Chapitre 15

0 0 0
                                    

Tisza se tenait debout dans la cour du palais central de Lochkov, quelques soldats autour d'elle. Des membres importants de sa famille et des familles alliées. Et une bonne partie des officiers supérieurs de l'armée et de la milice. Tout ce petit monde debout sur l'estrade qui avait été installée pour le rite avec l'elfe et le Chevalier Rhyac. Elle n'avait pas encore été démontée, aussi fut-il décidé de l'utiliser après l'avoir nettoyée. Les mercenaires de Terregrise étaient entrés dans le palais et arrivaient. Ils ne rencontraient aucune résistance. Des ordres avaient été donnés en ce sens.

La diplomate entendit les bruits de la petite unité qui arrivait vers la cour. Elle se redressa, respira profondément. Jeta un coup d'oeil derrière son épaule à son oncle Caleb. Il hocha la tête à son attention, un petit sourire encourageant. Dans le ciel noir, l'oiseau immense continuait à planer, passant parfois au-dessus d'eux. Au loin, les bruits des combats dans les rues. Il fallait que cette folie se termine rapidement. C'était le plan de son oncle.

Tisza ne savait pas trop quoi penser de ce stratagème, principalement la partie où Lochkov se rendait. Elle faisait confiance à Caleb, mais elle savait qu'il ne lui avait pas tout dit. Qu'il y avait des intérêts en jeu qui ne la concernaient pas. Elle avait toujours trouvé que les rapports de son oncle avec cette compagnie de mercenaires étaient plus que suspects. Il le cachait, mais Tisza savait qu'il entretenait des contacts réguliers avec certains de leurs représentants. Depuis que tout le monde avait vu que leur dirigeante était une elfe, la diplomate avait commencé à soupçonner qu'elle ait peut-être un lien de parenté avec Caleb. Peut-être sa mère, ou quelqu'un qui l'avait connue.

En tous les cas, cette collusion rendait Tisza suspicieuse. Est-ce que son oncle avait précipité la chute de la ville alors qu'elle aurait pu être évitée ? Elle avait beaucoup de peine à imaginer qu'il ait pu trahir sa ville, sa famille. Sa vie avait toujours été à Lochkov, et c'était une bonne vie. Il avait toutes ses attaches ici. Il venait même de rencontrer quelqu'un qui semblait le rendre heureux. Il avait certainement fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher la chute de sa ville. Elle devait arrêter d'avoir des doutes.

Non, le vrai problème était que Lochkov aurait pu résister. La situation n'était pas si mauvaise. Ils avaient des remparts solides, un approvisionnement par la mer. Ils avaient pu évacuer les enfants et les non-combattants. Des renforts étaient sensés arriver sous peu. Alors certes, l'armée lochkovite avait perdu de la superbe qu'elle avait eue des siècles plus tôt, mais elle avait encore beaucoup de cartes en main. Si seulement la menace avait été prise au sérieux pendant les semaines, les mois qui avaient précédé. C'était ça qui enrageait Tisza : la plupart des nobles et dirigeants ne voulaient pas y croire, tellement abrutis de confort et de sécurité qu'ils étaient, ils ne pouvaient pas envisager la réalité de la violence qui se précisait. C'était pourtant évident. La diplomate et ses alliés avaient fermement bataillé pour que la possibilité que la guerre n'éclate soit considérée, et quelques précautions avaient finalement été prises, mais c'était loin d'être suffisant. Et Lochkov était en train de se faire marcher dessus.

Tisza serra ses poings dans son dos. S'ils s'étaient donnés les moyens de résister, ces deux armées seraient encore hors de Lochkov, et dans un très mauvais état. Mais la ville avait été trahie. Pas par son oncle qui avait fait entrer les soldats pour précipiter et contrôler une chute inéluctable, mais bien par les vautours et les indécis qui avaient fait en sorte que Lochkov ne puisse pas se défendre. La bonne nouvelle était que ces maudits traîtres devaient être morts depuis. Si Caleb avait dit vrai, les mercenaires étaient en train d'exécuter tous les opposants politiques de leur famille, tous ceux qui avaient trahi Lochkov en refusant de la défendre comme elle aurait dû l'être. La suite allait être difficile, mais au moins ils étaient débarrassés des pires.
La petite unité de Terregrise arriva enfin. Ils s'engouffrèrent dans la cour et marchèrent droit sur l'estrade. A la tête du groupe se trouvait un petit homme en robe, avec une armure légère et une épée courte au côté, dans son fourreau. Il avait une grande sacoche en bandoulière, et affectait une mine polie mais légèrement stressée. Autours de lui se trouvaient des mercenaires. Ils étaient tous différents au niveau de leurs origines, de leurs équipements et accoutrements, mais ils avaient tous l'air très costauds. Alertes, mais pas particulièrement nerveux. Ils devaient avoir l'habitude. Tisza chercha des yeux la grande elfe blanche qu'elle avait aperçue depuis les remparts lorsque Terregrise était arrivée. On lui avait expliqué que c'était elle qui dirigeait la compagnie, que c'était une combattante féroce, et une négociatrice chevronnée.

T4 - Le MonstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant