Des joujoux par milliers

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J'adore la période de Noël. Je l'aime vraiment d'amour, tout comme ma famille et ma copine. Mais il y a quelque chose dont je me passerais bien, c'est l'emballage des cadeaux.

J'ai toujours été une pro pour les déchirer, sous l'œil très inquiet de mes frères. J'en faisais des boules avant de jouer avec toute la soirée. Une fois, j'ai emprunté le rouleau de scotch et j'en ai fait des billes de toutes les couleurs. Ça a beaucoup amusé ma nièce, lorsque nous étions jeunes.

Maintenant que je suis adulte, et normalement responsable, c'est à moi de dépenser de l'argent pour acheter des cadeaux aux autres, et surtout les emballer. Bien sûr, je pourrais le faire au magasin où je déniche mes présents, et demander à ce pauvre employé déjà occupé à ne plus savoir quoi faire de me libérer de ce fardeau. Sauf que je n'en suis pas capable, et ce, pour deux raisons. Je ne suis pas un être sadique et j'achète mes cadeaux sur internet. Et les sites, pour bien se faire voir auprès des férus de l'environnement, ne proposent plus d'emballages tout faits. Ils suggèrent des idées pour dissimuler l'objet, mais très clairement, il faut avoir fait des études d'art pour comprendre.

Il y a aussi autre chose qui me dérange vis-à-vis des paquets, c'est que je ne peux pas me dérober. Ou du moins, je ne peux plus. Pour notre premier Noël ensemble à Hannah et moi, nous nous sommes offert de petits trucs. Comme nous étions encore jeunes, ce n'était pas quelque chose de cher. Le but était de réaliser quelque chose de personnel. Sauf que moi, j'ai triché. Je ne l'ai jamais avoué à personne, mais contrairement à ce que j'ai raconté à la fille que j'aimais, ce n'est pas moi qui ai emballé son cadeau à l'époque, mais une de mes mères. Seren est une vraie magicienne du papier décoré et elle m'a sauvé la vie.

Alors, afin de ne pas perdre la face vis-à-vis d'Hannah, chaque année, je me coltine l'emballage. Ma chérie pense que j'adore ça, si bien qu'elle me laisse tranquille sur la petite table de notre cuisine, et elle va se cacher dans notre chambre pour lire une romance de Noël. Et moi, je jure. Franchement, je crois que Konstantin serait fier de moi.

En premier, je me bats avec les ciseaux. Je n'ai jamais réussi à trouver des ciseaux de gauchère à taille adulte et mes doigts sont particulièrement gros — un don de mon géniteur. C'est donc toujours quelque peu complexe de découper quelque chose de correct avec une paire qui n'est pas adaptée à soi.

En second, et par esprit de corrélation, c'est le papier qui est contre moi. Forcément, comme il n'est pas découpé droit, voire même déchiré à certains endroits, il ne m'aide pas à bien empaqueter les cadeaux. De plus, comme je ne suis vraiment pas douée, je ne prends jamais assez de matière. Je n'arrive pas à bien évaluer la longueur nécessaire afin que le présent soit bien caché. Donc la plupart du temps, mes paquets ressemblent à des puzzles.

Et en troisième, nous sommes face à ma némésis. Les coins, cette invention diabolique. J'ai parfois l'impression que les fabricants de cadeaux s'amusent à nos dépens, nous, les nuls en emballages. Parce que chaque objet que nous avons acheté cette année comporte des angles droits. Il faut donc plier le papier, le tenir, mettre le scotch, et ce, en quelques secondes, montre en main. C'est d'une vraie épreuve olympique, et c'est habituellement dans ces moments-là que je craque. Comme aujourd'hui.

— J'en ai marre ! Ça me soule !

Je colle mes mains sur ma bouche, me rendant compte que j'ai crié. Notre appartement n'est pas très bien isolé — la joie d'habiter dans la capitale anglaise — et c'est presque certain qu'Hannah m'a entendue. Je tends l'oreille, ne bougeant plus d'un millimètre. Gagné, elle est en train de se lever.

— Nounouche chérie, tout va bien ?

Comme d'habitude, ses surnoms mielleux et son sourire tout doux me font fondre. Mon exaspération est comme de la neige au soleil lorsque ma copine est dans mon champ de vision.

— Je galère. Les coins m'en veulent franchement.

— C'est la première année que ça t'arrive. Est-ce à cause du nouveau papier qu'on a acheté ?

Je le fixe avec un air de dédain. Certes, il est écologique puisque fabriqué avec des matières recyclées, mais il n'est pas solide du tout et se découpe avec difficulté. Sauf que c'est Hannah qui l'a choisi, parce qu'elle est très engagée dans tout ce qui est écologie et que je ne peux décemment pas lui dire ce que je pense de cette... chose. J'ai l'impression que mon paquet est en train de se moquer de moi, la face à moitié scotchée. C'est exaspérant.

— Un peu. Mais j'ai un aveu à te faire. Assieds-toi s'il te plaît.

Elle penche très légèrement la tête, faisant couler ses boucles rebondies sur son épaule. Elle est encore plus belle comme ça. Ça me fait mal de lui briser son cœur.

Elle m'attrape mes mains et me sourit délicatement, pour m'encourager à parler. J'avale ma salive avec bruit, et je prends une grande respiration.

— Je suis nulle en emballage. Je déteste ça. Et quand on était adolescentes, j'avais tellement envie de t'impressionner que j'ai triché. J'ai demandé à Seren de m'aider.

— Oh, ma douce...

— Je suis désolée de t'avoir menti pendant tout ce temps. Je ne suis qu'une fraude.

— Mais non !

Elle se lève en vitesse et vient me rejoindre à ma place. Elle s'assied sur mes genoux, parce qu'elle sait que j'adore ça.

— C'est trop mignon. Et tu n'es absolument pas une fraude. Tu es ma copine et je t'aime. On va chercher une solution pour les paquets.

Elle glisse sa paume droite sur ma joue, s'amuse avec mes cheveux et me sourit encore plus. Je meurs d'envie de l'embrasser. Mes mains s'actionnent d'elles-mêmes et vont trouver sa nuque. Elle comprend le message et se penche vers mes lèvres.

Peut-être que je suis clichée, peut-être que c'est à cause de la période ou de mes sentiments qui débordent comme au premier jour, mais à chaque fois sa bouche est contre la mienne, j'ai l'impression de m'envoler et de toucher les nuages. Elle est tellement belle, tellement tout, que parfois, je me demande si je ne rêve pas.

— Tu sais Anouchka, pour moi, tu n'as pas besoin d'emballer quelque chose. Parce que mon cadeau, c'est toi. 

Ciel de NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant