T4 - Le Monstre

Chapitre 22

- Caleb, il faut qu'on parle. En privé.
- Ah, Dao, Sandre, bonjour ! Laissez-moi juste le temps d'arriver et je vous retrouve dans le...
- Non. Maintenant. C'est important. En privé.

Le demi-elfe fronça rapidement son nez d'un air contrarié : Dao était son invité désormais, et il ne se montrait pas très poli. Mais Caleb retrouva bien vite sa mine affable et leur fit mine de le suivre.

- Bien, bien, allons dans mon bureau. Qu'est ce qui se passe, il y a un problème ?
- Allons dans votre bureau.

Ils marchèrent quelques instants en silence.

- ça va comme vous voulez, Dao ? Vous avez l'air... fatigué.
- Très bien. Mais avançons, nous parlerons après.

Le jeune elfe était conscient qu'il devait avoir une mine affreuse. Il avait à peine dormi la veille. Après avoir été réveillé par les horribles cauchemars qui lui faisaient revivre encore et encore ce moment de terreur où il voyait sa compagne se faire mutiler, il n'avait plus réussi à vraiment se rendormir. Sandre était bien là tout près de lui à son réveil, le serrant dans ses bras, le rassurant, le calmant. Elle était vraiment parfaite avec lui, et il ne voulait pas l'inquiéter. Elle avait déjà assez de souci comme ça avec son ami disparu. Il voulait plus que jamais la rendre heureuse, la faire sourire. Il lui avait fait l'amour intensément, essayant de lui donner le plus de plaisir possible, comme pour lui restituer une partie du bonheur qu'elle lui amenait.

Une fois sa compagne endormie, avec un sourire satisfait et absolument irrésistible sur les lèvres, Dao s'était lové contre elle et avait essayé de faire de même. Sans succès. Il se sentait nerveux et préoccupé, une sensation d'anxiété contrastant avec l'écho du plaisir dans son corps. Il avait passé le reste de la nuit à se tourner et retourner dans le lit, sans trouver le sommeil. Il s'était mis à repenser à Caleb et aux doutes qui pesaient sur lui. Il avait décortiqué chacune des interactions qu'il avait eues avec lui, ainsi que tout ce qu'on lui avait rapporté à son propos, à la recherche d'un élément permettant de le disculper. N'en trouvant pas, il se mit à la recherche d'un indice prouvant sa culpabilité, sa trahison.

Les perspectives étaient vertigineuses. Car si trahison il y avait, c'était la vie de Dao qui avait été bradée par le demi-elfe. Le jeune elfe avait été trahi à plusieurs reprises depuis le début de son voyage, parfois spectaculairement comme avec Kimmer, parfois plus insidieusement comme avec Ladinia et les autres elfes. Il n'était pas sûr de pouvoir supporter cela à nouveau. Mais plus il y pensait, plus cette option devenait crédible. Sans s'en rendre compte, il avait glissé dans une spirale d'anxiété, tournant en rond dans son esprit, imaginant le pire, puis le pire du pire. Dans le noir, entouré d'un silence uniquement perturbé par le souffle régulier et lent de sa compagne endormie. Lorsque cette dernière se réveilla peu avant l'aube, comme tous les jours, le jeune elfe n'avait toujours pas fermé l'œil mais fit semblant de dormir pour ne pas éveiller son inquiétude. Il la sentit qui le regardait dormir pendant un moment avant de déposer un baiser doux et sensuel sur son front, puis se lever.

Dao était resté dans son lit, continuant à se torturer l'esprit. Quelque heures plus tard, sa compagne était venue le chercher : Caleb était rentré de son voyage dans l'arrière-pays. Le jeune elfe s'était levé d'un bond et avait foncé à sa rencontre, bien décidé à tirer cette histoire au clair, sans faiblir, sans hésiter. Il devait en avoir le cœur net, il devait savoir si ce demi-elfe qui se présentait comme leur ami, qui avait fait tant d'efforts pour se rapprocher de lui, de sa compagne et d'Aeron, ne l'avait fait que dans le seul et unique but de le sacrifier à cette mercenaire sanguinaire. Il était déchiré par cette question, à la fois anéanti par l'idée qu'il puisse avoir encore été trahi, et aussi révulsé à l'idée que ces soupçons puissent être portés à l'encontre de Caleb. Il allait lui tirer les vers du nez et tirer cette histoire au clair, avant de devenir fou. Il ne se laisserait plus ballotter par les événements.