Double Jeu Chapitre 10

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- Dois-je comprendre qu'après avoir commis votre crime, vous ne vous suiciderez pas ?

- Bien sûr que nous !

- Cela aurait pourtant été compréhensible.

- Pourquoi ?

- Le remord.

- Je ne connais pas ce sentiment.

Il jette quelques mots dans son carnet.

- J'aimerai en apprendre davantage sur votre plan pour disparaître.

- J'ai fait des dizaines de tableaux dénombrant les expressions les plus courantes, les insultes les plus utilisées, les jeux favoris des enfants, les sujets à ne surtout pas aborder. Comme on récite une leçon, une fois rentrée chez moi, je m'enfermais dans ma chambre et récapitulais mes découvertes de la journée. J'apprenais par cœur les règles des jeux de cartes, qui étaient très en vogue à l'époque. Je passais des heures à travailler ma démarche. Je devais avoir l'air un peu gauche, car j'avais remarqué que cela attendrissait les adultes. Au bout de quelques mois, j'étais fin prête. J'étais devenue l'enfant la plus banale possible, et je m'élançais, confiante, vers mes camarades de classe. J'ai réalisé avec joie que certains avaient déjà oublié mon prénom. J'ai continué sur ma lancée. Je suis devenue celle vers qui on se tourne pour résoudre un problème.

- Vous sembliez plutôt appréciée. Tout ceci n'était que manipulation, n'est-ce pas ?

- Évidemment. Arrivée en fin d'année scolaire, la plupart des élèves me devaient tous un service... mais la majorité ne savais même plus comment je m'appelle. Ils avaient oublié. J'étais celle qui tendait la main et s'en allait, sans demander son reste. J'étais une ombre parmi les ombres. Je me savais tout près du but, mais j'ai toujours été d'un caractère prudent. Par conséquent, j'ai effectué une première vérification. J'ai volé le cartable d'un de mes camarades. Personne n'a pu remonter jusqu'à moi. Je pensais avoir enfin disparue. Néanmoins, la nouvelle année scolaire arriva. Mon travail fût réduit à néant.

- Il vous suffisait de recommencer.

- C'est ce que j'ai fait. J'avais appris de mes erreurs et cette fois-ci j'ai réussi à disparaître en à peine quatre mois. A partir de là, les choses sont devenues bien plus amusantes.

- Développez.

- Non.

- J'ai besoin de connaitre la suite.

Elle rit.

- Qu'ai-je dit de si drôle ?

- Nous y voilà enfin ! Ferrer le poisson a été bien plus facile que prévu. Allez-y, posez-moi la question qui vous taraude.

- Je ne comprends pas. Explicitez votre propos.

- Je m'excuse.

- Vous divaguez !

- Pardonnez-moi de vous avoir laissé sur votre faim lors de notre dernière entrevue.

- Continuez.

- Avouez avoir été intrigué par ma révélation.

- Apprendre que vous allez tuer quelqu'un dans cinq semaines ? J'ai en effet été quelque peu surpris. Et tenté par l'idée d'appeler la police...

- Permettez-moi de rectifier : je vais commettre un meurtre dans quatre semaines. Il s'agit de notre deuxième séance.

- J'ai donc quatre heures pour vous convaincre d'abandonner cette idée sordide.


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