T4 - Le Monstre

Chapitre 24

Les autres membres de ce qui restait du convoi n'eurent pas besoin de se faire prier. Tout le monde avait été ravi de quitter enfin Lochkov. Ils rassemblèrent leurs affaires et partirent dans la journée, après avoir fait leurs adieux à leurs hôtes. Sandre et Dao ne s'étaient pas donnés la peine de le faire. Ils avaient simplement confié leur décision de partir à l'un des membres de la maison, donnant leur emplacement pour que Caleb puisse les rejoindre lorsqu'il serait prêt pour l'expédition, normalement le lendemain en fin de journée. Ils voulaient limiter au maximum les interactions avec le demi-elfe et sa famille.

Le dernier moment que les deux amants avaient partagé dans leur chambre avait été très intense, et avait fait beaucoup de bien au jeune elfe. Il avait l'impression que sa compagne l'avait emmené vers de nouveaux pics de plaisir, s'était senti profondément connecté à elle. Il se sentait détendu pour la première fois depuis longtemps et n'arrivait pas à enlever de son visage son sourire idiot, malgré la gravité de la situation. Avant de sortir de la chambre, ils avaient discuté entre eux pour décider s'ils devaient parler de la trahison de Caleb au reste du groupe.
La voyageuse était partagée entre le fait que le marché passé avec le demi-elfe impliquait qu'ils n'ébruitent pas sa trahison, et d'un autre côté elle était très inquiète du fait que les siens continuent à faire confiance à ce fumier. Elle avait très envie de tout raconter aux autres, mais Dao préférait rester prudent. Sandre voulait au moins prévenir Telych et Turon, et le jeune elfe voulait prévenir Rhya. Ils tombèrent d'accord sur le fait qu'ils ne pouvaient pas laisser Amuri et les deux Timanes dans l'ignorance si tous les autres étaient au courant. Ils décidèrent donc d'aborder le sujet avec le groupe une fois qu'ils seraient hors de la ville, sans forcément trop rentrer dans les détails. Et Caleb n'avait pas intérêt à se plaindre.

Une fois leurs affaires rassemblées, ils purent partir de la ville sans difficulté notable, contournant soigneusement la zone où était encore stationnée une partie des armées des envahisseurs. En apercevant le campement de Terregrise, Dao eut un frisson. Il se demanda si Ioni avait survécu à ses blessures, si elle était dans ce campement, si elle allait l'attaquer encore dans les jours qui venaient. Les chances qu'elle soit présente dans sa tente de commandement, en pleine forme et en train de regarder le petit groupe s'éloigner de la ville étaient minces. Le jeune elfe était tout de même plutôt nerveux à cette idée. La mercenaire s'était avérée pleine de ressources, elle avait peut-être de quoi se soigner rapidement et tout savoir de leurs faits et gestes. Il ne pouvait pas se permettre d'être négligent.

Il revint dans l'instant et chercha sa compagne des yeux. Elle ouvrait le chemin et, comme à son habitude, avait pris quelques dizaines de mètres d'avance. Ils gravissaient une sorte de colline et Dao l'avait perdue de vue. Il fut immédiatement pris par une déferlante d'angoisse et se mit à courir à toute vitesse pour la rattraper, soudain horriblement inquiet à l'idée qu'il ait pu lui arriver quelque chose. Que Ioni soit là. Qu'elle s'attaque à sa compagne pour éliminer la menace qu'elle représentait. Dao revit la mercenaire abattre ses épées tournoyant à toute vitesse, meurtrissant la chair de sa compagne, tandis qu'il courait à en perdre haleine, intoxiqué par la panique.

Il la rattrapa bien vite, fondit sur elle et l'enveloppa dans ses bras, la serrant fort, le cœur battant. Submergé par le soulagement, sentant encore l'adrénaline couler dans tout son corps. Il était parti très loin en pensées en seulement quelques secondes. Sandre avait été prise de court par cette manifestation et s'était immobilisée, tapotant gentiment le bras du jeune elfe.

- Oui, Dao ? Tout va comme tu veux ?
- Bon sang, Sandre, je vous en prie, ne vous éloignez pas comme ça. Qui sait ce qui pourrait arriver ? Vous jouez avec mes nerfs !
- Hum, d'accord... c'est qu'un petit sentier de colline, tu sais.