Double jeu

Double jeu Chapitre 16

Silence. Il réfléchit.

- Avez-vous déjà envisagé la possibilité que vous allez commettre un meurtre sans raison ?

Elle soupire, exaspérée.

- Vous l'avez dit vous-même : je ne fais jamais rien par hasard. Il y a un sens à ce crime. Si je suis assise dans ce fauteuil, c'est pour que vous m'aidiez à la trouver. Je considère avoir fait mon deuil. La mort de ma mère est un des seuls souvenirs qu'il me reste d'elle. A vrai dire, je n'ai jamais pleuré sa disparition.

- Vous me dégoutez.

- Merci.

- Je vous hais.

- C'est bon signe. Cela signifie que vous possédez un sens moral.

- Et vous ?

- Je ne crois pas en avoir un, mais je n'ai plus envie de parler de tout ça. Combien de temps nous reste-t-il encore à jouer ?

- Vingt minutes. Vous êtes ma patiente et nous sommes ici pour parler de vos problèmes. Vos pulsions meurtrières sont inquiétantes, donc parlons-en.

- En quoi sont-elles problématiques ?

Il rit.

- Ce n'est pas normal !

- L'Homme n'a pas les pleins pouvoirs sur sa conscience. Mes « pulsions » sont incontrôlables. Honnêtement, je ne souhaite pas les contenir. A vrai dire il est assez jouissif de se dire que moi, être pensant qui aime dominer les autres sans qu'ils le sachent, suis-je en réalité contrôlée par une autre force. Elle est obscure, profonde, maligne, elle s'insinue dans mes pensées et guide le moindre de mes mouvements. Je suis la marionnette d'une chose qui n'est pas constitué de matière... C'est troublant, n'est-ce pas ?

- Vous vous considérer comme... manipulée ?

- Exactement.

- Ainsi ce n'est pas vous qui agissez mais... comment l'appelez-vous ? Votre inconscient ?

- Je n'ai pas la réponse à cette question. Conscience, inconscience, Moi, Ça, Surmoi, que sais-je ? Je me conterai de dire que je suis consciente d'être contrôlée par une force qui me dépasse.

- Ce jeu de mots était mauvais.

- J'ai fait une plaisanterie : je progresse. Le psychologue que vous êtes devrait se sentir heureux.

- En effet, vous avez évolué depuis notre dernière entrevue. Néanmoins j'ai peur de la suite. Vous ne faîtes que vous dédouaner de vos actes futurs en accusant votre subconscient. Ce n'est pas digne de vous. Vous m'avez confié que vous souhaitez tuer quelqu'un : assumez-en pleinement les conséquences.

Silence.