Chapitre 12

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Le Seigneur de Tornquist était caché sous son lit, terrifié. Les paumes pressées sur ses yeux fermés, roulé en boule, il commençait tout juste à s'arrêter de trembler. Il ne savait pas depuis combien de temps il était prostré là. Des gardes étaient postés devant la porte de sa chambre, des miliciens lochkovites choisis personnellement par le responsable de la sécurité, ce qui semblait être plutôt une bonne chose mais n'était pas suffisant pour le rassurer.

Il fallait comprendre quelque chose à propos du Chevalier Rhyac : ce n'était pas quelqu'un qui se laissait intimider facilement. Issu de l'ancienne noblesse de Tornquist, une famille avec un imposant héritage guerrier, il s'était orienté vers une carrière militaire et avait fait en sorte d'être entraîné comme un simple soldat, à la dure. Ce qui lui avait amené beaucoup de souffrance mais beaucoup de ce savoir que n'ont pas les politiciens de salon, même les plus affûtés. Ce savoir du réel, comme il l'appelait, qui reposait sur des observations élémentaires des lois naturelles. Les politiciens en robe, avec leurs bijoux, leurs titres et leurs gardes du corps, ne savaient pas qu'il ne fallait pas contrarier plus costaud que soi. Ils ne pouvaient pas savoir, protégés comme ils l'étaient, personne ne leur avait jamais appris. Mais Rhyac savait. Il savait aussi comment contourner les artifices de la civilisation qui protègent les élites. Pour leur rappeler leur place dans le règne animal. Il était suffisamment malin pour tout ça, et pour avoir su exploiter le statut lié à sa naissance, son affinité pour les choses de la guerre et son esprit affûté.

Après son entraînement, il avait servi quelques années dans l'armée, qui était réduite à peau de chagrin car elle n'avait plus aucune utilité en ces temps de paix. Il s'était donc ensuite tourné vers le renseignement, la sécurité intérieure et extérieure, tout en travaillant à son ascension politique. Il avait réussi à épouser la puissante Chevalière Caly et ils avaient pendant un temps formé une équipe redoutable, ses connexions à elle complétant avantageusement celles de Rhyac. Leur mariage avait été politique et ils ne s'étaient jamais aimés, trouvant leur plaisir et leur bonheur hors de leur chambre conjugale, mais ils étaient très efficaces ensemble dans les premiers temps. Leur union avait été une excellente idée. Jusqu'à ce qu'ils réalisent que leurs valeurs et objectifs pour la cité étaient totalement différents. La confiance mourut rapidement à partir de là. Ce fut Rhyac qui attaqua le premier en organisant cet accident de cheval qui coûta la vie à son épouse.

Il ne perdit pas de temps et prit le pouvoir, soutenu par ses nombreux appuis politiques, militaires et stratégiques. Il lança immédiatement des réformes pour réparer les dégâts que les décisions de sa femme avait faits à Tornquist et ses habitants. Peu de temps après, le combat s'engagea avec Tarim qui contestait sa prise de pouvoir. Elle était redoutable et avait des soutiens importants, à Tornquist mais aussi en dehors. Les choses s'étaient enchaînées, et le voilà à Lochkov, caché sous un lit comme un enfant à qui on avait raconté une histoire de fantôme.

Le Chevalier avait déjà vu des fantômes dans sa vie. Ça n'avait pas été une partie de plaisir, mais il n'avait pas été impressionné. En vrai, les fantômes ce n'était rien à côté de ce dieu du désert.
Au début des affrontements, Rhyac était sorti dans la rue, avec celui de ses gardes qui avait l'air le plus affûté. Il ne cherchait pas particulièrement à en découdre, mais il devait voir avec ses propres yeux ce qui se passait, à qui Lochkov avait affaire, car il savait que ce qui se passait ici risquait fort de se passer à Tornquist à moyen terme. Il avait besoin de sentir ce qu'Aravalli avait dans le ventre au moment de la réalité des combats. Comment était organisée et dirigée l'armée, de quel bois étaient faits les soldats, quel était le niveau tactique des officiers. La gestion de la communication, la logistique, la réaction en cas d'imprévus, le comportement vis-à-vis des civils. Le Chevalier n'avait pas trop peur pour sa propre sécurité. Il avait suffisamment d'expérience en combat urbain pour savoir identifier les limites du danger et disparaître si besoin. Et au pire, s'il devait faire quelques échanges avec un combattant ennemi, il avait confiance en ses compétences. Il s'était très bien remis des mauvais traitements reçus lorsqu'il était prisonnier chez ses ennemis.

T4 - Le MonstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant