Chapitre 5 : Des yeux rouge sang

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Je me relève en sursaut, et me précipite vers la fenêtre. J'ouvre les lourds rideaux d'un geste brusque. Des barreaux me bouchent la vue, une vague d'indignation me submerge. J'ai l'impression d'être en prison et non dans un hôpital psychiatrique. Je tape du pied contre le mur, j'ai envie de partir d'ici, partir loin de tout. Il n'y a rien dans ma vie qui n'aille. Je m'assois dos contre le mur, la tête dans les genoux. Et, pour la première fois depuis bien longtemps, je laisse mes larmes couler. Petit à petit, mes pleurs se transforment en sanglots longs et bruyants. Mon corps secoué de spasmes m'empêche de respirer correctement. J'halète, j'ai les poumons en feu.

L'insupportable grattement reprend en doublant d'intensité. Je l'ignore, je suis clouée au sol dans un désespoir total. Pourtant, celui-ci persiste, infatigable. Je lui crie de s'en aller, de me laisser tranquille en me bouchant les oreilles et en me balançant de droite à gauche. Sans que je ne la sente venir, une main agrippe fermement l'épaule. Je lève les yeux en hurlant de peur mais je m'arrête instantanément car face à moi se trouve Anne.

Elle essaye de me parler, de me demander ce qui ne va pas, de me rassurer. Voyant qu'elle n'obtient pas de réponse, elle décide de s'asseoir à côté de moi et sans un bruit elle me serre contre elle. Je ne sais pas combien de temps, nous restons là. Son contact me fait du bien et petit à petit ma respiration redevient normale et le flot de mes larmes s'amenuise pour ne rester qu'un sillon sec sur mes joues.

- Anne, je veux rentrer chez moi. Ce n'est pas juste, je ne devrais pas être ici.

- Je sais, je sais, c'est dur. Mais dis-toi que tu es ici pour ton bien. Tu vas faire, j'en suis sûre, de superbes rencontres. En tout cas, je vais faire tout mon possible pour qu'ici, tu te sentes mieux. Ah oui, aussi, je voulais m'excuser pour tout à l'heure, je n'aurais pas dû t'abandonner comme ça avec Éléonore. Tout est nouveau pour toi, alors au moindre problème, je serai là pour t'aider, quoi qu'il arrive.

Je relève la tête et la regarde, puis je réponds à son étreinte. Enfin, j'ai l'impression que quelqu'un ici peut me comprendre. Finalement, il y a toujours un rayon de soleil même dans la pire des tempêtes.

- Tu devrais aller te coucher pour être d'attaque demain, me chuchote-t-elle.

- Je ne peux pas dormir, j'ai trop faim. La vieille m'a privée de dîner. Je crois qu'elle ne m'aime pas. Dis, tu ne pourrais pas m'apporter un morceau de pain ou je-sais-pas-quoi du repas de ce soir ?

- Un peu de respect ! Tu verras, la vieille, comme tu dis, n'est pas si méchante. Elle aime juste l'ordre. Je ne peux pas faire ça. Déjà : les patients sont justement en train de manger et de plus : le vol est interdit. Tu ne sais pas ce que je risque.

- Allez, tu sais si tu m'apportes un peu de nourriture, je te pardonne pour tout à l'heure, lui dis-je suppliante en lui faisant les yeux doux.

- Je veux vraiment t'aider, mais ça, je ne peux pas.

- Visiblement, non, tu ne veux pas vraiment m'aider. Je ne pense pas qu'un morceau de pain te coûte ton poste.

Je commence à me relever en l'ignorant superbement quand l'infirmière m'attrape la manche de mon pull.

- Je...Bon je vais voir ce que je peux faire, mais je te ne garantis rien, ok ? Puis même si je reviens bredouille, tu iras te coucher tu me promets ? concède l'infirmière en soupirant.

Un sourire de victoire étire mes lèvres, j'essaye de lui cacher tant bien que mal, mais elle n'est pas dupe. Celle-ci se lève et part de la chambre. Au bout de quelques instants, le grattement accompagné du sifflotement reprend. Je me lève d'un bond. Furieuse, j'ouvre les rideaux d'un geste brusque et presse ma tête contre la vitre froide. J'observe les alentours, la nuit est tombée. L'extérieur n'étant pas éclairé, il est très difficile de distinguer quoi que ce soit à plus de quelques mètres.

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