Chapitre 12 : le Nord ?

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Je suis mon psychiatre à travers le réfectoire. Quand il ouvre la porte battante menant à la clinique, nous manquons de renverser Anne. Celle-ci garde la tête baissée et pousse un fauteuil roulant. Elle nous contourne sans dire aucun mot, sans aucun regard. Je me retourne sur son passage, et l'observe aller au pas de course vers les deux ambulanciers tenant le corps inanimé de Lucien. Pourquoi est-elle dans cet état ? Elle devrait être habituée à voir ce genre de scène dans un hôpital psychiatrique, à moins qu'elle ne soit particulièrement attachée à Lucien.

« Gabrielle, vous me suivez ? »

Le Docteur Buile a ouvert la porte battante, à côté de lui, l'entrée de la clinique semble avoir rapetissée, il la dépasse d'au moins d'une trentaine de centimètres. Son immensité et sa maigreur me frappent une fois de plus. Sa main décharnée qui maintient l'ouverture me fait penser à une serre d'aigle, de là où je suis, j'ai l'impression que je peux en apercevoir les moindres os et les moindres tendons. On aurait dit un géant gardant un portail si férocement qu'il en avait oublié de manger.

Je hoche la tête et je m'avance vers lui. Nous entrons alors dans la partie clinique de l'hôpital. Pendant que nous marchons dans le bâtiment hospitalier, je remarque que nous restons au rez-de-chaussée. Le trajet est silencieux et je me contente de le suivre à la trace me faisant la plus docile possible. Autant rentrer dans ses bonnes grâces après les événements de ce matin.

Au bout de quelques minutes, après avoir pris de multiples tournants et couloirs qui se ressemblent tous les uns autant que les autres, nous débouchons sur un hall. Celui-ci est vaste et lumineux. Je suis éblouie par ce puits de lumière, face à nous se trouvent d'immenses vitrées. J'aperçois à travers les vitres la statue s'arrachant le visage que j'avais vu lors de mon arrivée. Ce qui signifie que nous sommes à l'entrée de l'hôpital. Quel est l'intérêt ? Est-ce que cela veut dire que nous sortons ?

- Catherine, nous sortons, annonce le Docteur Buile comme pour répondre à mes pensées.

Je tourne la tête dans la direction vers laquelle mon psychiatre s'est exprimé. Une secrétaire derrière une vitre jaunie par la fumée de sa cigarette coincée entre ses lèvres se tient nonchalamment en train de lire une fiche. Je soupçonne qu'elle soit obligée d'être debout à cause de son tailleur couleur crème bien trop serré qui lui donne l'air d'un rôti de veau mal ficelé. Derrière la femme, se trouvent d'innombrables casiers, qui mal fermés, laissent s'échapper quelques feuilles volantes.

- Docteur, je fais quoi des parents là, ils attendent depuis une heure ? désigne-t-elle d'un geste nonchalant de la tête.

Je suis la direction indiquée par la secrétaire, sur une rangée de bancs disposés dans le hall d'entrée, des adultes observent avec insistance mon psychiatre. L'homme au crâne dégarni remonte ses lunettes bleues sur son nez rond, ses sourcils gris et broussailleux sont froncés. Il porte une vieille chemise mal boutonnée tâchée laissant apercevoir un bout de son torse. Quant à sa voisine, elle est sa copie conforme mais féminisée. Leurs visages respirent la bienveillance malgré leurs expressions et leurs tenues qui reflètent une profonde détresse.

Ils se lèvent maladroitement et se précipitent dans notre direction, je recule d'un pas. Alors que je pense que mon psychiatre va s'arrêter pour leur parler, il n'en fait rien. Avec aisance, il dépasse les deux adultes sans leur adresser le moindre regard. L'homme ouvre la bouche pour parler, mais mon psychiatre le devance.

- Si vous voulez prendre rendez-vous, allez voir la secrétaire au bout de la pièce ou appelez mon cabinet.

La femme se précipite vers le Docteur et lui attrape la manche de son pull qu'elle secoue avec désespoir.

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