Chapitre 3

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Ecta et son détachement s'étaient rendus vers les remparts le plus vite possible, à savoir peu après que ceux-ci aient cédé. Le détachement tithonien était en période de repos lorsque cet assaut avait commencé. Ainsi, le temps que tout le monde se réveille et s'équipe, ils avaient raté les premières effusions. Ils avaient surtout raté la première vague de l'armée de Terregrise. Exactement comme prévu. Ecta avait réarrangé les horaires de son détachement pour éviter qu'il soit mobilisé au mauvais moment. Afin de ne pas avoir à affronter Kimmer.

Les deux femmes s'étaient rencontrées dans le plus grand secret peu après que la Laurussie soit venue voir Ecta pour lui apprendre que Kimmer avait rejoint l'armée de Terregrise. Même si la Tithonienne était reconnaissante envers la voyageuse de lui avoir partagé cette information alors qu'elle n'était pas sensée le faire, elle était restée bien trop vague. Ecta avait absolument besoin d'en savoir plus pour déterminer à quel point son ancienne supérieure était son ennemie et devait être traitée comme telle sur le champ de bataille.

Kimmer avait répondu présente et les deux Tithoniennes s'étaient longuement entretenues. L'ancienne capitaine avait agi selon un idéal : combattre l'emprise des dieux sur les mortels. Plus spécifiquement, éliminer le dieu que servait le prêtre elfe. D'où ses manoeuvres pour se rapprocher de lui puis sa tentative d'enlèvement. La mission avait tourné au fiasco et Kimmer avait tout perdu. Ça n'était pas sensé se passer de la sorte et elle regrettait amèrement la tournure des événements et la trahison envers ses hommes, sa nation. Mais elle avait agi pour un idéal, ce qu'Ecta pouvait comprendre et même respecter. Et aussi, ça expliquait enfin la raison de cette amourette absurde avec le prêtre elfe. Dao était attachant et ne manquait pas de charme, à sa façon, mais le comportement de Kimmer et sa manière de s'afficher avec lui avait été un mystère absolu pour son ancienne aide de camp.

Ecta se sentait rassurée par les explications de l'ancienne capitaine, et cette dernière était visiblement soulagée d'avoir pu enfin justifier son comportement. Mais Kimmer était toujours une traîtresse, elle ne reviendrait jamais parmi les siens, et elle faisait toujours partie de l'armée ennemie. La situation déplaisait fortement aux deux femmes, mais c'était la réalité. Elles durent donc se résoudre à discuter de la manière dont les choses se passeraient au moment des combats.

La capitaine ne voulait pas donner ces informations à ses hommes, mais elle ne voulait pas qu'ils tombent sur Kimmer pendant les combats. Cette dernière ne voulait pas avoir à s'attaquer à ses anciens hommes, car ils étaient importants à ses yeux. Il fut donc conclus que, dans la mesure du possible, les hommes d'Ecta s'attaqueraient aux Aravallis et les hommes de Kimmer aux Lochkovites. Dans la mesure du possible. Elles refusèrent de donner des ordres spécifiques à leurs soldats pour ne pas verser dans la trahison, mais simplement elles les orienteraient vers d'autres cibles.

Après que les deux femmes eurent donné leur parole, Kimmer suggéra quelques remaniements dans les horaires de repos de son détachement. Ecta accepta sans poser de question.
Et la voilà, en plein milieu d'une journée sans soleil, à la tête de ses hommes, à affronter l'armée aravallie dans les rues de Lochkov.

Le détachement tithonien avait foncé vers les bas-quartiers, plus proches des remparts. C'était aussi la zone que les dirigeants de Lochkov auraient le moins à coeur de protéger. Des affrontements acharnés y prenaient place. Les habitants se défendaient farouchement, par endroits des barricades étaient installées. Dans certaines rues, les gens semblaient très correctement armés et affichaient des rudiments de tactique militaire qui leur permettaient de faire face. Mais pour une durée limitée uniquement. Les Aravallis étaient brutaux et implacables. Ils ne brisaient par leurs rangs. Ils avançaient inexorablement et achevaient tout le monde. Les résistances opposées leur faisaient certes perdre un peu de temps et provoquaient des dégâts dans leurs rangs, mais ils ne s'arrêtaient pas. C'était un massacre.

Ecta ne perdit pas de temps et déploya ses hommes en petites unités suffisamment fournies pour pouvoir aller affronter les unités aravallies dans le quartier où ils étaient arrivés. Elle se jeta elle-même dans la mêlée avec rage. L'opposition était acharnée. Ses hommes et elle-même étaient aguerris, expérimentés et disciplinés. Chacun gardait un oeil sur ses frères d'arme et Ecta tentait autant que possible de conserver une vision sur ce qui l'entourait et l'évolution du combat, mais ses opposants lui donnaient du fil à retordre. A elle et à toute son unité. Le sang volait, les corps tombaient, les hurlements de rage et de douleur se confondaient.

La capitaine avait légèrement sous-estimé les Aravallis et ses unités s'avérèrent finalement sous-dimensionnées. Ils arrivaient à avoir le dessus, mais au prix d'un peu trop de pertes au goût d'Ecta. Elle-même reçut une violente blessure au niveau de la cuisse, dont elle ne pourrait évaluer la réelle gravité que si elle survivait à l'affrontement. Les Tithoniens réussirent tout de même à prendre le dessus dans les zones où ils s'étaient déployés, grâce à leur plus grande expérience du combat et leur aptitude à utiliser les spécificités du terrain urbain, sur lequel les Aravallis semblaient un peu moins à l'aise. L'aide des habitants lorsqu'ils eurent compris qu'Ecta et ses hommes étaient là pour les aider et qu'ils ne faisaient pas partie de la milice s'avéra également décisive.

Après cette première escarmouche, ils avaient réussi à sécuriser une petite zone dans les bas-quartiers. Ecta rassembla ses hommes pour évaluer la situation. Les pertes étaient déjà conséquentes. Les habitants apportèrent leur soutien et quelques maigres ressources pour des soins d'urgence et une prise en charge de ceux qui étaient trop endommagés pour continuer. Mais les combats continuaient. Ecta décida d'étendre la zone sécurisée aux rues voisines, en procédant avec plus de prudence et une meilleure concentration des forces. Le groupe qui tenait le quartier où ils se trouvaient, apparemment une sorte de milice révolutionnaire, leur adjoint quelques hommes qui connaissaient bien la ville et qui étaient désireux de se battre, pour les guider vers la zone adjacente. La nuit, ou plutôt la journée, peu importe, serait longue.

Ecta reprit la tête de ses hommes et les exhorta au combat sous leurs clameurs exaltées. Elle s'occuperait de sa blessure une autre fois.

T4 - Le MonstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant