que de moi.
— Non, maman ! Non !
— Anna, dit-elle en se redressant totalement cette fois-ci, pour lui faire face avec dignité, même assise. Je voudrais que tu me choisisses, moi. Je peux accueillir Az'hoqan. Je porte sa marque.
Anna se met à rire. Lorsqu'elle s'arrête, elle regarde ma mère, et elle pouffe une dernière fois.
— Sérieusement, Claire. Je t'ai donné le choix entre le garçon et toi, ou Jo toute seule. Tu ne les sauveras pas tous les deux. Alors, qu'est-ce que ce sera ? la presse-t-elle.
Ma mère nous regarde tour à tour en secouant la tête. Le choix est impossible.
— Allons, tu n'as pas autant hésité lorsqu'il s'agissait de Flavio.
Ma mère ferme les yeux.
— Milo et moi, finit-elle par dire dans un souffle.
— Vendu !
Le dernier mot d'Anna, prononcé d'un ton guilleret qui jure avec l'ambiance dans laquelle nous sommes plongés, résonne dans la grotte et semble se répéter à l'infini, comme pour mieux me narguer. Elle fait quelques pas en direction de Milo et détache ses liens du mur. Il a toujours les mains ligotées, et elle le traîne par la corde en direction de ma mère. Il ne se débat même pas.
— Milo ! je gémis, les sanglots faisant trembler ma voix.
— Attendez ! s'écrie ce dernier. Attendez !
Anna marque une pause. Je suis tellement surprise qu'elle s'arrête que le choc de me fait hoqueter.
— J'ai juste une dernière requête, dit Milo.
— Et quoi donc ?
Il jette un regard dans ma direction. Il me sourit. Je ne sais plus ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas. J'ai l'impression de ne plus habiter mon corps, d'être la spectatrice figée d'un combat qui me dépasse.
— Un dernier baiser, dit-il d'un ton plein d'espoir. Si je ne revois jamais Joséphine, si je meurs quand cette chose prend possession de mon corps, je voudrais lui dire au revoir comme il se doit.
Il a perdu l'esprit, ma parole !
— Que c'est mignon, raille Anna. Allez, adjugé au jeune homme avec la bouche en cœur. Vous avez de la chance que je sois une romantique.
Elle se met à le traîner dans le sens opposé, dans ma direction, comme s'il ne pesait rien. Lorsqu'il est devant moi, elle le lâche, et il se redresse sur ses mains liées. Il se relève ensuite sur les genoux et approche de moi. Jusqu'au dernier moment, je suis persuadée qu'il va faire faire quelque chose, n'importe quoi, comme pousser Anna, la charger, lui voler le couteau. Quelque chose de complètement fou, aussi, mais dans le but de nous sauver, et non pas de me dire au revoir. J'ai les yeux tellement embués de larmes que je ne vois pratiquement plus rien lorsqu'il s'approche de mon visage et remet une mèche de cheveux derrière mon oreille. Il doit s'y prendre à deux fois, avec les mains attachées.
— Quoi qu'il arrive, souviens-toi qu'on ne meurt pas ici, pas aujourd'hui, murmure-t-il près de mon visage.
Puis il m'embrasse.
Lorsqu'il pose sa bouche contre la mienne, ce ne sont pas ses lèvres que je sens, mais le froid métallique de l'arme contre mon front.
— Fais-le. Maintenant !
J'ouvre les yeux et j'aperçois le canon de l'arme braquée sur moi.
— Fais-le.
Je vois la détresse au fond de mes yeux, mais, cette fois-ci, je ne peux m'empêcher de penser à ma mère qui a sacrifié Flavio. Est-ce que c'est ce qui se passera, également ? Est-ce que je vais sacrifier Milo ?
Les larmes dévalent les joues de mon double et elle recule d'un pas.
— Fais-le, Joséphine !
Elle ferme les yeux et presse la détente.
Le bruit a à peine le temps de me parvenir que je suis expulsée de ma vision. Le fantôme des lèvres de Milo hante toujours les miennes.
Anna l'a déjà attrapé et le traîne au centre de la pièce, vers ma mère. Mais pas trop près, non plus. Elle n'est pas stupide. Elle leur intime du regard de rester sur place, et elle va chercher le livre. Le fameux livre. Celui qui ressemble à un grimoire de sorcière. Le cuir de la couverture a une couleur si singulière que je me demande à partir de quel type de peau il a été fabriqué. Je ne suis pas sûre d'avoir réellement envie cette réponse non plus.
Anna attrape le cristal rosé qu'elle porte autour du cou et le pose sur la page qu'elle a ouverte dans le livre. Je ne vois rien de ce qui peut y être marqué, de là où je suis. Mais je l'entends commencer à réciter des choses dans une langue qui ne semble pas humaine. Puis elle prend son couteau et s'entaille la main. Elle reprend le cristal, le badigeonne de sang, puis va le placer au centre de la grotte, puis elle allume une bougie. Au début, il ne se passe rien. Mais, lorsqu'elle reprend la parole, l'enfer se déchaîne sur terre.
