Chapitre 34

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Cyril et Martin sont sortis nous chercher à manger, c'est ce que je découvre en rejoignant les autres. Apparemment, ils sont partis depuis plus d'une heure et comme mes amis, je ne peux m'empêcher de regarder la porte et de guetter le plus petit bruit. Je suis angoissée. Je n'ai pas la moindre idée de comment sont les choses à l'extérieur. C'est peut-être chacun pour soi et les agressions sont légion, ou alors c'est comme avant. Mon esprit est peut-être trop fertile.

Laurent apaise notre stress, du moins le mien, mais j'ai noté que quelques autres se détendaient aussi. Il nous faut finir les aménagements pour la nuit. Nous avons décidé de réorganiser la maison. Le grenier va devenir une sorte de dortoir commun. Et je dois reconnaître que si durant toutes mes années au camp ma solitude m'avait manquée, mon séjour dans les sous-sols m'a vacciné contre mes anciens désirs. Donc je suis ravie d'avoir les autres pour veiller sur moi la nuit.

De plus, en étant aussi loin de l'entrée, nous aurons le temps de réagir en cas d'intrusion. Bien que rien ne garantit que personne ne viendra par les toits. Mais il a fallu peser le pour et les contres et tout le monde a préféré prendre de la hauteur. J'espère néanmoins que nous n'aurons pas à fuir par les velux.

Quoi qu'il en soit, nous avons amené les différents jeux au second étage et les avons dispersés dans deux pièces. Il se trouve que dans le tas, il y avait deux consoles et qu'il y avait cinq écrans dans la maison. Nous allons dédier une pièce aux jeux vidéo, en plus de quelques divertissements et le billard ira dans l'autre. Je ne sais pas si nous aurons le temps de nous en servir, mais je crois que l'idée de pérenniser notre présence rassure tout le monde.

Le problème c'est qu'il faudra être sûr que tout soit vraiment bien insonorisé et rendu aveugle pour pouvoir jouir de tous ces aménagements.

Pour l'entraînement de nos capacités, il a été décidé d'utiliser le sous-sol. Surtout qu'il faudra qu'à un moment ou un autre Charlotte tente de prendre le dessus sur le sien. Bien qu'il faille espérer qu'elle ne fasse pas écrouler la maison. Pour son cas et celui de Benjamin, certains ont parlé d'essayer de commencer par pratiquer loin de la civilisation, mais entre des éclairs et des boules de feu, je ne suis pas certaine que nous parviendrons à nous éloigner assez. Boris, pense pouvoir contenir le bruit avec sa télékinésie, mais là aussi, tant qu'il ne le maîtrise pas bien, l'idée ne paraît pas très bonne.

Je suis en train d'aider à monter un des sommiers quand la porte d'en bas se referme. Comme tout le monde, j'abandonne ma tâche et accours.

Cyril et Martin sont chargés comme des mules et ils semblent aller bien, un poids me quitte.

Tu pensais vraiment qu'on reviendrait pas ? Je t'ai promis que ça irait.

Une promesse très con, je n'ai pas changé d'avis sur le sujet.

Cyril sourit. À part peut-être Laurent, nos amis ne savent pas que son expression m'est destinée.

J'aide en cuisine à ranger et je découvre que la partie congélation du grand frigidaire n'est pas vide.

— Vous saviez qu'il y avait des légumes et d'autres machins congelés ? dis-je à la cantonade.

— Ouais, mais on voulait être sûrs de manquer de rien et que ça reste quelques jours de plus ou de moins ça ne changerait rien, répond Julien.

— Y'a même un énorme stock de bières, là, m'indique Estelle.

Et en effet, dans un placard, fermé par une porte que je n'avais même pas remarquée, il y a une quantité d'alcool impressionnante, au moins une centaine de bières sur les étagères du bas et tout un tas d'autres alcools sur celles du haut. Je ne sais même pas si les autres savent qu'il y a une cave à vin en sous-sol, je n'ai pas dénombré les bouteilles présentent, mais il y en avait une bonne cinquantaine, dont certaines m'avaient l'air très vieille, comme une collection.

— On s'est tapé la purée, parce qu'elle était vraiment périmée depuis des lustres, mais y'a du riz, des pattes et des conserves qui ne le sont pas encore. On a mangé que les choses dépassées de dates, m'explique Boris.

