Je bouscule les infirmières tenant les portes battantes et je me précipite dans le couloir. Lorsque je déboule dans le corridor, une lumière blanche artificielle me brûle les rétines, mais je continue ma course tout en m'arrachant les cordes vocales à crier le prénom de « Paul ».
Pendant un instant, il n'y a qu'un silence stupéfait qui daigne me répondre. Une fois la stupeur passée, les infirmières, sous les invectives aiguës de Suzanne, commencent à me prendre en chasse tels de petits soldats. Mais, le gain de temps que m'a donné l'effet de surprise m'a déjà permis d'arriver au bout du couloir, qui par chance donne sur une porte identique à celle d'où je suis arrivée.
Je me force alors à me retourner vers les soignantes pour appeler une dernière fois le détenu, et pendant que je lui crie ma présence, je croise le regard d'Anne. Cette dernière n'a pas bougé d'un millimètre et elle me fixe comme si elle n'arrive pas à me reconnaître, comme si face à elle, se déroule un pathétique spectacle dont le sens lui échappe. Cette étreinte visuelle, bien que ne durant qu'une milliseconde, me perce le cœur. Est-ce que je viens de briser la confiance de mon plus fidèle soutien ? Est-ce que plus tard, j'aurai la force et le droit de lui expliquer le plan de Lucien ? Pourra-t-elle le comprendre ? Nous comprendre ?
Je n'ai pas le temps de penser à tout cela, je pousse de tout mon poids la porte battante qui s'ouvre à toute volée sous l'impact combiné de mon poids et de ma vitesse. Le battant s'éclate contre le mur et rebondit d'une telle force que j'arrive à peine à l'esquiver.
Je déboule alors, le souffle court, dans une cage d'escalier où l'obscurité règne. J'ai alors la désagréable impression que si je fais un pas de plus, les ténèbres vont se refermer sur moi sans aucune échappatoire possible. Je vais être prise au piège quoi que je fasse.
Derrière moi, j'entends déjà les pas des soignantes qui se rapprochent, et, sans réfléchir une seconde de plus, je m'engouffre le plus rapidement possible dans la pénombre. Quatre à quatre, plus je dévale les marches, plus l'obscurité s'éclaircit, me permettant de distinguer avec facilité où je mets les pieds. Je refuse de m'arrêter, car je sais que la panique va m'envahir à la seconde où la réalité des conséquences de mes actes va me frapper de plein fouet.
Je m'empêche de regarder derrière moi et je continue à descendre un étage, puis deux, puis trois, et ainsi petit à petit, la course effrénée derrière moi se transforme en pas de velours. Les voix cassées à force de hurlements se transforment en doux chuchotements pour finir en murmures semblables à des caresses.
Mes jambes commencent à s'emmêler, perdues par le mouvement trop répétitif de ma trop longue descente. Je m'arrête alors pour reprendre mes esprits et réussir à empêcher la pointe brûlante qui s'est logée dans mes poumons de s'enfoncer plus profondément dans mon corps. Je me colle contre le mur en essayant de me faire la plus petite possible.
Je compte les secondes et je m'étonne alors de la distance que j'ai réussi à creuser avec eux, surtout que je n'ai dû descendre que deux ou trois étages tout au plus. J'entends alors leurs voix éraillées par les cris. Elles ne courent plus, mais me maudissent et se questionnent sur mon étrange rapidité.
Je m'écrase encore plus contre le mur, en retenant de plus en plus difficilement ma respiration. Le petit groupe arrive alors à quelques marches au-dessus du palier sur lequel je me suis arrêtée. Je suis surprise, car malgré l'obscurité, j'arrive à distinguer nettement leurs silhouettes.
-Je suis vraiment inquiète, Gabrielle va de plus en plus mal", dis-je. Un nœud douloureux se forme dans ma gorge et les larmes me montent aux yeux. Malgré tout ce que je lui fais subir, Anne me considère toujours. Je me mords la lèvre pour m'empêcher de leur signaler ma position.
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Imaginaire
AdventureLe 15 octobre 1967, Gabrielle Girardin, âgée de 16 ans et issue d'une prestigieuse famille est témoin du meurtre de son voisin par un monstre tout droit sorti de ses pires cauchemars. Quelques jours plus tard, la jeune fille est diagnostiquée schizo...