Chapitre 15 : Illusions

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 Je me réveille en sursaut. J'ai dû faire un terrible cauchemar pour autant peiner à reprendre une respiration normale. Je regarde tout autour de moi. Je suis dans mon lit, dans ma chambre, chez moi à Ricardi. Pourquoi est-ce que je me fais cette remarque ? Pourquoi est-ce qu'une part de moi pense être dans le nord de la France ?

La pellicule de sueur dont je suis couverte commence à s'évaporer m'arrachant un frisson. J'allume l'interrupteur de ma lampe de chevet et je me lève doucement en faisant le moins de bruit possible, mais pourquoi est-ce que je veux être la plus silencieuse possible ? Pourquoi est-ce que j'ai peur ?

Peur ? Non, je suis terrorisée. Mais de quoi ?

Je me décide alors à aller prendre un pull dans mon armoire en bois juste en face de mon lit pour me couvrir. Le contact du sol froid sous mes pieds me saisit et j'ai l'impression de voir pendant une fraction de seconde un carrelage à carreaux où s'entrelacent des arabesques bleutées. Je me fige, était-ce une vision du rêve que j'avais fait ?

Je me promène dans la pièce comme si j'étais une étrangère, une voleuse. J'examine tous les moindres recoins. Mon lit au centre de la pièce, mon armoire face à lui, mon bureau à côté de ma fenêtre donnant sur ma cour. Au mur, les portraits de familles sont encadrés dans de délicats supports dorés. Tout est exactement comme dans mon souvenir.

Mon souvenir ? Je n'ai jamais quitté cette chambre.

À un moment, je passe devant le miroir de ma coiffeuse et je rencontre mon reflet. La lumière chaude et jaune de ma lampe de chevet me donne un air blafard comme si j'étais un cadavre revenu d'entre les morts. Mes cheveux noirs mi-long sont tellement en bataille que lorsque j'essaye de me recoiffer ma main se prend dans d'épais nœuds. Mes yeux noirs complètements cernés ne reflètent aucune joie, juste de la lassitude. Au fond de mes prunelles, j'arrive à déceler un effroi qui me fait reculer de ma contemplation.

Avec peine, je tente à nouveau de m'observer en essayant de me reconnaître, de retrouver mes yeux remplis de joie et de détermination qui contrastaient avec mon nez court et droit qui lui me donnait un air doux et rêveur. Mais mon regard a changé. Désormais, j'ai l'impression que celui-ci m'accuse, me tempête d'agir contre toute cette folie.

D'agir contre cette folie ?

À tout moment, j'ai l'impression que mon double peut prendre vie et sortir de la glace. J'essaye de me rassurer tant bien que mal que je fabule entièrement en m'encourageant d'un sourire. Ma jumelle irréelle me renvoie des lèvres gercées et pleines se tordant dans une grimace comme si je n'avais pas ri depuis des mois. Les seules choses qui me permettent de me dire que je suis cette image que le miroir me renvoie sont cette minuscule fossette sur ma joue gauche ainsi que trois grains de beauté formant un triangle sur ma pommette droite.

D'un coup, le miroir se fissure pile au niveau de mon nez. Je sursaute en arrière en me protégeant le visage. Une panique sourde s'empare de ma gorge. J'ai la sensation horrible de sentir des mains d'une force sans égale me prendre le bras et de ressentir une morsure sur mon poignet droit. Je manque de hurler de souffrance. Je me mords les joues en sentant mes yeux s'embuer de larmes. Je laisse échapper quelques gémissements et quelques râles. Mon corps tremble de partout. Je suis incapable de l'arrêter.

D'un coup, la souffrance est partie aussi vite qu'elle est venue. J'ose alors regarder mon avant-bras droit, mais rien, il n'y a aucune trace de sang, aucune cicatrice, rien. Mais qu'est-ce que c'était que ça ? J'ai beau examiner mes bras, les bouger dans tous les sens, je n'ai pas mal. Aucune blessure, aucune effusion de sang.

Heureusement que j'ai réussi à me retenir de crier, j'aurai pu réveiller mes parents.

Mes parents ?

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