Je suis choquée d'avoir raté tout ça alors que tout le monde est au courant.

— La personne qui vivait là semble avoir disparu du jour au lendemain et personne n'est venu depuis, surenchérit Jennifer.

Nous sommes treize, même si la quantité me paraît importante, tout peut partir très vite, mais nous allons enfin pouvoir nous nourrir à notre faim. Au moins quelques jours.

La table de la salle à manger est assez grande pour nous tous. Elle a seize chaises, j'ai même lavé des nappes faites pour cet immense meuble. Il n'y a que quatorze lits, mais je crois que le canapé du salon, les deux dans la salle de jeu et les trois qu'il y avait dans certaines chambres font aussi couchages. Cette maison était vraiment destinée à accueillir énormément de monde. Il y a beaucoup d'espace à table entre chaque couvert et c'est vrai qu'en y pensant, il me semble avoir aperçu des chaises dans les deux bureaux.

Cyril et Martin ont très bien choisi, nous avons de la chance. Je cherche où ranger le lait et ouvre la multitude de placards qui couvrent tout un pan de mur de la cuisine et je découvre un second frigo. Propre, ce qui veut dire que les autres l'ont trouvé et nettoyé, il n'y a plus rien dans le compartiment congélation, sûrement qu'ils ont tout basculé dans l'immense que j'ai ouvert plus tôt.

Nous pourrions stocker beaucoup d'aliments et limiter le nombre de sorties, ce qui diminuerait le risque de nous faire repérer, c'est génial.

Grâce à Martin, on a gagné du temps, il se souvenait très bien de la ville et des endroits où nous pourrions trouver des maisons capables de tous nous accueillir. Celle-ci, c'est la cinquième qu'on a forcée. On en a visité deux de plus, mais il était évident que nous ne dénicherions pas mieux.

Rien ne garantissait qu'elles seraient vides.

— En effet, il y a certains quartiers où nous n'avons même pas tenté en voyant qu'ils étaient toujours pas mal habités. Dans celui où nous sommes, il y a d'autres personnes qui occupent illégalement des maisons, mais nous avons la chance d'en avoir aucune qui ne soit collée à la nôtre. Peut-être que certains ont raison et que l'un de ceux qui n'a pas encore son don qui s'est réveillé à le pouvoir de la chance, s'amuse Cyril.

Mouais. Merci pour les explications en tout cas.

Je ne suis pas sûre de cette histoire, même si ce serait vraiment génial. Mais je crois que celui dont ce serait le cas vivrait vraiment mal de ne pas pouvoir agir comme nous nous pouvons le faire.

Certains décident de s'atteler à la cuisine. Il y a de la viande au menu, j'en salive d'avance et pourtant ce n'est pas mon plat préféré ! Pour patienter, je repars préparer notre chambre. De toute façon, je ne sais pas cuisiner.

Je reprends le sommier aidé de Laurent, il ne nous en manquera plus que deux à monter. Les draps attendent déjà dans la pièce d'être installés, Jennifer et Estelle s'en occupent. Nous avons quand même décidé de coller tous les lits les uns contre les autres. En longueur ils passaient facilement, mais tout le monde a préféré les mettre dans l'autre sens où il y a peu de marge de manœuvre. Mais c'est vrai que ça dégage l'espace et que personne ne se retrouve sous les lucarnes. Impossible pour des gens extérieurs de nous voir, même si nous avons calfeutré les sorties et que le risque était minime. Nous n'avons pas peint les vitres, seulement agrafées des épaisseurs de tissus autour des velux au plafond. Ce qui va nous éviter de nous asphyxier, car il faut reconnaître que l'odeur dans le reste de la maison est terrible. Tant que nous sommes éveillés, nous avons ouvert les fenêtres, mais pas les volets, du second et du premier, mais nous n'avons pas osé au rez-de-chaussée et la cuisine n'a pas encore été faite. Mais j'imagine peut-être que Jennifer pourra pousser l'odeur pour la faire partir, enfin j'espère, sinon ce sera impossible de manger sans finir avec un mal de crâne carabiné.

Je me sens sereine ce soir, sans aide magique, ça ne mettait pas arrivé depuis des mois. Et je savoure ce moment.

Au pied du murOù les histoires vivent. Découvrez maintenant