Chapitre 10 : Orion

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8 février 1968, France, Hôpital St Anne

Embrumée par le sommeil, j'ouvre les yeux petit à petit en grognant. Je bats des paupières pour m'habituer à l'obscurité de ma chambre. Je tâte ma poche avec hâte, puis je me rappelle qu'hier soir, après être rentrée de  mon rendez-vous avec le Docteur Māyā, nous avions dû à nouveau préparer le repas et j'avais réussi à voler un sac à congélation.Quand nous avons tous fini de manger, de faire la vaisselle ainsi que ce que les soignants appellent le « temps calme » dans le patio c'est-à-dire faire de la méditation, lire des livres et jouer à des jeux de société. Nous,  dans un calme relativement étonnant, retirés dans nos chambres respectives.

Une fois seule, je m'étais précipitée dans la salle d'eau, j'ai soulevé le couvercle du réservoir de la toilette en essayant de faire le moins de bruit possible. Puis j'ai mis la page que j'avais volé cet-après midi dans le sac en plastique pour la protéger de l'eau contenue dans le réservoir. Ensuite, je m'étais habillée de mon pyjama et sereine j'étais allée me coucher.

Je baille et me repositionne pour me rendormir, quand tout d'un coup, j'aperçois une silhouette noire dans le coin de la pièce. Je me pétrifie instantanément et je sens monter en moi une vague de panique qui va bientôt me submerger si je n'agis pas vite. Le souffle court, je me concentre pour essayer de paraitre la plus normale possible, l'inconnu ne doit pas comprendre que je l'ai bel et bien vu.  En exagérant un soupir de satisfaction, je fais semblant de poser confortablement ma tête sur mon oreiller, alors que je tends discrètement mon bras pour attraper ma lampe de chevet dans le but de la lancer sur l'ombre.

Dans un cri que je veux de guerre, j'attrape l'objet à ma droite le plus rapidement possible et le lance sur l'intrus. Celui-ci esquive gracieusement le projectile qui vient s'écraser contre le mur et se briser en mille morceaux dans un grand et retentissant fracas.  L'ombre se jette sur moi et plaque sa main sur ma bouche.

- Gabrielle, c'est moi, Éléonore, chuchote l'ombre.

La pression de sa main est telle que j'ai l'impression d'étouffer, je me débats légèrement en lâchant des grognements étranglés par sa paume. Elle me lâche, en comprenant que je suis au bord de l'asphyxie. 

- Éléonore ?! Qu'est-ce que tu fais là en plein milieu de la nuit, dis-je en essayant de reprendre mon souffle.

- Parle pas si fort, tu vas ameuter tout le dortoir. Déjà quelle idée de balancer une lampe, tu as failli me tuer, chuchote-t-elle.

- En même temps, pourquoi tu viens me regarder dans mon sommeil ? C'est un truc de tueur ça ! T'imagines même pas à quel point j'ai eu peur ! Mais d'ailleurs comment tu as fait pour rentrer dans ma chambre ? l'assénè-je de questions tout en essayant de parler le moins fort possible.

J'ai le cœur qui bat encore la chamade pendant que la rousse s'assoit au bord de mon lit. Elle farfouille dans sa poche et j'entends un bruit métallique.

- Ne me dis pas que c'est ce que je pense.

- Ça dépend tu penses à quoi ? me répond-elle malicieusement.

- Mais t'es malade ?! Si on se fait chopper, on est morte !

- Chut, arrête de paniquer, c'est à cause de tes cris que l'on va se faire chopper. Ne t'inquiète pas, je les ai juste empruntées.

- Comment est-ce que je pourrai me calmer ? Déjà, tu voles des clés et après tu fais du voyeurisme dans ma chambre !

- Tout de suite les grands mots. Tu t'es réveillée alors que je venais de rentrer dans ta chambre. J'ai rien vu de ce que tu caches t'inquiète pas, rigole-t-elle.

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