Chapitre 5

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Depuis le début de ce conflit, l'implication réelle du convoi en cas d'affrontement était le sujet de discussions sans fin autour de Damara. En plus de Kibaran, elle passait le plus clair de son temps avec les Timans et les Laurussis. Et bon sang, ces Timans, elle adorait ces gens, mais parfois elle avait vraiment envie de les entêter contre un mur, les uns après les autres. Ils représentaient tous des tribus différentes dont la plupart avaient envoyé une personne, ce qui faisait qu'ils étaient nombreux. Il n'y avait aucune hiérarchie dans leur groupe, aussi mettaient-ils un point d'honneur au fait qu'ils étaient tous égaux et par conséquent passaient leur temps à discuter sans fin de toutes les décisions qu'ils prenaient.

Là d'où elle venait, il y avait aussi de nombreuses petites bandes éparses qui vivaient dans les différents bras du fleuve. Ces petites bandes avaient peu de contacts entre elles et ceux-ci n'étaient de loin pas toujours amicaux. Lorsque Kibaran était arrivé avec cette histoire de convoi et avait fait le tour en proposant à qui voulait de l'accompagner, personne n'avait été intéressé à part Damara qui avait soif d'aventure. Tout le monde se fichait de ce qui se passait dans le reste du monde, et les rares qui ne s'en fichaient pas étaient contents que d'autres personnes s'en occupent à leur place. C'était pourquoi la chasseuse ne comprenait pas cette compulsion des Timans à palabrer pour tout, surtout à propos de leur implication dans le conflit à Lochkov.

Pour Damara, les choses n'étaient pas compliquées. Ils étaient tous dans la ville. Si la ville était attaquée, le convoi était attaqué aussi. Elle avait de gros doutes sur le fait que l'armée qui marchait sur la ville s'amuse à tuer ou faire prisonnier tout le monde sauf eux. Elle avait donc, et ce dès le début, à son échelle, aidé à la défense de la ville. Principalement depuis les remparts avec son arc. Les arbalestriers se moquaient de son équipement rudimentaire, mais après quelques nez cassés, ils durent bien admettre que l'arc était très avantageux en matière de cadence de tir.

Elle avait aussi participé à quelques missions d'éclairage et à l'une des manoeuvres sur les lignes d'approvisionnement de l'ennemi. Ce fut à cette occasion qu'elle réalisa qu'elle n'était pas vraiment taillée pour la mêlée. Que ce n'était pas la même chose que la bagarre. Qu'il vaudrait mieux qu'elle se cantonne à une position d'archère.

En dehors de cela, et ce depuis le début de la présence du convoi à Lochkov, la chasseuse ne s'intéressait pas à l'actualité. Elle s'en remettait à Kibaran qui avait une compréhension fine des événements en cours.

Puis vint ce jour où le soleil ne se leva pas, ce qui était déjà particulièrement inquiétant. Et puis les cloches d'alarme avaient sonné. Une attaque avait lieu. Les ennemis étaient entrés dans la ville. Dans le palais où ils étaient logés, les membres du convoi avaient décidé de ne pas sortir et de rester défendre le palais. Aussi lorsque l'alarme retentit, tout le monde se réunit et fit ce qu'il avait à faire, s'équipant, se positionnant. Seul Aeron présenta ses excuses, prit congé et s'éclipsa rapidement. Il avait dû vouloir retrouver l'un de ses amants, ou alors Sandre. Damara eut un moment d'inquiétude pour son amie. Avec le prêtre elfe, elle devait être très bien protégée, mais en même temps au centre de tous les dangers.

La chasseuse tenait à son ancienne amante plus que de raison et espérait sincèrement que celle-ci n'aurait pas à regretter ses choix amoureux. Entre Sandre et Aeron, les Laurussis s'avéraient finalement être de grands romantiques. Elle eut un sourire en coin à cette idée, puis chassa ces gens de son esprit et se positionna dans la petite tour de garde du palais. Elle espérait que les combats ne viendraient pas jusqu'à elle, que leurs adversaires seraient stoppés avant d'arriver. Mais il n'y avait pas beaucoup d'espoir.

Elle vit l'oiseau géant dans le ciel et lui tira dessus à chaque fois qu'il passait dans sa ligne de mire, sans effet. Puis elle entendit et sentit les bruits d'impact sur les remparts. Les nouvelles alarmes, les bruits d'effondrements, les combats qui se rapprochaient. Son coeur qui battait plus vite.

