Chapitre 2

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PDV Anne, samedi 10h23,

La lumière me dérange. J'aimerais bien bouger, mais mon corps est lourd presque engourdi sur ce qui devrait être mon lit, mais il n'en est rien.

Je me sens mal, pire, une épave. Une douleur lancinante pulse sous mon crâne, j'ai la bouche pâteuse et la nausée n'est pas loin. Tout mon corps me crie qu'il me manque plusieurs heures de sommeil, au point que mes paupières refusent de s'ouvrir. J'ai l'impression d'avoir fait trop fort la veille... qu'est-ce que j'ai fait d'ailleurs pour me mettre dans cet état ?

Ah oui, avec Jaja et les filles on est allés au Skull comme d'habitude. Ok, ça c'est clair, mais après ?

Les Mojitos ? Combien ?... cinq, six peut-être.

Quelque part au beau milieu de mon chaos intérieur, j'entends ce qui doit être l'ouverture d'une porte suivie de bip-bip-bip-bip, puis des pas et peut-être des voix. Ces sons ne me sont pas familiers et surtout pas dans mon petit studio où je vis seule, depuis que j'ai quitté Denis.

Est-ce que je suis chez moi au moins ? Putain, il s'est passé quoi hier soir ?

Le trou noir. Hormis quelques vagues souvenirs de moi en train de danser avec Jaja, je ne me rappelle de rien. Alors ça, ça sent le pâté !

La panique prend le pas sur la fatigue et je fais de gros efforts pour ouvrir les yeux.

Ho là là, putain de soleil. Trop de lumière passe par l'unique fenêtre longue et étroite en face de moi.

D'un geste brusque de la main, presque une baffe, j'écarte mes longs cheveux blonds en bataille qui me cachent partiellement le visage. Je plisse les yeux et tourne la tête pour voir où je me trouve.

Pas-chez-moi-putain-de-bordel-de-merde. Mauvais, mauvais, mauvais.

Allongée sur un canapé, qui a dû voir un sacré paquet de postérieurs de toutes tailles et sûrement pire encore, je m'examine brièvement. Ouf, je suis entièrement habillée (jean slim et bustier bandeau) et j'ai encore mes escarpins à lanières aux pieds. Je soulève un peu mon pantalon pour vérifier que j'ai toujours ma culotte. Ouf, elle est là et à l'endroit, ça doit vouloir dire que je ne me suis pas mise à poil, enfin je l'espère de tout mon cœur, parce que je suis incapable de me rappeler de quoi que ce soit.

Je roule péniblement sur le côté pour évaluer ma situation. Ce qui est sûr c'est que je ne suis pas chez Jaja, ni chez Manon et encore moins chez Axelle. La pièce est petite et semble surchargée avec un gros bureau bien rempli, deux armoires à dossiers suspendus blindées de paperasse et des cartons empilés dans deux des quatre coins.

Mais où je suis, putain !

Je prends conscience qu'il y a une bassine au pied de mon lit de fortune et l'idée d'avoir un endroit où vomir accentue mes haut-le-cœur. En plus, c'est dingue ce que j'ai mal au dos, je suis en vrac, j'ai l'impression d'avoir joué aux osselets avec mes vertèbres. Saleté de canapé déglingué !

Plus ou moins accoutumée à la lueur vive du jour, je réalise que plusieurs posters tapissent les murs. Le pire est celui qui expose une femme, blond-platine, nue, dans une position lascive, elle exhibe sa forte poitrine et écarte les cuisses pour faire admirer sans détour toute l'anatomie que son épilation intégrale du maillot révèle... cette femme courageuse ne porte que des bottes rouges qui remontent par lacets sur ses mollets.

Plus vulgaire tu meurs.

Il n'y a qu'un mec pour avoir ce genre d'horreur accrochée au mur et ça me laisse craindre que c'est un vrai pervers. Nom de dieu, il faut que je me tire de là vite fait !

Je force pour m'asseoir, alors tout ce mauvais goût se met à tourner, je n'ai que le temps de me pencher pour gerber à côté de la cuvette.

- Bien joué Vomito ! s'exclame une voix masculine. J'dois aller bosser, faut qu'tu dégages, mais nettoie ta merde avant !

- Désolée, répliquè-je, honteuse en étudiant le vrai canon qui se tient dans l'encadrement de la porte.

Mon cerveau fait de gros efforts pour tenter de me rappeler qui il est et comment j'ai pu atterrir chez lui, mais rien ne me vient. Il n'est pas loin d'avoir la trentaine, les cheveux courts châtain clair, des yeux gris acier et le col de sa chemise noire laisse entrevoir des tatouages qui prennent naissance à la base de son cou. Son jean délavé et bien taillé met en évidence ses muscles antérieurs... Bref, il est bien sapé pour dire qu'il a le regard d'un tueur en série.

- Bon, tu bouges ! s'agace-t-il.

- Tu n'as peut-être pas compris, mais il ne faut pas me brusquer, marmonnè-je, en me plaquant une main sur la tête comme si ça pouvait arrêter le tangage.

Il jette un œil à la grosse horloge industrielle accrochée au mur, puis son regard gris aiguisé revient sur moi :

- T'as cinq minutes pour nettoyer et t'casser, ajoute-t-il avant de me tourner le dos pour sortir de la pièce.

Je l'entends parler à quelqu'un et quand il revient, je réussis à me tenir debout pour qu'il me colle serpillère et produit ménager dans les bras.

- Au boulot ! ordonne-t-il.

- Comment j'ai atterri chez toi ? coassè-je la voix éraillée par la soif et la fatigue.

- J'crèche pas ici, clame-t-il en me toisant. T'es au Skull et t'as plus beaucoup de temps ! précise-t-il.

Au Skull ?... ça y est je crois savoir qui il est, mais la douleur qui pulse sous mon crâne m'empêche de réfléchir.

- Du temps pourquoi ? soupirè-je, en me balançant légèrement d'avant et arrière comme une ivrogne.

- Nettoyer et t'barrer ! réplique-t-il en affichant un sourire en coin.

- J'ai mal à la tête, répliquè-je, en battant des cils pour rester éveillée.

- J'm'en branle, répond-il en allant ouvrir la fenêtre. Ça pue la gerbe, gronde-t-il. Magne-toi de laver l'sol !

- Je veux savoir ce qui m'est arrivé, objectè-je.

Il me dévisage et fronce les sourcils tout en s'asseyant sur le coin du bureau :

- C'est simple, t'as consommé une bonne dose de GHB et sans la demande expresse de Mira, je t'aurais laissée jouer la star-vedette d'une tournante avec cinq mecs.

Mes balancements cessent d'un coup, comprenant très clairement à quoi j'ai échappé.

Il me dévisage durement et se lève pour se planter devant moi :

- Sans Mira, j'aurais pas levé le p'tit doigt pour toi et tu te s'rais réveillée à poil dans un squat, avec les orifices en chou-fleur. Alors c'qui s'rait bien, c'est que tu me rendes un p'tit service.

- Quel genre ? m'entends-je prononcer le regard perdu dans ses yeux gris.

- Va pas voir les flics, déclare-t-il un ton moins sévère. Ça ne f'ra que d'la mauvaise pub à Mira qui veut monter son bizness.

Ecœurée, je lui colle serpillère et produits dans les bras et m'en vais.

Les dévoyés 🔞 (1er Jet- terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant