7 février 1968 : 23h17
S'il découvre ce journal, je vais mourir. C'est comme ça, si je trahis mon frère, je mérite sa punition. Pourtant, me voilà un stylo-plume à la main en train d'écrire ces lignes.
Quand je l'ai vu pour la première fois, elle était de dos. Elle était toute petite et semblait vouloir prendre le moins de place dans la pièce. Elle ne dégageait rien de spécial, cette fille était normale. Puis, elle s'était tournée dans ma direction, je l'avais dévisagée de bas en haut, son physique était banal, et ça, je pouvais le voir même à travers ses vêtements amples.
Elle avait alors levé les yeux vers moi en faisant une mine ahurie. Sa peau pâle contrastait violemment avec ses cernes violacés, elle était épuisée, ça se voyait comme le nez au milieu de la figure. Pourtant, son regard annonçait le contraire, il crachait une violence, une force impressionnante.
Plus tard, j'ai pu m'attarder à l'observer quand elle était dans le patio. Je m'étais sans le vouloir concentré sur son poignet bandé, sa main pendait dans le vide pendant qu'elle esquissait son croquis. Son front était tendu par la concentration. À aucun moment, elle ne s'était laissée distraire par les bavardages et les bruits ambiants.
Mon frère avait remarqué que j'avais un moment d'absence. Pour rire sûrement, il m'avait pincé le bras et plus par réflexe que par douleur, j'avais lâché un petit cri. Heureusement, personne ne m'avait entendu. Il m'avait alors demandé pourquoi est-ce que je ne l'écoutais pas et je lui avais alors montré ce que je regardais.
Dès qu'il l'eut aperçu, son beau visage fut déformé sous l'effet de la colère. Je compris, à ce moment, que la crise était imminente. Je ne l'avais jamais vu perdre son calme aussi rapidement. De nous deux, normalement c'était à moi de toujours faire semblant d'être en colère.
Pendant son début de crise, il m'avait serré le bras tellement fort que la marque de ses doigts s'était imprimée dans ma chair laissant des traces écarlates. Même si elles se sont un peu estompées à l'heure actuelle, je peux toujours en distinguer la trace. C'est au moment où il a vu les rougeurs qu'il s'est calmé instantanément. Je n'ai pas eu à faire les gestes que je connais par cœur pour le calmer.
Il s'était alors excusé maintes et maintes fois, je n'avais et n'ai toujours pas compris pourquoi. Il sait que je ne ressens pas la douleur. Il me rappela que nous étions frères et que nous devions nous protéger et ne pas nous faire de mal. J'acquiesçais parce que je savais déjà tout ça. Il a tout de même continué sa morale jusqu'à être coupé par l'entrée d'Anne dans le patio.
Elle a annoncé à la source de la haine de mon frère que le Docteur Māyā voulait la voir. Cela n'était en soit pas étonnant, car elle fait partie de son équipe de suivi. Mais c'est bien embêtant pour nous. En parlant de la patiente, celle-ci était très pâle, et même si l'infirmière l'avait appelé, elle ne s'était pas levée pour la suivre.
L'infirmière prit les devants et alla à sa rencontre, elles se murmurèrent quelque chose que nous ne pûmes entendre car nous étions trop loin. Anne l'aida alors à se lever et essaya de la maintenir discrètement. D'un coup, la brune se détacha de la soignante et commença à marcher en direction du bâtiment hospitalier.
On aurait dit un faon qui venait de naître tant ses pas n'étaient pas assurés et ses jambes étaient tremblantes. Puis, elle s'est retournée vers les patients et en particulier Éléonore pour lui indiquer que tout allait bien. Tout le monde voyait que c'était un mensonge, mais la rousse fit mine de la croire et lui sourit en retour. Décidément, la brune avait un don pour s'entourer des mauvaises personnes.
Mon frère se pencha et en ricanant me murmura la cause de son mal-être. Peut-être aurais-je dû faire semblant de rire, car il s'arrêta net pour me regarder étrangement les yeux plissés en étroites fentes.
Il est tard, je dois les rejoindre, si j'arrive en retard on va forcément me poser des questions. Je réécrirais dans ce journal quand je serai seul et quand j'aurai le temps.
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Imaginaire
AdventureLe 15 octobre 1967, Gabrielle Girardin, âgée de 16 ans et issue d'une prestigieuse famille est témoin du meurtre de son voisin par un monstre tout droit sorti de ses pires cauchemars. Quelques jours plus tard, la jeune fille est diagnostiquée schizo...