- Combien d'autres psychologues avez-vous consulté avant moi ?
- Quatre.
- C'est un beau score.
- Je ne trouve pas.
- Avoir consulté quatre psychologues pour une adolescente de dix-sept ans, ce n'est pas donné à tout le monde, mais ce n'est pas rare non plus. Vous n'êtes pas la seule, croyez-moi.
- Avez-vous lu les lettres qu'ils vous ont laissé à mon sujet ?
- Non.
- Voilà qui est intéressant, et pour le moins original. Vous n'étonnez de plus en plus. La partie va être amusante.
- Je tiens à me faire mon propre avis sur vous, vos problèmes, la raison de votre venu ici, et, surtout, je tiens à trouver tout seul le moyen de vous aider.
- Vous voulez m'aider ? A la bonne heure ! Je pensais que vous ne faisiez qu'écouter.
- L'écoute est parfois le meilleur remède qui soit.
- Vous philosophez, c'est fantastique ! Je vous ais mal jugé : vous êtes une perle.
- Vous aussi.
- Merci, mais arrêtons-nous là avec les compliments, je ne tiens pas à remonter dans mon estime.
- L'estime de soi est importante, mais il n'est pas rare de se déprécier, surtout lorsqu'on à votre âge. Il ne faut pas avoir honte d'être fière de soi, Il n'y a aucun mal à ça.
- Je vous en prie, ne me mettez pas dans le même panier que toutes les autres gamines attardées. Je suis différente. D'autre part, nous n'avons pas la même vision du mal, Docteur. Peut-être pourrions débattre à propos de la thèse platonicienne selon laquelle nul n'est méchant volontairement, qu'en dîtes-vous ?
Il sourit.
- Je ne tiens pas à entrer dans votre jeu.
- Mais ?
- Je ne tiens pas à entrer dans votre jeu, mais, j'ai hâte d'entendre votre avis sur la question.
- Vous n'imaginez pas à quel point votre docilité m'est rébarbative. De plus, vous avez commis une erreur que je me dois de rectifier : nous ne jouons pas. Pas encore.
- Pourtant vous semblez beaucoup vous amusez. Beaucoup trop.
- Vous avez peur.
- Bien sûr que non voyons. J'en ai vu d'autre. J'ai travaillé longtemps à hôpital. Un jour, un patient m'a menacé avec un bout de verre.
- Vous l'aviez sans doute vexé.
- Je voulais que nous parlions de son divorce. Je n'aurais somme toute pas dut.
- Rassurez-vous : je ne suis que très rarement violente. En ce qui concerne la thèse de Platon, je la trouve stupide. Mes quelques années d'existence m'ont suffi pour comprendre qu'un Homme est toujours conscient de sa nature. Une personne qui commet le mal délibérément connait les tenants et des aboutissants de cet acte. Un Homme doué pour la corruption va aussitôt tenter de s'enrichir : la vertu est un choix auquel personne ne s'adonne. L'Homme est profondément mauvais, et Platon était d'un naturel bien trop optimiste, selon moi.
Il prend note.
- C'est une vision assez arrêtée.
- Je changerai d'avis quand on m'aura fourni une meilleure explication que la mienne.
- Seriez-vous de nature à commettre le mal ?
- Peut-être que oui. Peut-être que non.

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Double jeu
Mystery / ThrillerUn spychologue rencontre sa nouvelle patiente. Dotée d'une grande intelligence, elle semble prendre un malin plaisir à lui raconter des mensonges. Cependant, à la fin de la première séance, elle finit par lui avouer que... dans 3 semaines, le jour d...