Elle finit par apercevoir un petit groupe d'hommessilencieux et armés qui essayaient de se faire discrets. Elle les reconnut comme des mercenaires de l'armée de Terregrise. Elle les prit dans sa ligne de visée. Ils venaient très clairement en direction du palais et se séparèrent à l'approche de l'entrée.

Damara n'était pas du genre à hésiter et tira, puis tira et tira encore. Elle réussit à en abattre plusieurs, mais ils se déplaçaient rapidement et furent bientôt hors de sa portée. Des bruits de combat se firent entendre en provenance de l'entrée, mais Damara ne pouvait pas voir ce qui s'y passait. De toute évidence les assaillants étaient soit morts soit en train d'entrer dans le palais. Elle resta encore un moment en place pour voir s'il y avait d'autres assaillants, puis quitta son poste d'observation pour voir ce qui se passait à l'intérieur. Elle rangea son arc et dégaina la petite épée que ses hôtes lui avaient très gentiment offerte. Elle avait passé les dernières semaines à s'entraîner à son maniement : ça ferait bien mieux l'affaire que son gourdin.

Arrivée dans la petite cour du palais, elle entendit des hurlements, en provenance de différentes zones à l'intérieur. Toutes les lumières avaient été éteintes et elle ne vit aucun mouvement dans la cour. La chasseuse fonça vers l'entrée pour voir où en étaient les gardes. Ils étaient inconscients, semblaient blessés. Elle vérifia plus avant : l'un d'eux était mort.

Elle retourna à l'intérieur et tenta de se diriger vers les cris qu'elle avait entendus, en provenance des appartements de leurs hôtes. Au détour d'un couloir, elle tomba sur un soldat de Terregrise, en train de piller la demeure. Il eut l'air surpris de la voir. Damara n'hésita pas et attaqua. Le soldat para son attaque nerveusement, puis toutes les suivantes, gagnant progressivement en assurance. La chasseuse n'était de toute évidence pas de taille. Peut-être que cette épée n'était finalement pas une si bonne idée. L'échange durait et son adversaire arborait un léger sourire. Damara continuait d'attaquer et réfléchissait à comment se sortir de là, car les chances n'étaient pas de son côté et qu'elle allait fatiguer. Son adversaire s'adressa à elle, essayant d'avoir un ton rassurant et cordial.

- Nous ne sommes pas là pour vous !

Damara attaqua et son adversaire para le coup, continuant de parler.

- Je vous promets qu'il ne vous arrivera rien si vous me laissez passer !

La chasseuse arrêta son coup en vol, touchant mollement l'arme du soldat. Elle le fixa intensément, comme un animal pris au piège, mais baissant son arme. Son interlocuteur leva ses mains en guise d'apaisement et poursuivit d'un ton chaleureux.

- Voilà, pas besoin d'en arriver là, je continue mon chemin, et on s'est jamais vus, d'accord ?

Damara ne bougea pas. Le soldat lui adressa un sourire plutôt charmeur, ramassa son sac et entreprit de repartir dans la direction par laquelle la chasseuse était arrivée. Cette dernière eut un réflexe instinctif lorsqu'il passa à sa hauteur et, d'un mouvement vif, lui asséna un coup d'épée au visage. Le soldat fut suffisamment rapide pour reculer et éviter le gros de l'attaque, mais reçu une importante coupure, endommageant l'un de ses yeux. Il y eut un hurlement de douleur et une projection de sang.

Le temps fut suspendu un moment pendant lequel Damara resta figée et le soldat regardait sa main couverte de sang. Puis il leva un regard bouillonnant de rage vers la chasseuse.

- Mais... Mais je vais te crever !

Ils se jetèrent l'un sur l'autre et commencèrent à se rouer de coups furieusement. La dynamique du combat changea quelque peu car Damara était bien meilleure au corps-à-corps qu'avec une épée. Elle frappa de nombreuses fois son adversaire à la tête, avec des coups en crochet du côté où son oeil était endommagé pour qu'il puisse moins bien voir venir les coups. Cette stratégie s'avéra rapidement payante car le soldat eut vite l'air sonné. A califourchon sur lui, elle se contenta de lui saisir la tête et la frapper au sol jusqu'à ce qu'il arrête de gigoter.

Elle se releva rapidement, prit son arc et encocha une flèche pour aller chercher les autres. Ce fichu soldat l'avait mise de mauvaise humeur.

T4 - Le MonstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant