Chapitre 26

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Nous l'apercevons enfin la ville en contre-bas. Ses lumières nous attirent autant qu'elles nous inquiètent. Certains ont fait part de leur réticence. Il faut dire que les murs gris et les toitures en ardoises ne sont pas très accueillants, mais avec ce temps rien ne le serait. Il fera bientôt réellement nuit, dans une heure tout au plus, mais il est encore tôt.

— Je vais descendre avec Benjamin, faire du repérage. Comme ça nous n'avancerons pas à l'aveuglette cette nuit, et Laurent et apte à percevoir l'approche de personnes hostiles, donc ça devrait aller pour vous aussi.

J'aurais préféré qu'il parte avec quelqu'un de plus dangereux, Jennifer, Martin ou moi. Mais aucun de nous trois n'a de rangers et nous serions un poids. Benjamin est capable de manipuler l'électricité, sauf qu'il ne sait pas s'en servir, à part quand il a peur et qu'on le touche. J'espère que ça suffira.

Nous nous sommes tous blottis sous un pain et je réchauffe tout le monde pour que leurs habits sèchent.

— Tu devrais te ménager, me dit Martin.

— Ça ne me demande pas trop d'énergie, t'inquiète pas.

Ce n'est pas tout à fait vrai, mais ça fait bientôt une journée que certaines parties de nos corps n'ont pas séché et la température chute rapidement. Qui sait quand nous aurons l'occasion de réellement relâcher notre vigilance et de nous reposer. Tant que je suis un boulet qu'ils doivent porter au moins que je puisse les soulager. Lily non plus ne se ménage pas, elle soigne et traite ce qu'elle peut. Elle maîtrise de mieux en mieux son don. Elle n'arrive pas à nous expliquer comment elle fait, mais je la crois sur parole quand elle affirme qu'elle peut aller plus loin avec sa capacité. Je sais que pour Laurent, Cyril ou moi c'est devenu très instinctif quand nous avons compris comment le pouvoir fonctionnait.

Nos compagnons somnolent pour la plupart et le silence règne. J'ai ma main dans celle de Laurent et je joue avec pour m'occuper l'esprit et lui éviter de partir imaginer le pire.

— Cyril arrive, déclare-t-il avant de se taire un instant et de reprendre. Ils nous attendent en bas, en fait.

— Vous semblez vachement bavarder par télépathie.

— Nos dons sont voisins, nous nous percevons plus facilement que les autres. Je ne saurais pas expliquer.

Pour rejoindre nos amis, c'est Boris qui me porte. J'ai peur de le casser en deux. Pourtant j'ai conscience qu'il est musclé et je ne suis pas bien lourde, mais la sensation demeure.

Le sol est boueux et Julien chute alors qu'il portait Laura. C'est la catastrophe, en essayant de les aider Charlotte tombe aussi. Et quand nous arrivons à leur niveau, Boris glisse à son tour. Il parvient, néanmoins, à se tourner pour ne pas m'écraser.

— Je termine à pied, dis-je en peinant pour me redresser.

Je retiens un frisson de dégoût d'avoir les orteils plongés dans la boue visqueuse où je sens beaucoup de choses qui ressemblent à des vers, alors que ça ne doit être que des brindilles.

Nous continuons tous sans porteur, et comme d'autres, je râle presque à chaque pas.

Nous finissons enfin par retrouver Cyril et Benjamin, et les suivons. Je suis étonnée de voir que nous abandonnons la ville et descendons tout au fond de la vallée au bord du cours d'eau. Il y a quelques grands chalets, mais aucun n'a de lumières allumées.

— Quand on a fureté près de certaines maisons, j'ai capté des pensées confuses, mais qui m'ont aiguillé vers ces baraques. Elles ne sont occupées que l'été.

— Il n'y aura plus rien dedans, fait remarquer Martin. Les gens vont pas laisser leurs fringues. Ni d'argent.

— Je suis pas sûr, parce que le gars que j'ai espionné se demandait si en allant piquer des affaires dans ces baraques les personnes le remarqueraient. Nous verrons bien de toute façon. C'est beaucoup moins risqué que d'aller là où toutes les habitations sont regroupées.

Au pied du murOù les histoires vivent. Découvrez maintenant