Double Jeu Chapitre 1

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- Quelle est votre plus grande peur ?

Pas de réponse.

- Pardonnez-moi, je me suis emporté, commençons par quelque chose de plus simple. Qu'est-ce qui vous effraie ?

- J'ai peur d'énormément de choses. La foule, le noir, les rongeurs en tout genre... J'ai peur de ce que les autres pensent de moi et de ce que je pense des autres. La liste est encore longue et je n'ai pas envie de déblatérer à mon sujet.

- C'est pourtant le principe d'une analyse, vous êtes ici pour ça.

- Vous êtes un très mauvais psychologue.

- Pourquoi cela ?

- Pour en avoir visité quelques-uns, je peux vous garantir que vous êtes mauvais. On ne commence pas une psychanalyse en demandant à son patient « Quelle est votre plus grande peur ?». La coutume veut qu'on aborde premièrement un sujet banal, tel que « Avez-vous des frères et sœurs ? » ou éventuellement « De quoi avez-vous rêver cette nuit ? ». Je vous aurais dit que je ne m'en souviens pas et vous m'auriez cru. Ils le croient toujours.

- Pourquoi mentir ? Si vous vous en souvenez, pourquoi ne pas répondre à la question ?

- En analysant mon rêve, vous seriez convaincu d'avoir instauré un « climat de confiance », ainsi qu'une « proximité avec le patient ». Or, je ne suis pas n'importe quelle patiente.

- Développez.

- Je n'aime pas qu'on entre dans ma tête.

- Je vous assure que personne n'aime ça.

- C'est pour ça que personne n'aime les psychologues. Je ne vous aime pas.

Il griffonne dans son calepin.

- Pourquoi prenez-vous des notes ?

- Ne vous sentez pas obligé de prendre des chemins détournés. Nous sommes ici pour parler de vous. Exprimez-vous sans craintes. Posez-moi la vraie question.

- Que venez-vous de noter ?

- Des informations qui me semblent pertinentes. Ne vous préoccupez pas de cela. Vous êtes de nature curieuse ?

- Votre climat de confiance se refroidit, Docteur. Vous feriez mieux de me répondre.

- Eh bien vous n'avez qu'à vous dire qu'il s'agit d'un secret. Vous avez les vôtres, j'ai les miens. Chacun sa place. Je me trouve derrière le bureau, vous êtes dans mon cabinet, ce qui me donne le droit de poser les questions et noter vos réponses. Et, je vous en prie, ne m'appelez pas « Docteur ».

- Dans ce cas pourquoi encadrer votre diplôme et l'accrocher dans la salle d'attente ? Vous pensez que nous autres, patients, sommes plus rassurés à l'idée de nous confier, au détenteur d'un doctorat en psychologie ? Ou alors est-ce simplement pour exposer votre réussite à la vue de tous, dans le but de vous rendre plus crédible ?

Pas de réponse. Il écrit de nouveau.

- Vous avez recommencé.

- Oui, j'ai recommencé.

- Qu'avez noté cette fois-ci ?

- Il est 13h25, notre première séance a débuté il y a vingt-sept minutes, et pour la première fois depuis votre arrivée, vous avez souri.

- Fantastique. Ne vous rengorgez pas trop de cette victoire.

- Je ne fais que constater un fait. Inutile d'être sur la défensive.

- Vous prenez de l'assurance, Docteur. C'est bien. Les choses vont devenir intéressantes.

- J'avoue ne pas vous suivre. De quoi parlez-vous ?

- Vous allez enfin vous hisser à mon niveau. Nous allons voir combien de temps vous réussirez à tenir. J'espère que ce sera plus long qu'avec les autres.


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