Chapitre 3 : Māyā

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Une sensation de déshydratation intense me saisit brusquement la bouche et la gorge. J'entrouvre les yeux, ceux-ci sont attirés vers la gauche. Des rideaux opaques sont tirés sur une fenêtre. Une légère lumière émane du carreau. À part ces quelques rayons de soleil qui illuminent un bout de la pièce où je suis, le reste est plongé dans le noir. Cependant, une chose est sûre, je ne suis pas chez moi, car le lit dans lequel je me trouve au lieu d'être plat est légèrement redressé. Où suis-je alors ? Comment ai-je pu atterrir dans cet endroit ? Mes souvenirs s'arrêtent après ma chute.

Je me redresse en m'appuyant légèrement sur les mains. La douleur de cette action me fait serrer les dents. Je remarque que mes poings sont bandés. Je sens que mon avant bras est relié à ce que je suppose être une perfusion. À tâtons, je suis la tubulure en plastique pour arriver à la poche et la détacher du pied à perfusion. La pochette en plastique dans les mains, je retire ma couverture avec une grimace. Au moindre geste, mes mains me brûlent. Je me lève d'un bond en me rasseyant rapidement, puisque ma tête se met à tourner méchamment. J'inspire et j'expire puis je retente une tentative. Nouvel échec, une nausée me prend immédiatement à la gorge.

Ne me laissant pas abattre, je recommence à sortir du lit et cette fois-ci, je ne suis prise que d'un léger tournis. Les quelques pas entre mon lit et la fenêtre me font souffrir, mon corps est raide et douloureux. Il doit être couvert d'hématomes. J'ai l'impression d'être passée sous un train. En ouvrant les rideaux, je suis éblouie quelques instants par le soleil, puis l'extérieur se dévoile à moi.

Le bâtiment dans lequel je me trouve est entouré de murs en brique assez hauts pour que personne ne puisse les franchir. Derrière, une forêt s'étend à perte de vue. Pas la moindre trace d'habitation. Pourquoi suis-je aussi loin de chez moi ? Mon regard redescend sur la statue entre l'entrée de l'édifice et le portail noir en fer forgé. À la vue de la sculpture, je serre les poings ignorant la douleur de mes mains écorchées et la perfusion se tordant sous la pression de ceux-ci. J'inspire et j'expire lentement. La statue représente un homme debout ses mains griffant son visage qui lui est coupé en deux. Je suis donc bien dans un hôpital psychiatrique. À quoi m'attendais-je sérieusement ? Je n'allais pas être recueillie après ma chute dans un institut qui s'avère être une école spécialisée pour former des chasseurs de monstres ou je ne sais quoi. Un rire nerveux se transformant en une quinte de toux me parcourt le corps. Quelle idiote. Cependant, la question de « comment suis-je arrivée ici ? » reste intacte.

Avec toute cette lumière, je peux enfin voir la pièce dans laquelle je me trouve. Sans surprise, c'est une chambre basique d'hôpital ou de clinique : composée uniquement d'un lit médicalisé et d'une armoire en plastique blanc. À droite de la porte d'entrée de la salle se trouve un autre accès, donnant sur ce que je suppose être une salle d'eau. Je déglutis, j'ai tellement soif. Alors que je me dirige vers celui-ci, j'entends des pas. Je me fige et regarde tout autour de moi, aucune cachette possible. Au bout de quelques instants, une femme entre dans ma chambre. Nos regards se rencontrent. Elle est petite, peut-être même plus que moi, blonde très claire, des yeux bleus-gris et aborde un léger sourire espiègle. On se regarde, surprises, ne sachant pas quoi dire.

- Tu es réveillée ! Comment vas-tu ? Mais que fais-tu debout ? Tu sais, tu as fait une sacrée chute. Tu aurais pu te blesser plus gravement, tu as eu beaucoup de chance, tu devrais te rallonger ! débite-t-elle d'un trait.

- Soif... j'ai soif s'il vous plait, coassé-je assommée par sa tirade.

Rien que de prononcer ces mots, je sens ma gorge se flétrir. La femme hoche de la tête. Elle ouvre la porte qui était dans le renfoncement de la pièce et revient me voir avec un gobelet rempli d'eau fraiche. Elle me le tend, et je dois me faire violence pour ne pas le lui arracher des mains et tout boire d'un coup. Au contact de l'eau avec ma gorge, je me sens comme revivre. Une fois mon verre fini, je laisse échapper un soupir de satisfaction qui fait rire l'infirmière.

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