Des flashs lumineux m'aveuglent. Tout devient trouble. Du vert pétant, du rouge, du noir aussi. Mais du noir... lumineux. Je n'ai jamais rien vu de tel. Le noir est l'absence de lumière. Comment pourrait-il être lumineux ? Ça défie tout ce qu'il me semble jamais avoir su.
Lorsque mes yeux s'acclimatent à la nouvelle ambiance visuelle, il me semble discerner une partie de la grotte qui ondule près de la bougie, autour du cristal. Un peu comme un petit lac, une mare d'un vert étrange agitée de vagues. Puis un nouveau flash lumineux m'assassine les yeux et c'est là que je les entends. Le bruit de mille voix qui crient à l'agonie toutes en même temps.
Je regarde, médusée, ce puits de l'enfer s'ouvrir. Il n'y a pas d'autre mot. J'ignore ce dont il s'agit en réalité, mais j'ai la certitude que c'est ce dont tous les pires cauchemars sont faits. Entre le visuel et le bruit, j'ai envie de me recroqueviller, de me faire de plus en plus petite, jusqu'à disparaître, cesser d'exister. Mes yeux voient du vert, mais mon cerveau n'enregistre que du noir. Et, quelque part, au fond de ces ténèbres dévorantes, la vision que j'ai eue quand Anna m'a attaquée, quand je ne savais pas encore que c'était elle et que je me sentais tomber, me revient. Et j'ai la certitude, je sais sans l'ombre d'un doute que la mort d'Anna se situe juste à côté d'elle, dans ce puits sans fond aux couleurs impossibles. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe ensuite, Anna y tombera.
Alors je comprends. Milo ne m'a pas embrassée pour me dire adieu. Il m'a embrassée pour me rappeler qu'il ne risque rien. Ma vision est inchangée, je dois toujours le tuer. Quoi qu'il arrive, il ne peut pas mourir ici. Une lueur d'espoir morbide au bout d'un tunnel sombre. Cependant, c'est suffisant. Anna tombera dans ce puits, Milo s'en sortira. Je m'en sortirai.
D'un autre côté, ma mère est toujours en danger. Et la façon la plus sûre de la sauver, étrangement, reste de déjouer une de mes visions. Pour sauver ma mère, je pourrais sauver Anna. Mais si je sauve Anna, qui me dit que Milo survivra ?
Mon esprit me semble sur le point d'éclater. Il y a trop. Trop de variables, trop de possibilités, trop d'espoirs basés sur des hypothèses qui n'ont probablement aucun fondement. Je suis en train d'hyperventiler en essayant de démêler toutes mes pensées contradictoires. Mon cœur est sur le point d'imploser, victime d'une overdose de sentiments.
C'est alors que je vois une ombre bouger.
Malheureusement, je ne suis pas la seule.
— Sympa de te joindre à nous, Jean-Marc. Mais ta diversion est ratée.
Milo relève aussitôt la tête en entendant le prénom de son père.
— Tu étais censé t'occuper de lui ! reproche Anna au néant, même si elle parle plus que certainement à Az'hoqan. Pourquoi c'est à moi de faire tout le travail ?
Grimaldi s'avance, ne tentant même plus de se montrer discret.
— Anna, est-ce qu'on peut parler ?
Sa voix est un modèle de calme. Grave, tranquille, imperturbable malgré le chaos visuel et auditif créé par le puits. Les ombres jouent sur son visage et lui donnent un air malade que contredit sa stature. Il est grand, et c'est de toute sa hauteur qu'il s'approche d'Anna et de son fils. Il n'a pas peur d'elle.
— Anna ?
Elle continue à l'ignorer.
— Ta grand-mère serait très peinée.
— Je t'interdis de parler de ma grand-mère, crache-t-elle. Tu crois que parce que tu vas lui rendre visite trois fois par semaine, ça efface ce que vous avez fait à mon frère, peut-être ? Ma mère est morte de chagrin. Littéralement. Elle n'a jamais su ce qui était arrivé à mon frère. À cause de vous. Je vous hais tous. Vous allez tous payer. Az'hoqan ! Mange-le. Et plus vite que ça.
Malgré les cris qui s'échappent du puits, j'entends clairement le bruit des chaînes, au loin. Elles se rapprochent.
— Tu omets un tout petit détail, Anna.
— Tu m'excuseras, mais je n'ai pas vraiment le temps de jouer à ça, là, Jean-Marc. J'ai un planning à tenir.
Grimaldi ne se démonte pas et soutient son regard sans ciller.
— Quoi ? demande Anna, exaspérée. Pourquoi fait-il aussi long ?
Elle secoue la tête, agacée, et tend le cou pour voir où est son démon.
— Je ne suis pas la diversion, dit Grimaldi. Je faisais diversion pour la diversion.
— Hein ?
Elle a à peine le temps de dire cela qu'un cri retentit et que Victor, batte de base-ball à la main, lui fonce dessus tête la première.

TOUCH [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant