Prologue : La Chose

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15 Octobre 1967, FRANCE

Tac... Tac... Tac...

Je me réveille en sursaut, puis je tends l'oreille. Quelque chose m'a sortie de mon lourd sommeil, mais impossible de savoir quoi. Ma chambre est plongée dans le noir, je sais alors que nous sommes en pleine nuit, car  je ne dors jamais les volets fermés.

Tac... Tac... Tac...

Je me fige sous ma couette, le bruit, c'est lui qui m'a réveillé, j'en suis sûre. J'attends qu'il s'arrête mais régulier comme un métronome il ne stoppe pas. Mon esprit commence à s'échauffer dans des hypothèses plus folles les unes que les autres. Je pense directement à un cambriolage ou alors pire, un meurtre se déroulant juste sous ma fenêtre. Plus je réflechis à la source de ce mystérieux son, plus je commence à voir d'étranges formes apparaître dans ma chambre. Les ombres de mes meubles éclairés par la lune se transforment petit à petit en monstres assoiffés de sang.

Le peu de courage qui me reste me fait tendre ma main vers l'interrupteur de ma lampe de chevet et d'un coup sec j'appuie dessus. La lumière douce et chaude inondant ma chambre fait disparaitre les chimères sanguinaires que mon esprit avait créées. Rassurée, je tourne la tête vers ma commode pour regarder l'heure sur mon réveil. Il n'est que 3 H 30 du matin. Le bruit est de plus en plus persistant, je sais alors que je ne pourrais pas me rendormir avant d'en avoir découvert la source.

Tac... Tac... Tac...

Doucement, en prenant soin de me couvrir et de mettre mes chaussons, je sors de mon lit et regarde instinctivement la fenêtre de ma chambre. Une pensée plus que dérangeante s'insinue alors dans mon esprit. Comment pourrais-je entendre ce bruit alors que ma fenêtre de chambre est fermée ? Avec lenteur et appréhension, je tourne la tête vers celle-ci. Elle est ouverte. Je déglutis. Ma chambre est au premier étage. Il est donc impossible que quelqu'un de l'extérieur ait pu l'ouvrir. La curiosité et la peur se faufilent en moi. J'hésite, ne serait-il pas plus prudent de juste la fermer et de me rendormir ?

Je m'approche alors doucement de ma fenêtre en faisant le moins de bruit possible. Arrivée à son niveau, je me précipite pour la fermer d'un geste brusque. Ma chambre me donne une vue imprenable sur mon entrée et sur le début de mon impasse. Alors, minutieusement, je décale les rideaux transparents pour regarder l'extérieur, mais rien. Il n'y a pas âme qui vive, à quoi m'attendais-je sérieusement, il est si tôt pourquoi quelqu'un s'amuserait à faire un brouhaha pareil.

Tac... Tac... Tac...

Je sursaute en entendant à nouveau ce vacarme reprendre de plus belle.  À y réfléchir, il ressemble comme deux gouttes d'eau aux trois coups qui retentissent avant qu'une pièce de théâtre ne commence. Je sais alors que tant que ce bruit persiste, il m'est impossible de me rendormir. Dois-je aller réveiller mes parents ? Mauvaise idée, ils me tueront si je les empêche de dormir pour quelque chose qui me fait peur. Je n'ai plus huit ans.

La décision prise, je sors de ma chambre et j'arrive beaucoup trop vite à mon goût dans le hall de ma maison. Je suis à deux doigts d'ouvrir ma porte. Tout à coup, je sens la peur m'attaquer au niveau de l'estomac, puis  remonter sournoisement dans mon œsophage pour finir son ascension dans ma gorge. Je suis pétrifiée. Je sens l'atmosphère devenir de plus en plus lourde, comme si un mur d'air s'était formé devant moi. Il m'apparaît comme vivant, il lutte, tempête pour que je n'ouvre pas cette porte. Ma respiration devient irrégulière. La panique se referme sur moi sans que je ne puisse rien faire. J'ai l'impression de me noyer. Je ferme les yeux et j'ouvre la bouche pour crier, mais le son meurt instantanément sur mes lèvres. Mon cœur bat de plus en plus vite et j'ai le sentiment qu'il va transpercer ma poitrine. Une lutte invisible s'engage entre mon corps et moi.

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