Au pied du mur

Chapitre 48

Encore et encore, je repense à chaque étape du plan, à chaque chose qui peut mal tourner. Et la boule dans ma gorge grossie pendant que mon ventre se tort comme si quelqu'un essayait de l'essorer.

Les cahots du chemin nous malmènent et mettent en exergue le silence qui règne dans l'habitacle du tout terrain.

La stratégie de cette nuit est plus folle que toutes celles qu'on avait imaginé entre nous. Le Parrain veut que nous nous emparions du Centre. Sur le papier c'est facile, il nous suffit dans un premier temps de sceller le bunker. Tous les militaires y sont. Mais si nous ne sommes pas assez synchros pour boucler la sortie principale et celles de secours, nous sommes foutus. Et même si nous y arrivons, nous ne savons pas s'il y en a d'autres... Si par chance tout se passe bien, il va nous falloir entrer dans le camp, en passant le faussé, les doubles clôtures électrifiées et le barbelé pour avertir les autres jeunes et leur demander de coopérer... Facile...

Le Parrain nous a fourni des images aériennes du camp, heureusement, car Laurent n'avait pas vu les dernières installations et il a été plus facile pour tout le monde de visualiser quoi faire.

Le bloc des soixante chalets se situe dans le coin Est de la zone et c'est par là que nous allons entrer, car c'est la nuit et le but c'est d'avertir les autres adolescents de ce qui se trame, de plus la sortie de secours du complexe souterrain est de ce côté. Un groupe composé uniquement des hommes du Parrain va gérer l'entrée principale à l'Ouest, celle par laquelle nous avons fui plusieurs mois en arrière. Par contre, nous savons qu'il existe un passage qui mène au sous-sol qui part de l'infirmerie – qui est plutôt un immense complexe hospitalier – et cette dernière se trouve à l'ouest dans l'enceinte du camp. Mais au moins nous sommes sûrs de l'endroit d'où va venir la menace. Et pour libérer ceux du sous-sol il va nous falloir un accès.

Je suis chargée de gérer la trappe de secours, du moins de commencer à la bloquer pour qu'un groupe de soudeurs du Parrain termine de la sceller complètement, pendant que deux autres gardes les véhicules et empêche les patrouilles se trouvant à l'extérieur du complexe de rouvrir le passage. Ensuite je dois me dépêcher de rejoindre les autres devant le fossé. Il est long d'environ six mètres de nos estimations. Benoit doit trimballer de l'eau et la modeler pour que je la gèle et en faire un pont. Ensuite Martin et Boris doivent libérer un passage au cœur des deux grillages pour que Charlotte fasse exploser le petit mur de deux mètres cinquante qui cerne le camp et qui n'était pas là avant. C'est le moment où nous arrêtons d'être discrets, car il sera certains que les militaires sauront déjà que nous sommes là. Même si pour le moment Boris étouffe le bruit des véhicules. Le but c'est qu'ils détectent la menace à l'Ouest une ou deux minutes avant la nôtre. Au moment où une patrouille militaire va intercepter les intrus pour comprendre pourquoi ils se sont perdus ici, ces derniers vont activer un brouilleur d'ondes soi-disant puissant pour empêcher toute communication. Il faut les rendre aveugles pour avoir une chance. Le Centre est immense, pour faire circuler les informations nous espérons qu'ils auront du mal et nous nous prémunissons ainsi d'interventions extérieures. Du moins nous espérons.

Nous approchons, tout feu éteint, car notre chauffeur a des lunettes infrarouges. J'essaie d'empêcher mon cerveau de bloquer les concours de nos empathes qui essaient de me calmer. En vain. Laurent me serre la main pour me communiquer son soutien. J'ai peur de mourir, j'ai peur qu'il meure, j'ai peur que quelqu'un se fasse tuer. Mais nous agissons parce que c'est ce qu'il faut faire.

Cyril, Lily, Laurent et Estelle ne seront pas en première ligne, ils sont chargés de nous seconder. Mais si quelqu'un se prend une balle en pleine tête je doute que Lily puisse y faire quoi que ce soit. Nous portons des gilets pare-balles. Ils sont lourds, mais nous nous sommes entraînés avec. Ce qui me gêne le plus c'est que je dois éviter de faire fondre le mien.