Chapitre 16 : Rendez-vous avec le diable

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Le monstre resserre son étreinte sur moi. Il m'étreint si fort que j'ai l'impression que mes côtes commencent à se fissurer. Mes poumons comprimés par ma cage thoracique m'empêchent de respirer correctement. Je vais me faire broyer si je ne fais rien. J'essaye alors de lever mes mains dans l'espoir de les plaquer contre son torse pour m'appuyer dessus et me détacher de cette bête. Impossible, la douleur est telle que bouger une phalange m'électrise tout le corps.

Tout d'un coup, la bête se met à tourner sur elle-même à une vitesse effroyable. Je ferme les yeux, la bouche ouverte en un cri muet. Pendant ces instants, ces minutes, ces heures mon cerveau vient cogner ma boite crânienne et des milliers de flashs viennent s'imprimer sous mes paupières. J'essaye de combattre en parallèle la nausée faisant des aller-retour dans mon œsophage. Je prie pour que mon esprit s'éteigne, que je me réveille à nouveau dans l'hôpital. Pour que ce cauchemar s'arrête enfin.

Pourtant, ce cirque ne prend pas fin, et au moment où je sens que ma vision se brouille, que toutes mes forces m'abandonnent l'Uxoricide me lâche. Mes jambes n'arrivent pas à résister eu choc, elles s'affaissent sous mon poids. Je me crispe en attendant que la douleur au niveau de mon coccyx m'envahisse. Mais au contact du sol, je ne ressens rien. J'ai l'impression de tomber sur un matelas peu rembourré.

Je regarde tout autour de moi. Nous ne sommes plus chez moi. Nous sommes dans une dans une clairière décharnée de tous buissons, de toutes herbes folles. Le terrain est complètement nu et composé de terre battue humide entourée d'arbres dégarnis de leurs beaux habits verts. Leurs branches ressemblent à des griffes acérées dont les contours sont floutés par de la brume. Les bruits ambiants de la forêt ont disparu comme si les moindres insectes, les moindres oiseaux et animaux avaient compris que le monstre qui me fait face est un prédateur, le pire de tous.

Nous voilà pour la troisième fois en tête-à-tête. Ma cervelle tambourine et marche à mille à l'heure pour savoir comment trouver une échappatoire. Je n'ai pas le temps d'avoir peur. Je retourne mentalement mille et une fois ma situation dans tous les angles pour trouver mon ticket de sortie de ce cauchemar. Comment puis-je me réveiller ? Dois-je me tuer dans mon rêve pour revenir à la vie normale ? Si oui ? Comment ?

L'Uxoricide pendant ce temps continue de me faire face dans un silence à faire pâlir la mort. Malgré ses orbites vides, je sens qu'il épie mes moindres gestes, qu'il m'examine. Les rôles sont inversés, je suis l'animal dans une cage et lui est le scientifique qui s'amuse à comprendre ce qu'il me passe par la tête.

Cette situation m'énerve, mon impuissance m'éclate en pleine figure. Mon corps semble prendre vie indépendamment de mon esprit et je me sens reculer doucement, le regard toujours fixé sur l'entité. Le tueur ne bouge pas. A-t-il seulement remarqué que je m'étais déplacée ?

Oui. Il m'a vu. Maintenant, il s'avance vers moi. Lentement, le dos légèrement courbé, ses bras trop grands pour sa taille pendent et frôlent de manière grotesque le sol humide. Il ressemble à un albatros à peine posé au sol, ses membres trop longs l'empêchant d'avoir lors de ses déplacements une quelconque grâce. Toute son attention est dirigée vers moi. J'essaye de ne pas croiser ce visage complètement démuni d'attributs. À chaque fois, que je l'examine, je me perds dans ma contemplation comme aspirée par le vide de ses orbites. Mon esprit s'égare, se perd dans les méandres d'un labyrinthe de pensées sanguinaires et morbides.

Je ne fais pas le moindre geste. J'attends un signe d'une attaque de sa part pour m'enfuir en courant. Le démon arrive en face de moi. Il reste là, planté comme un piquet. Il s'accroupit alors pour que son visage soit face au mien. Je rencontre à nouveau ces maudits trous creusés dans son visage. Je ferme mes yeux refusant de croiser son hypnotique regard.

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