Chapitre 17 : Songe ou réalité ?

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 Je me redresse sur mon siège complètement paniquée. Un goût amer et salé dans la bouche. Des gouttes de sueur viennent s'écraser dans mes sourcils. Je tends une main vers les deux soignants pour m'assurer qu'ils sont bel et bien réels. Ma paume rentre alors en contact avec la joue du Docteur Māyā. Je la sens se raidir sous mon touché, mais elle ne bouge pas d'un centimètre. Elle m'observe avec appréhension, elle semble retenir sa respiration comme si je suis un animal sauvage blessé qui risque de s'enfuir au moindre mouvement de sa part.

La chaleur de sa peau foncée contre la mienne pâle et gelée me fait frissonner. J'ai l'impression de ressentir le sang parcourant les minuscules vaisseaux sanguins de son visage. À la naissance de son cou, j'aperçois une veine se gonflant et se dégonflant paresseusement. Ils sont réels, je ne rêve pas. Je suis sauvée. Des larmes de soulagement commence à perler au creux de mes yeux.

Le psychologue m'interroge de son sublime regard noir, il est rempli à ras bord de bienveillance qui réchauffe mon corps glacé jusqu'à l'os. Je peux me voir dans les iris ébène de la soignante. Je n'ai plus ce sourire maléfique me remontant jusqu'aux oreilles que j'avais cru distinguer dans le reflet d'une vitre pendant mon cauchemar. Je suis complètement normale même si je semble être la Lassitude et l'Anxiété personnifiées en une seule entité.

– Vous êtes jolie, murmuré-je.

Le nez rond ponctué de minuscules taches de rousseur de la soignante se fronce légèrement. Ses lèvres s'étirent en un doux sourire dévoilant de longues dents parfaitement alignées et d'une blancheur éclatante. Cette femme semble sortie tout droit du paradis. Est-elle un ange venu me sauver des enfers de mon esprit ? C'est à l'instant où elle éclate de rire que je me rends compte de l'incongruité de ma remarque.

Pendant que je bafouille de pathétiques excuses de minuscules aiguilles viennent s'enfoncer à l'arrière de mon crâne. Je sais d'instinct que cette désagréable sensation n'est autre que les deux yeux de mon psychiatre vissés sur moi. Je tourne la tête dans sa direction. Il se tient légèrement en retrait derrière sa collègue. Tout son être transpire réflexion et tension. Il ressemble, à cet instant, à un ressort complètement écrasé n'attendant que de s'étendre. Ses yeux couleur glacier sont mi-clos comme si un problème complexe – qui n'est d'autre que moi-même – lui fait face et qu'il est le seul à pouvoir résoudre. Sa bouche aux lèvres exsangues s'entre ouvre pendant quelques instants avant de se refermer sans un bruit.

Lorsque je tente de me lever du sofa couleur jaune poussin sur lequel je suis allongée pour fuir ce regard inquisiteur, la soignante exerce une légère pression pour que je reste assise.

– Gabrielle, il faut impérativement que nous parlons. Nous avons des questions, annonce-t-elle doucement.

J'ignore cette demande et je me lève pour leur tourner le dos. Je fais maintenant face à la porte d'entrée entourée du papier peint fleuri que je n'ai vu que dans le cabinet du Docteur Māyā. Le mauvais gout de cette tenture m'avait véritablement marqué lorsque je l'avais vu pour la première fois. Je grimace, la dernière chose que j'ai envie de subir est un interrogatoire. Rien que de penser à ce cauchemar mes mains commencent à trembler et je sens ma vieille amie, la Peur, recommencer à grignoter mon estomac. Je suis obligée de serrer mes poings autant que mon poignet blessé me le permet pour éviter qu'ils ne voient la panique me gagner.

– De quoi voulez-vous parler ?

– De ça, me répond la voix grinçante du Docteur Buile.

Je sursaute à l'entente de sa réponse. Celle-ci aussi rapide que fulgurante me rappelle le claquement sec d'un fouet dans l'air. Pourquoi parle-t-il soudainement avec autant d'animosité ? Depuis plusieurs jours, le psychiatre avait montré une nouvelle facette plus douce et plus humaine de lui qui m'avait d'abord rendue suspicieuse. Puis que j'avais su l'apprécier et même la savourer. Ce revirement soudain de comportement n'annonce rien de bon.

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